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Passée des arts, trois ans après

Publié le 11 mars 2012 par Jeanchristophepucek

« Vouloir être dans le vent est une ambition de feuille morte. » Jean Guitton

jean simeon chardin chimiste dans son laboratoireJean Siméon Chardin (Paris, 1699-1779),
Un chimiste dans son atelier
, 1734.

Huile sur toile, 138 x 105 cm, Paris, Musée du Louvre.
(photographie © RMN-GP/René-Gabriel Ojéda)

Il y a exactement trois ans, le 11 mars 2009, paraissait Comme si c’était la première fois, billet inaugural de Passée des arts dans lequel un mouvement d’un Trio de mon cher Haydn dialoguait avec un paysage enneigé capturé au Champ du Feu, entre Alsace et Vosges. Je ne suis pas un fanatique des anniversaires, mais je souhaite néanmoins saisir l’occasion que m’offre celui-ci faire avec vous un bref bilan et de lever un coin du voile sur la fabrique de ce site.

Vous êtes actuellement plus d’un millier à suivre directement l’actualité de Passée des arts, 280 s’étant inscrits à sa lettre d’information, 795 à sa page Facebook, et les 227 billets publiés à ce jour ont reçu de votre part un peu plus de 2870 commentaires, tandis que, depuis sa création, le blog a reçu 147094 visites pour 300794 pages vues. Voici pour les chiffres bruts relevés ce matin, dont j’ignore complètement s’ils sont ou non satisfaisants dans l’absolu, mais qui sont, pour moi, assez inespérés. Je n’aurais pas imaginé un seul instant, en me lançant dans cette aventure, pouvoir rassembler autour d’expressions artistiques dont la plus récente doit remonter, au bas mot et sauf exceptions, à une bonne centaine d’années, un nombre de personnes aussi important, de tous âges et de tous horizons. Ce constat conforte une de mes convictions, celle que la culture, dès lors qu’il se trouve quelqu’un s’en faire, aussi modestement soit-ce, le passeur, se rit des différences de condition sociale, comme elle se moque de l’orientation politique, religieuse ou autre. Le « gros rouge qui tache » et « le réenchantement du rêve » que nos politiciens réservent aujourd’hui au peuple français qu’ils ont momentanément sans cesse en bouche et habituellement si peu au cœur et qu’ils opposent, pour les besoins du théâtre, aux élites est, pire qu’une impasse, un mépris ; c’est oublier un peu vite que les gens qui, souvent grâce à la médiation providentielle d’un enseignant, d’un parent, d’un ami, parviennent à s’extirper de l’abrutissement orchestré par la télévision ou les réseaux sociaux, sont pleinement capables de goûter les arts, quand tant de nantis de la fortune ne voient en eux, au mieux qu’un placement, au pire qu’une mondanité parmi d’autres dont ils s’acquittent en bâillant. Il faut avoir croisé le regard brillant d’un jeune bûcheron au sortir de son premier cours de violon ou observé l’émotion d’un homme armé de son seul brevet d’études du premier cycle devant un Lubin Baugin pour que tout ceci s’impose avec la force de l’évidence et je suis certain que vous auriez, vous aussi, mille exemples à me fournir.

Mais, pour que ces petits miracles puissent avoir lieu, il faut consentir à ce à quoi nos sociétés, toutes obsédées par le confort et la possession du superflu quand tant manquent de l’essentiel, rechignent le plus : l’effort, mot honni comme ceux de réflexion, d’intégrité, de constance. Il est, en effet, tellement plus valorisant, de nos jours, de s’enticher de la moindre mode, de tenter de paraître ce que l’on n’est pas, de papillonner sans jamais s’arrêter sur les choses plus d’un instant, de s’esclaffer ou de s’indigner bruyamment pour paraître cool, de prêter le flanc à une ère du saupoudrage que le premier coup de vent dissipera. Au rebours de tout ceci, sans parler des articles « de fond » sur tel compositeur ou tel peintre qui nécessitent une assez longue élaboration (plusieurs mois, souvent), chaque chronique musicale publiée sur Passée des arts représente un minimum de trois jours de travail, sans compter le temps dédié à la documentation ou aux écoutes, une dizaine au bas mot pour chaque disque critiqué. Je ne peux me résoudre, en effet, à traiter d’un disque en quinze ou vingt lignes à la syntaxe parfois approximative ne reposant, faute de recherches sérieuses, que sur l’humeur du rédacteur ou ses accointances avec tel ou tel artiste, dérives trop souvent constatées, y compris dans des médias réputés sérieux. J’estime, pour ma part, que les lecteurs, mais aussi les musiciens, labels ou institutions qui m’honorent de leur confiance méritent un peu plus de soin et de considération, de la même façon que, pour des raisons évidentes d’honnêteté, je me tiens rigoureusement à l’écart des coteries unanimement favorables à tel ou tel soliste ou ensemble. À mes yeux, en effet, rien n’est plus dangereux pour la justesse d’une appréciation que l’esprit de chapelle, y compris et peut-être même surtout pour les interprètes eux-mêmes, abusés sur leurs éventuelles faiblesses par les flots de flatteries répandus par leur thuriféraires, qu’il est souvent plus agréable à certains d’écouter que le plus modéré des grondeurs, quand une majorité accueille heureusement bien les remarques pour peu qu’elles soient étayées et exprimées avec le respect qui convient. Je mets, en revanche, un point d’honneur à ne me livrer à aucune curée quand une réalisation m’a déçu voire indigné, partant du principe que les artistes ont toujours, sauf exception dictée par le goût de l’argent ou de la flagornerie, d’excellentes raisons de faire ce qu’ils font et que l’âne, c’est moi.

On m’a souvent reproché de ne jamais parler de moi sur ce blog. Je pense déjà en dévoiler trop, mes choix de musiques et de tableaux étant sans doute plus éloquents que bien des confessions, et ne crois pas que ce que je suis présente un intérêt si grand qu’il soit nécessaire de s’y arrêter. Au terme de ce billet, vous en savez néanmoins un peu plus sur l’idée que je me fais de ma tâche sur Passée des arts et ma façon de la conduire. Il me reste à exprimer ma gratitude aux acteurs du monde de la musique, les artistes, bien sûr, mais aussi le groupe Outhere et le label agOgique, le Palazzetto Bru Zane-Centre de musique romantique française, les agences Accent Tonique, Bleu Dièse et Clara Musica, sans oublier – elles se reconnaîtront – quelques bonnes volontés isolées, en particulier du côté des organisateurs de concert, pour la confiance qu’ils me témoignent, directement ou indirectement. Je ne vous oublie pas, chers lecteurs, c’est avec vous que je souhaite terminer ces lignes qui vous reviennent entièrement, puisque vous en êtes l’origine et la destination. Soyez sincèrement remerciés d’être, par votre présence et votre fidélité, le plus efficace des aiguillons et la meilleure – la seule – raison de poursuivre ce travail qui nous réunit. Puissions-nous, si tel est votre souhait et si ce blog continue à vivre, nous retrouver encore longtemps autour de nouveaux anniversaires.

Accompagnement musical :

Marin Marais (1656-1728), Dialogue, extrait des Pièces de viole, Cinquième Livre (1725)

Sophie Watillon, basse de viole
Friederike Heumann, basse de viole, Xavier Diaz, théorbe, Evangelina Mascardi, guitare baroque, Luca Guglielmi, clavecin

marin marais reveuse autres pieces violes sophie watillon
La Rêveuse & autres pièces de viole. 1 CD Alpha 036, Incontournable Passée des arts. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien et des extraits de chaque plage peuvent en être écoutés ci-dessous :

La Rêveuse et autres pièces de violes | Marin Marais par Sophie Watillon

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