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L'heure d'été

Par Luc24

Olivier Assayas revient en France avec un film de commande pour le Musée d'Orsay (tout comme Hou Hsiao Hsien avec le récent Voyage du ballon rouge). Avec un très joli casting (Edith Scob, Juliette Binoche, Jeremie Renier, Charles Berling), ce réalisateur français ambitieux retrouve-t-il la qualité de ses précédentes expériences françaises ?

La critique  

La famille, l'art, les souvenirs : un film sensible et profond

et réalisé avec virtuosité

C'est l'été , les enfants jouent, les enfants courent dans le beau jardin de la maison d'Hélène (Edith Scob). Comme chaque année toute la famille est réunie pour passer quelques jours dans la demeure où ils ont grandis. L'occasion de se rappeller des souvenirs, de revoir la famille qui a évoluée , grandit. Mais avec le temps chacun a fait son propre chemin et les visites à Maman Hélène se font de plus en plus espacées. La vieille dame de 75 ans en a bien conscience, et avec une santé fragile elle ne pense plus qu'à une chose : la succession. Car toute une partie de sa vie, Hélène l'a consacrée à l'oeuvre de son oncle, Paul Berthier. Organisation d'expositions, travail sur des livres retraçant son oeuvre , restaurations. La vie d'Hélène a été marquée par le souvenir de cet artiste dont une grande partie des objets de collections se trouvent dans sa demeure. Qu'adviendra-t-il à ces objets, ces oeuvres, ces mémoires si Hélène disparait ? Prévoyante, elle décide d'en parler avec son fils ainé , Frédéric (Charles Berling). Mais celui-ci se braque , refusant d'envisager la mort de sa mère. Et pourtant c'est bel et bien ce qui va arriver. L'enterrement à peine passé, les questions de succession sont posées. Frédéric voudrait garder la maison et perpétuer l'oeuvre de Paul Berthier, il est attaché à son enfance et ses souvenirs. Mais sa soeur Adrienne (Juliette Binoche) ,qui vit au Japon, et son frère Jérémie (Jérémie Renier) ,qui a besoin d'argent pour un projet de vie à l'étranger, sont moins sentimentaux. La maison sera vendue, les objets aussi ou placés au Musée d'Orsay. De quoi être amené à réfléchir à des questions telles que : Que laissons-nous derrière nous une fois partis ? Comment l'art peut-il se transmettre ?

On pouvait s'attendre à un film familial ensoleillé mêlé à la virtuosité d'Olivier Assayas. Que l'on se rassure, virtuose sa caméra l'est toujours. Mais Olivier Assayas a avec L'heure d'été un projet bien plus ambitieux que celui de livrer un sensible drame familial. Le thème de la succession, des souvenirs, des temps qui changent, de l'existence de l'art à travers les âges et les époques...L'ensemble est dense et le scénario est on ne peut plus intelligent. Pendant 1h40 ça parle d'objets, des objets qui ont souvent une histoire, qui représente des instants vécus en famille. Et sans ne jamais rien appuyer, sans entrer trop en apparence dans la psychologie des personnages, le réalisateur nous amène à lire en eux, à ressentir leurs profondes émotions. Car nous aussi nous nous baladons dans cette maison, nous constatons le poids de l'oeuvre de ce Paul Berthier si cher à Hélène au point que toute une partie de sa vie s'y résume. Nous aurions donc plus tendance à être comme le personnage de Frédéric, attaché à sa maison et ses souvenirs avec l'envie de revoir de beaux jours de famille ensoleillés où tout le monde s'agite dans la maison, se retrouve, partage. Mais dans notre monde individualiste, on pense aussi souvent en priorité à soi, à l'image d'Adrienne et Jérémie. Assayas ne les pointe jamais du doigt, ils ont leurs raisons et on les comprend. Mais le souvenir d'Hélène plâne et la tristesse de voir toute une époque disparaitre fait mal.

Plus le film avance, plus il gagne en intensité. En opposant les générations (Frédéric et sa fille), en dénaturant la maison et les objets. Toutes ces oeuvres, ces meubles, ces objets qui ont une valeur affective , une histoire une fois dans la maison, ne perdent-ils pas toute intensité une fois exposés dans un grand musée ? La dernière scène , sorte de parallèle de la scène d'introduction est là pour nous dire que la vie continue, que les souvenirs resteront mais qu'avec Hélène tout un monde, toute une collection de créations et de mémoires s'en vont. L'heure d'été est un film extrêmement juste et bien pensé, qui sonde à merveille les liens familiaux tout en interrogeant sur la mémoire, la succession. Une oeuvre brillante et très sensible. Attention, si vous avez une maman ou grand mère âgée, vous risquez d'avoir une boule au ventre en sortant !


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