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Léon-Gontran Damas : Printemps des poètes 2012

Publié le 08 mars 2012 par Litterature_blog
Léon-Gontran Damas : Printemps des poètes 2012 Damas est un des trois grands noms de la négritude avec Césaire et Senghor. J’ai entendu son nom pour la première fois en 1992, l’année où j’ai passé mon Bac de français. Notre prof nous avait une préparé un groupement de textes pour l’oral sur ce mouvement littéraire typique du XXème siècle. Un choix audacieux de sa part, je m’en rends compte maintenant. Qu’elle en soit aujourd’hui remerciée car j’ai pu grâce à elle découvrir des textes et des auteurs qui m’ont beaucoup marqué.
Damas se singularise quelque peu de Césaire et Senghor par le fait que son engagement politique est moins prononcé. Né en Guyane en 1912 dans une famille métissée, il rejette l’éducation bourgeoise que sa mère veut lui inculquer. C’est dans son premier recueil poétique, Pigments, qu’il exprime le mieux, non sans violence, un malaise profond, celui d’une personnalité qui ne trouve plus ses repères. Et puisque le thème de cette édition du Printemps des poètes est l’enfance, l’occasion m’est donnée de présenter le poème Hoquet qui est pour moi le plus représentatif de sa quête d’identité.
Et j'ai beau avaler sept gorgées d'eau
trois à quatre fois par vingt-quatre heures
me revient mon enfance
dans un hoquet secouant
mon instinct
tel le flic le voyou
Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en
Ma mère voulant d'un fils très bonnes manières à table
Les mains sur la table
le pain ne se coupe pas
le pain se rompt
le pain ne se gaspille pas
le pain de Dieu
le pain de la sueur du front de votre Père
le pain du pain
Un os se mange avec mesure et discrétion
un estomac doit être sociable
et tout estomac sociable
se passe de rots
une fourchette n'est pas un cure-dents
défense de se moucher
au su
au vu de tout le monde
et puis tenez-vous droit
un nez bien élevé
ne balaye pas l'assiette


Et puis et puis
et puis au nom du Père
du Fils
du Saint-Esprit
à la fin de chaque repas
Et puis et puis
et puis désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en


Ma mère voulant d'un fils mémorandum
Si votre leçon d'histoire n'est pas sue
vous n'irez pas à la messe
dimanche
avec vos effets des dimanches
Cet enfant sera la honte de notre nom
cet enfant sera notre nom de Dieu
Taisez-vous
Vous ai-je ou non dit qu'il vous fallait parler français
le français de France
le français du Français
le français français


Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en
Ma mère voulant d'un fils
fils de sa mère
Vous n'avez pas salué voisine
encore vos chaussures de sales
et que je vous y reprenne dans la rue
sur l'herbe ou la Savane
à l'ombre du Monument aux Morts
à jouer
à vous ébattre avec Untel
avec Untel qui n'a pas reçu le baptême


Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en
Ma mère voulant d'un fils très do
très ré
très mi
très fa
très sol
très la
très si
très do
ré-mi-fa
sol-la-si
do
Il m'est revenu que vous n'étiez encore pas
à votre leçon de vi-o-lon
Un banjo
vous dîtes un banjo
comment dîtes-vous
un banjo
vous dîtes bien
un banjo
Non monsieur
vous saurez qu'on ne souffre chez nous
ni ban
ni jo
ni gui
ni tare
les "mulâtres" ne font pas ça
laissez donc ça aux "nègres"
(Léon-Gontran Damas, Pigments, 1937)


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