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Mr Muthafuckin’ eXquire – Lost in Translation

Publié le 10 mars 2012 par Wtfru @romain_wtfru

Mr Muthafuckin’ eXquire – Lost in Translation

Chroniquer un album vieux de 6 mois, c’est pas quelque chose d’habituel sur WTFRU. Alors quand en plus on parle d’un disc de rap new-yorkais, c’est plus 6 mois mais quasiment 10 ans de retard qu’on prend sur l’industrie musicale. Et c’est vrai qu’à quelques missiles de Killa Cam’ près, les bonnes sorties rapologiques se font rares du côté de la Big Apple.
En fait, on peut presque les classer dans deux catégories. Il y a les anciens qui ne veulent pas lâcher le steak et qui ont tendance à squatter les bacs à disques sans vraiment laisser de place pour les jeunes, même si la qualité de ces sorties oscille entre le bon (OB4CL2 de Raekwon) et le souvent très médiocre (Busta Rhymes, Jay-Z…).
L’autre catégorie réunit les défenseurs du bon gout east coast, essayant de faire revivre la fameuse période dorée du Boom-Bap flamboyant, celui de Preemo, Pete Rock et cie. Le problème avec eux, ce n’est pas vraiment la qualité des albums mais plutôt de forts airs de déjà-vu qui font qu’on s’ennuie la plupart du temps (voir Celph Titled, Rashad & Confidence…)
Pourtant on y a cru au renouveau, à la naissance d’un  New New-York qui replacerait un peu la côte Est sur la carte du rap mondial. Seulement Saigon a mis 5 ans à sortir son Greatest Story Never Told, French Montana s’est tourné vers le Sale Sud depuis que Max B est en prison, et Maino peine encore à se faire un nom hors des états-unis. Et puis vint le messie, aussi nommé A$ap Rocky, accompagné de son buzz intersidéral. Enfin un rappeur a pu montrer qu’on pouvait être New-yorkais et apporter autre chose, un nouveau son, de nouveaux producteurs, un nouveau souffle.
La grande question, c’est de trouver dans quelle catégorie se place celui qui nous intéresse aujourd’hui, Mr. Muthafuckin’ eXquire. A première vue, la cover n’a rien de East Coast. Une grosse dame, les cheveux bleus, à la main on ne sait quelle boisson surement parfaitement aromatisée. A l’arriére plan, un type à quatre pattes, a priori en train de vomir ses tripes. C’EST QUOI CE BORDEL ?
Pour se rassurer, on jette un coup d’œil à la liste des producteurs et on retrouve des têtes connues : El-P, Necro, Jake One… Du New-York dans le texte. C’est bon on arrête d’essayer de comprendre quelque chose et on press play, on verra bien ce que tout ca donne à l’écoute.

Première constatation, Monsieur Exquire est un personnage qui cultive à la fois une image de mec taré (macadamia nut fuck sur Triple F), mais aussi de mec pas drôle, qu’on a pas vraiment envie d’emmerder malgré ses dehors de clown amateur de boisson. On en a une belle illustration sur le morceau Huzzah !, nouveau cri de guerre pour tous les alcooliques du monde. Exquire nous clame son amour pour la liqueur, dans un style qui n’épargne personne. Et comme on a beaucoup parlé de New-York, on est obligé de penser à un autre personnage emblématique de la grosse pomme, le regretté Russell Jones aka Ol’ Dirty Bastard.
Huzzah (prod by Necro)

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Ce personnage, on apprend à le connaitre tout au long de cet album. Ca discute beaucoup durant les nombreux interludes, souvent très drôles, qui donnent l’impression de côtoyer le rappeur dans sa vie de tous les jours. We hit the liquor spot, then the chicken spot, on boit on mange on rigole…Et puis d’un coup, le flow se ralentit, les instrus sont plus calmes et on entre dans un aspect beaucoup plus personnels de ce disc. Une sorte de nostalgie, de mélancolie même, se dégage  de certains morceaux. Weight of Water, Build a Bitch ou le superbe I Should Be Sleepin’, ou le rappeur nous parle de son enfance, de sa mère, de sa peur de grandir, à grand coup de références 90’s. Oui on peut avoir une grande gueule et des sentiments, qu’est-ce que tu croyais ?
I should Be Sleepin

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En fait, une sorte d’ambivalence règne sur l’album dans son ensemble. Exquire semble partagé, entre ses origines new-yorkaises et ses ambitions plus universelles, entre son personnage public et ce qu’il ressent réellement. Et si la réponse à toutes nos questions initiales se trouvait dans le titre de l’album ? Le bonhomme se cherche, comme Bill Murray dans le film de Sofia Coppola. Ou plutôt, il existe deux Mr Muthafuckin’ eXquire, celui du quotidien et l’autre, le plus énervé. En fait Exquire, c’est l’incroyable Hulk, c’est Lou Ferigno. Forcément.

 
Et attention, quand il s’énerve, l’exquire a des skills. Sur Cockmeat Sandwich/Pissin Between Train Cars, il nous offre une démonstration de flow, le temps de 7 minutes 30 et trois instrus différents. Le tout pour finir sur une bonne minute de blowjob, comme un autre mc new-yorkais l’avait fait avant lui (15 ans RIP). Il s’y connait aussi en story telling, toujours sous couvert de références très audio-visuelles. Et si Michael Dudikoff est un parfait inconnu pour la plupart d’entre nous, si tu connais pas Humphrey Bogart en Sam Spade dans The Maltese Falcon, c’est que tu connais pas grand-chose au vrai Swag.
Lost in Translation est donc un album loin du conformisme de certaines sorties rap du moment, que ce soit dans le format des tracks ou dans ce qu’on y raconte. Un album très personnel malgré l’image un peu légère que Mr Muthafuckin’ eXquire peut dégager sur certains morceaux. Et dans une époque ou le rap dépasse enfin les clivages géographiques, cet album se rapproche autant de certains classiques de la belle époque du rap new-yorkais que d’autres sorties plus récentes de mecs qui n’en ont rien à foutre comme Danny Brown, Hopsin… Un vrai bon album de rap en somme.

Mr Muthafuckin’ eXquire – Lost in Translation


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