Comment qualifier cette œuvre aux imposantes dimensions, dont il est précisé en notice qu'elle bénéficia d'un "considérable rayonnement géographique et temporel", si ce n'est d'essentiellement rococo ? Rococo tardif sûrement, du moins en rapport de l'esthétique européenne qui la vit naître (1782 : c'est aussi l'année de la Grande Messe en ut de Mozart, dont certains échos soufflent ici, notamment l'Et incarnatus, dans la cadence du Quoniam). Mais un rococo en phase, sans doute, avec l'expansion toute coloniale d'un terre de mission catholique, où le compositeur s'installa en 1811, et où la partition fut donc tant diffusée. Rococo certainement, ce Christe Eleison aux entrées sagement décalées mais à la ligne serpentine, comme enguirlandée. Rococo encore et surtout, au terme d'un volubile et fleuri Gloria à huit sections, le Quoniam justement, traité tel un duo d'opéra vocalisant (et assez délirant) ; où, face au soprano lumineux de Luanda Siqueira, luit l'autre soprano - non moins splendide de projection, virtuosité et éclat - de Charles Barbier.
Spectacle supplémentaire que de voir (et d'entendre) ce dernier assurer tout aussi crânement ses attributions de ténor et de chef de chœur. Quel chœur du reste, dont la jeunesse (un an) n'a d'égale que l'homogénéité technique, agrémentée de quelques timbres spectaculaires, en particulier chez les basses ! Tactus d'une somptueuse élégance offert en prime, pour d'hypnotiques interpolations, dans l'ordinaire de la messe de plain-chant, selon les rites. Des combinatoires insérées comme autant de respirations naturelles, de contrepoints aux volutes baroques galbées par le soin tout paternel de Procopio. En clef de voûte, une sortie aussi originale que malicieuse, due au talent de compositrice de Caroline Marçot. Imitant - là encore - une pratique vernaculaire attestée, avec Quetzal, sorte d'Ite misa est créole, subtiles incantations tressées de breton, de corse, et d'onomatopées. Cette fort belle réussite, concomitante à la publication, par le même Ensemble l'Échelle, de La Chambre musicale d'Albert le Magnifique, et inscrite dans une ambition plus largement dénommée Outre-Mers, fera l'objet à son tour d'un enregistrement, à la cathédrale de Cuenca (Castille) en 2012. Auprès du label Paraty bien sûr, dont le précieux patronage est très opportunément rappelé en cet après-midi parisienne.
‣J. D.
‣Un entretien vidéo avec Bruno Procopio (Classique News). ‣ Un entretien vidéo avec Charles Barbier(Daily Motion). ‣ Des extraits vidéo de la Messe sont disponibles sur YouTube ; ici même, le Domine Deus
‣ Crédits iconographiques - Bruno Procopio, Classique News - Caroline Marçot, Musique nouvelle en liberté -
Charles Barbier, Facebook.