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Autisme: “je suis de gauche et j’emmerde la psychanalyse”

Publié le 07 mars 2012 par Lana

Alléluia, quelqu’un a pensé à interroger un autiste!!

Jeudi 8 mars, la Haute autorité de santé rendra son rapport sur l’utilisation de la psychanalyse dans les cas d’autisme.

AFP/PHILIPPE HUGUEN

La Haute autorité de santé doit rendre jeudi ses recommandations dans le traitement de l’autisme. Dans la blogosphère, les défenseurs de la psychanalyse et ses détracteurs se déchaînent.

Quelle place pour la psychanalyse dans le traitement de l’autisme? La polémique fait rage sur la toile dans l’attente de la publication, jeudi 8 mars, des recommandations de bonne pratique de la Haute autorité de santé (HAS). La révélation par Libération, le 13 février, de la version non finalisée de ce document, dans laquelle cette approche était classé parmi les “interventions globales non recommandées ou non consensuelles”, a en effet mis le feu aux poudres. Depuis, les prises de parole se multiplient, dans un foisonnement qui témoigne, pour le moins, d’un vrai débat.

Sur son blog, le président de l’unique association de personnes autistes (à différencier de celles qui regroupent les familles d’enfants autistes), Satedi, adresse une “lettre ouverte aux journaux français à grand tirage” intitulée: Et les patients dans tout ça? Emmanuel Dubrulle regrette que ce soit “toujours les mêmes qui parlent” et que “à une exception près [il ne s'agit pas de L'Express] aucun journal n’ait pris la peine de contacter les principaux intéressés, les patients. [...] Peut-être les médias pensent-ils encore que les enfants autistes restent des enfants, qu’aucun n’arriverait à se développer suffisamment pour devenir pleinement adulte, avoir une certaine curiosité sur le monde qui l’entoure et y intervenir, ou simplement y faire entendre sa voix?” Citoyen Belge de 37 ans, Emmanuel Dubrulle vit à Bruxelles. Diagnostiqué autiste, il a suivi une scolarité chaotique dans le système éducatif belge classique avant de devenir documentaliste dans une institution européenne. Il préside l’association Satedi, créée en 2004 et localisée en France. Celle-ci compte une centaine d’adhérents et a été consultée par la HAS pour la rédaction de ses recommandations.

“Le tout ABA n’est pas une solution”

Dans sa lettre, Emmanuel Dubrulle réagit à l’article de Libération qui dénonce “l’interdiction” de la psychanalyse et, en particulier, aux propos de Bernard Golse, chef du service de pédospychiatrie à l’hôpital Necker à Paris et psychanalyste, dont il précise d’emblée qu’il le considère comme “un praticien sérieux”. “Le tout à ABA [une méthode comportementaliste] n’est pas une solution mais dans une grande gamme de problématiques, les approches comportementalistes apportent des solutions tout à fait valables, écrit-il. Mais comme toutes les approches, elles ne sont en rien universelles tant les patients dits “autistes” peuvent être différents dans leur degrés de handicap, leurs sur-handicaps, et leurs besoins”.

Et d’ajouter: “Je suis fort mécontent quand certains tenants de l’approche psychanalytique font référence à des mouvements communautaristes et anti-ABA de l’autre côté de l’Atlantique, avec comme finalité de défendre leur chapelle. Je répondrai à ces psys que la plupart des détracteurs d’ABA dans ces mouvements n’ont jamais été pris en charge par des professionnels ABA et que les critiques à l’encontre d’ABA portent le plus souvent sur sa genèse de la pratique telle qu’elle se faisait il y a un peu plus de 30 ans. Pour paraphraser Bernard Golse ["Il y a de mauvais psychanalystes, mais est-ce que parce qu'il y a quelques mauvais chirurgiens qu'il faut interdire la profession"], je dirai que des mauvais praticiens ABA, ça existe aussi”.

“Croisade”, de “haine” et “dérive dramatique”

Sur le site du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, un mouvement lancé par des psychiatres pour s’opposer à la politique du gouvernement en matière de santé mentale, la mère d’un enfant autiste de 4 ans prend la parole pour dénoncer, justement, la méthode ABA. Initialement publié sur le site lacanquotidien.com, le coup de gueule de Mireille Battut s’intitule: “Plutôt coupable qu’ABA“. “J’ai choisi, en concertation avec le CMP [centre médico-psychologique] de mon secteur, d’obtenir une admission de Louis [son fils] à temps plein à l’hôpital de jour, écrit-elle. Il y suivra une scolarité adaptée, avec deux éducateurs permanents pour 8 enfants, et le soutien de toute une équipe pluridisciplinaire. Cette intégration a été précédée d’une période d’observation et d’évaluation, assez éprouvante par sa longueur, qui permet néanmoins d’espérer que le projet sera le plus ajusté possible à ses capacités d’évolution. Il paraît que si nous résistons à l’ABA, c’est que nous sommes arriérés, et dépravés par la psychanalyse. C’est vrai, chez nous, ABA ne fait que commencer de nuire. Nous sommes un nouveau marché à conquérir [pour cette méthode venue des Etats-Unis]“.

Sur Agoravox, des parents d’enfants autistes regroupés dans le collectif EgaliTED publient une tribune libre, Réponse ouverte de parents d’enfants autistes aux journalistes, philosophes et psychanalystes. Elle est adressée à une liste d’auteurs qu’Egalited juge favorables à la psychanalyse. “Ne vous est-il pourtant pas apparu que pour l’instant, le seul lobby audible dans les médias est celui de la psychanalyse et que le changement demandé [en faveur de méthodes éducatives et comportementales] est le fait de parents d’enfants autistes, tous individuellement concernés? Ce changement demandé, et actuellement cautionné par le Politique, vous fait tellement peur que vous parlez alors de “croisade”, de “haine”, de “dérive dramatique”, “d’offensive” ou encore de “persécution”. A quand le mot “génocide”?” Un peu plus loin, le collectif ajoute: “Mais, là où la ligne rouge est bien définitivement franchie c’est dans les références à un passé peu glorieux: le “nazisme”, le “stalinisme” les “dictatures”. C’est doublement choquant. Car associer un sain débat scientifique et thérapeutique au nazisme, c’est bien faire preuve du plus pur fascisme intellectuel: vouloir imposer par la force et la violence son idéologie”.

“Je suis de gauche et j’emmerde la psychanalyse”

Un post du blog Contes de la folie ordinaire, sur Mediapart, consacré à la place de la folie dans la société, défend l’approche psychanalytique, remettant en question le tout biologique. Il s’adresse “A l’autiste qui a consenti à quitter son monde et à celui qui se méfie de nous“. Et conclut: “N’est-il pas légitime encore de s’interroger si nous ne devons voir dans le silence de l’autiste uniquement le résultat d’un handicap de l’individu, ou un refuge du désir?”

Toujours sur Mediapart, Jean-Louis Racca, professeur agrégé de mathématiques dans un lycée de Grenoble, s’insurge contre les raccourcis qui voudraient que les pro-psychanalyse soient forcément de gauche et les antis, de droite. Sur son blog, il signe un billet au titre provocateur: “Je suis de gauche et j’emmerde la psychanalyse“, qui n’y va pas par quatre chemins. “On ne peut affirmer le caractère droitier des critiques de la psychanalyse que si l’on ignore les critiques de gauche”, écrit-il, avant de clamer: “La psychanalyse doit cesser de prendre la gauche en otage”.

Les pétitionnaires ne sont pas en reste. Les pro-psychanalyses ont leur pétition, sur le site Lacan quotidien, avec sa ” pétition internationale pour l’abord clinique de l’autisme“. Dans le camp opposé, le Collectif des professionnels pour les bonnes Pratiques en psychiatrie appelle à signer son “Manifeste pour les bonnes pratiques dans la prise en charge de l’autisme“.

http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/sante/autisme-je-suis-de-gauche-et-j-emmerde-la-psychanalyse_1090103.html


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