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Il y a 1 an : une nouvelle ère politique pour le Maroc ?

Publié le 09 mars 2012 par Vindex @BloggActualite
Il y a 1 an : une nouvelle ère politique pour le Maroc ?-Le drapeau Marocain-

Il y a un an, le 9 Mars 2011, Le Roi du Maroc, Mohammed VI, annonçait une réforme constitutionnelle de grande ampleur, suite aux diverses protestations qu'a connu son pays, notamment par le mouvement du 20 Février.

En effet, dans le sillage des révolutions arabes ayant eu lieu notamment en Tunisie, en Egypte ou bien encore en Lybie, le Maroc a connu fin 2010 et début 2011 d'importants troubles internes tendant à des revendications politiques exprimées par des révoltes relativement suivies par la population.

Je ne puis vous faire un résumé plus pertinent que celui-ci qui me semble relativement complet et surtout expliquant correctement les prémices à une ère de changements politiques majeurs dans ce pays.

Il convient cependant de faire quelques rappels : le « printemps arabe », n'est pas un mouvement uniforme. D'abord, le printemps en lui-même ne l'est pas pour tous : tous les pays n'ont pas connu des révolutions (et le Maroc en est le meilleur exemple), et surtout les contestations, si elles existaient à peu prêt partout dans le « monde arabe », n'ont connu ni la même intensité ni les mêmes raisons, et encore moins les mêmes motivations et destins.

Pour les révolutions arabes, aucun projet de société n'est né : c'est surtout une révolte des jeunes, par les réseaux sociaux notamment. Le seul cri est celui de liberté et de démocratie, sans pour autant proclamer un programme politique et idéologique.

Dans la plupart de ces pays, de plus en plus de mouvements islamistes ont émergé, ce qui pose une interrogation importante. Ces mouvements islamistes étaient diabolisés et combattus par les pouvoirs dictatoriaux en place. Ils tiraient ainsi leur légitimité de leur résistance sur le pouvoir en place, s'organisant pour résister parfois au pouvoir en place, s'ancrant dans les sociétés civiles.

En Iran, par exemple, en 1979, les américains ont installé Khomeini au pouvoir, opposant au shah en exil, dont le mouvement religieux travaillait dans la société civile Iranienne.

La force de ces mouvements religieux était donc d'être très proches des citoyens, et surtout touchant une large population musulmane, en étant bien organisé partout sur le territoire.

C'est une donnée à prendre en compte dans l'efficience des transitions démocratiques dans ces pays.

Plus spécifiquement, qu'est-il advenu de la situation politique Marocaine par les élections récentes (tant référendaires que législatives) suivant ces manifestations ? Quels changements institutionnels et politiques ont eu lieu ?

Des élections toutes récentes

Suite aux diverses contestations qu'a put subir le pouvoir en place, le Roi a annoncé en Mars 2011 une réforme constitutionnelle globale, sans doute dans le but de répondre aux attentes des manifestants afin de conserver le pouvoir, prévoyant un véritable statut pour le premier ministre, responsable devant sa majorité, comme tout régime parlementaire, et garantissant davantage le respect du pluralisme politique (déjà quelque peu engagé en 1996, première occasion d'alternance politique), des droits politiques et des libertés individuelles.

Une nouvelle réforme constitutionnelle a été ainsi élaborée par la Commission Consultative de révision de la Constitution (CCRC), qui n'a pas fait l'objet pour ce faire d'élections d'une assemblée constituante mais de la nomination de 19 membres par le Roi, d'où certaines critiques quant à la légitimité démocratique de cette commission, ce qui a donné lieu à un référendum, le 1er Juillet 2011, entraînant la victoire du oui avec plus de 98% de « oui » pour 72,65% de suffrages exprimés, d'où une assez grande légitimité démocratique.

Plus d'informations sur ce scrutin sur ce site.

Enfin, dans le cadre de cette évolution, des élections législatives ont été organisées pour mettre en œuvre la nouvelle constitution et donc le régime qui en découle, ce qui a débouché sur une relative victoire du parti Justice et Développement (à référentiel islamiste, composé de certains fondamentalistes islamistes mais pas uniquement, et dont l'influence politique n'a cessé de croître depuis sa création en 1998 sous son nouveau nom) fin Novembre 2011 : remportant 107 sièges sur 395, par 27% des suffrages exprimés.

L'intégralité des chiffres se trouve ici

Si les plus laïcards et autre anti-religieux semblent inquiets de tels résultats, il convient de relativiser ces constats. En effet, certes, ce parti est arrivé premier à l'issue des dernières élections. Elle s'impose comme la première force politique du pays.

Mais en premier lieu, elle ne dispose pas de la majorité absolue au parlement, et a donc du, au parlement comme au gouvernement, constituer une coalition pour gouverner (autour de 3 autres partis : les centristes du Parti de l'Istiqlal, les libéraux du Mouvement populaire et les socialistes du parti du progrès et du socialisme), alors même que le MJP est lui-même composé de plusieurs tendances politiques, faisant ainsi bon nombre de concessions en terme de choix politiques et d'influence idéologique sur les réformes à mettre en place donc, notamment sur le code de la famille.

Donc ce gouvernement est très hétérogène, et n'est pas le gouvernement d'une majorité partisane, et il en est de même pour le parlement.

De plus, si jamais la constitution n'avait pas obligé le Roi a nommer un responsable politique issu du parti arrivé en tête aux élections, celui-ci aurait, selon Bernard Lugan, été écarté du pouvoir, du fait que d'autres coalitions plus cohérentes et plus puissantes auraient pu se créer, d'où un premier parti se retrouvant dans l'opposition. Ainsi, le 29 Novembre 2011, c'est Abdelilah Benkirane qui a été nommé Chef du gouvernement.

Force est ainsi de constater que la marge de manœuvre de ce seul parti est faible : il lui manquait alors 90 sièges au parlement pour avoir la majorité, surtout face aux autres partis historiques, qui restaient puissants.

Enfin, à l'inverse du référendum sur le constitution, ce scrutin, se déroulant pourtant peu de temps après, n'a connu qu'une participation très mitigée : 45,40% des inscrits se sont déplacés pour voter. Selon l'historien africaniste déjà évoqué plus haut, il semblerait que si les Marocains restent très attachés à la Monarchie, ils sont beaucoup plus sceptiques vis-à-vis de leurs élites politiques (les partis), manquant de crédibilité comme dans beaucoup d'autres pays arabes ayant connus des troubles politiques.

Les réformes constitutionnelles majeures

Outre les évolutions de fond, l'originalité de ce texte reposait sur son préambule qui, comme en Hongrie par exemple, consacrait l'essentiel de son contenu à la richesse de l'identité culturelle et religieuse marocaine : « État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s'est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen. La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l'attachement du peuple marocain aux valeurs d'ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde (...) ».

Ce préambule a donc une forte connotation nationale, ce dont on peut se réjouir en terme d'origine de la légitimité du pouvoir politique, la branche nationale de celle-ci étant donc privilégiée comparée à ce qu'elle était par le passé.

De plus, ce préambule, composé de certains objectifs, dispose d'une certaine normativité, c'est-à-dire qu'il est applicable à l'ensemble de l'ordre juridique marocain, faisant partie intégrante de la constitution.

On peut aussi noter que les premiers articles sont assez largement consacrés à un grand nombre de droits créances (droits à la santé, au travail, au logement, …) et non seulement les libertés traditionnelles, qu'elles soient individuelles ou politiques (pluralisme politique, respect de la vie privée, interdiction de la torture, …). D'inspiration plutôt libérales, ces dispositions n'en ont pas moins une portée avant tout symbolique.

Certes la constitution qualifie le Maroc de Monarchie parlementaire. Néanmoins le Roi n'a pas pour autant pour rôle de seulement y régner sans marquer de son empreinte la gouvernance politique du pays. En témoignent les pouvoirs qui lui restent dévolus (voir supra.).

Néanmoins, il convient de préciser qu'en tant que chef spirituel religieux, ses prérogatives ont été restreintes : s'il peut toujours jouir d'une telle légitimité divine et agir en conséquence, il ressort de l'article 41 que le Souverain ne saurait s'appuyer sur son statut de commandeur des croyants pour s'immiscer dans la sphère politique et ainsi exercer des prérogatives religieuses par Dahir. Le problème est cependant que le contrôle du respect de cet article ne peut-être assuré par la Cour Constitutionnelle qui ne dispose pas de cette compétence par le texte constitutionnel.

En matière institutionnelle, le poids politique du Premier Ministre a été renforcé : il exerce le pouvoir exécutif, est responsable devant la Chambre des représentants, peut la dissoudre (même si le Roi le peut aussi), préside le conseil de gouvernement fixant la politique générale de l'État.

Le système politique marocain depuis la révision de 2011.

Un pouvoir royal encore fort

La constitution étant davantage un outil juridique qu'une fin en soi, elle dépend davantage des orientations que les pouvoirs publics entendent lui attribuer.

Le 25 Novembre 2011, le Roi avait émis l'espoir que naissent un Parlement fort et un Gouvernement efficace, invitant l'opposition à jouer son rôle de contrôle de l'exécutif.

Outre le fait que cette déclaration d'intention appelle à un véritable régime parlementaire, il convient de rappeler que le Roi du Maroc conservera un pouvoir politique certain, lui assurant un poids politique important.

L'expérience de l'alternative politique de 1996 pour l'opposition fut la première de l'histoire politique du pays, avec les socialistes.

Dans ce pays, le chef d'Etat gouverne, et continuera de gouverner dans une certaine mesure.

Des réformes politiques et constitutionnelles profondes ont eu lieu, mais sans la victoire des islamistes aux élections, les mouvements ne se seraient pas arrêtés : cette nouvelle alternance politique, conjuguée aux changements constitutionnels concédés, ont eu pour objet et pour effet de garantir la stabilité du régime et la pérennité du Roi dans ce système politique.

Une véritable alternance a encore une fois eu lieu, pour stabiliser le pays sans pour autant remettre en cause le fondement même de son essence et sa légitimité.

Le Roi va conserver un pouvoir politique fort : il conserve le domaine de la justice, de la sécurité et de la religion. Il préside les conseils dans ces domaines, avec certains ministres et parlementaires concernés. L'orientation qu'il imprègne reste donc bien présente.

En témoigne par exemple ce schéma.

Certes, dans sa globalité, la nouvelle constitution semble une avancée, mais 20 lois organiques orientent et interprètent différemment la constitution : sur une liste de 500 Établissements et entreprises publics, 35 seront nommés par le Roi : les plus importants.

Il faut également souligner que le Roi disposera encore d'un pouvoir réglementaire (par le biais des Dahir, ou décrets royaux) relativement étendu (pouvoir de nomination, état d'exception, état de siège, droit de dissolution, proposition de révision de la constitution par référendum ou par voie parlementaire et prérogatives religieuses) et surtout non soumis au contrôle de la cour constitutionnelle.

Pour conclure

On peut donc retenir que cette transition démocratique, encore en l'attente de résultat quand au fonctionnement des institutions, s'est faite assez rapidement et sans incidents majeurs, contrairement à certains pays voisins.

Le pouvoir politique a même réussi à se maintenir en place au prix de quelques concessions.

On peut noter que certaines avancées non négligeables ont été apportées par cette réforme constitutionnelle de 2011, malgré un Roi encore puissant politiquement.

Cet état de droit se comprend aisément : le Roi n'a pas un rôle purement politique dans ce régime, qui conserve certains éléments de légitimité divine, traditionnelle, et non uniquement nationale et démocratique.

Par conséquent, il n'a pas le rôle d'un simple Monarque constitutionnel, puisque son pouvoir n'est pas seulement politique, et n'est pas aussi limité qu'au Royaume-Uni par exemple.

Il est donc chargé du rôle d'arbitre constitutionnel du régime parlementaire nouvellement instauré, ce qui apparaît comme un compromis équilibré entre évolutions politiques libérales et tradition constitutionnelle, qui prend en compte l'identité du peuple, sa culture, sa religion, et permet d'apporter à un régime purement parlementaire et Républicain (au sens où les responsables politiques sont uniquement élus par le peuple titulaire de la souveraineté) un tempérament.

Il n'est en effet jamais mauvais, pour un régime politique, de conserver une certaine légitimité supérieure, indépendante, et non-élue, éloignée des pressions électorales (l'enjeu de la réélection) et idéologiques, aux fins d'arbitrer les rapports entre institutions, nécessitant à ce titre des pouvoirs politiques conséquents et une légitimité sacrée, transcendante.

Seule la durée nous renseignera sur le fonctionnement efficace d'un tel modèle.

Sources

-Constitution Marocaine du 1er Juillet 2011 ;

-L'Afrique réelle ;

-"Le projet de Nouvelle constitution, entre audace et prudence"Norddin HENNANI, Docteur en droit Public, ATER à l’Université Paul Valéry – Montpellier III ;

-Articles de presse ;

Rémi Decombe.


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