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Comment savoir si l'on a péché?

Publié le 17 janvier 2008 par Ffievre
En ce moment, je lis pour mes loisirs (je sais, ça peut paraître un peu étrange comme lecture, à côté d'Harry Potter) l'Histoire Ecclésiastique du Peuple Anglais de Bède le Vénérable, qui est la toute première histoire de l'Angleterre à être écrite, au tout début du VIIIe siècle.
Bède y raconte comment l'île de Bretagne fut investie par les bretons, qui furent tour à tour envahis par les pictes, les scots, les romains, les angles et les saxons. Surtout, il veut raconter l'histoire de l'évangélisation de la Bretagne, et comment Saint Augustin (pas lui, l'autre) s'y prend pour extirper le péché de ces méchants idolâtres que sont les Angles.
Le Pape Grégoire écrit ainsi à Augustin, évèque de Canterbury, pour répondre à une question que celui-ci s'était posée à propos des péchés commis dans les rêves (I, XXVII):
Nous devons nous demander si cette pensée n'était rien d'autre qu'une suggestion, la recherche d'une jouissance, ou, ce qui est plus criminel encore, un consentement au péché. Car tout péché s'accomplit de trois manières: par voie de suggestion, par délectation et par consentement. C'est le diable qui instille la suggestion; la délectation naît de la chair; et le consentement, de l'esprit. Le serpent a suggéré la première faute; Eve, comme si elle était la chair, a été charmée; mais Adam, comme s'il était l'intelligence, a consenti. Cependant, l'esprit doit faire appel à un grand discernement pour juger s'il s'agit de suggestion ou de délectation, de délectation ou de consentement. En effet, si le démon suggère un péché à l'intelligence et qu'il ne s'ensuive aucune délectation, alors il n'y a pas eu de péché. Mais quand la chair commence à s'en délecter, alors le péché commence à sourdre; mais si elle y consent délibérément, alors on doit tenir le péché pour accompli.
La source du péché est donc dans la suggestion, la croissance du péché se fait par délectation, et le péché s'avère dans le consentement. Il arrive souvent que le mal semé par le démon dans la pensée, la chair l'attire vers la délectation, à laquelle l'âme cependant ne consent pas. Et quoique la chair ne puisse pas se délecter sans l'accord de l'esprit, cependant l'esprit qui lutte contre le plaisir de la chair est, d'une certaine mesure, assujetti contre son gré au plaisir de la chair, de telle sorte qu'il s'y oppose de toute sa raison, de peur d'y céder; et cependant, le fait d'y être soumis avec délice le fait gémir de douleur à cause de son lien.
Les flagellants illustrent bien (ils arrivent bien plus tard, au XIe siècle semble-t-il) cette lutte d'une partie de l'homme contre soi-même, cette liberté de l'esprit qui ne consent pas au péché, et qui essaye tant bien que mal de sortir des rets du plaisir de la chair, en la punissant par d'autres rets, ceux de la souffrance. Merci Saint Paul...
Je me demande si le stade de la chair ne peut pas être "sauté", et si on ne peut pas passer directement de la suggestion diabolique au consentement intellectuel. Qu'en penserait Grégoire? Il dirait bien sûr que ce n'est pas possible, que l'esprit ne peut consentir à des chaînes qui ne sont pas ressenties. Mais il ne semble pas tenir compte de la possibilité d'une délectation intellectuelle... Après tout, la suggestion diabolique ne se fait-elle pas au niveau des pensées? C'est ce que l'on appelle aujourd'hui un fantasme, mais ce concept est un peu en dehors du cadre intellectuel de Grégoire et de Bède.
En tout cas, ce que dit Grégoire devrait vous rassurer: tant qu'on n'a pas vécu le péché dans la chair, on est tranquille, on peut continuer à rêver de ce que l'on veut sans que péché soit véritablement avéré. Méfiez-vous de vos songes, cependant, ils peuvent contenir des suggestions malencontreuses. Vous êtes prévenus!

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