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Une machine au service de la littérature ?

Publié le 16 mars 2012 par Perce-Neige

Une machine au service de la littérature ?Assez drôle, en ces temps de considérationsintempestives à propos d’internet et de littérature, ce texte de Mark Twainsur les premières machines à écrire (« Dompterla bicyclette et autres déboires » in La petite collection des Editions du sonneur) :
Rapidement, j'ai loué les services d'une jeune femme à qui j'ai faitmes premières dictées (surtout des lettres) ; je continue aujourd'hui. Lamachine ne faisait pas (comme actuellement) les capitales et les minuscules,mais seulement les capitales. Il s'agissait de capitales gothiques,passablement hideuses. Je me souviens de la première lettre que j'ai dictée,adressée à Edward Bok, qui était alors un gamin. Je ne le connaissais pas àl'époque. L’esprit entreprenant qui le caractérise ne date pas d'aujourd'hui –il l'avait déjà en ces temps de jeunesse. Il amassait les autographes et ne sesatisfaisait pas d'une simple signature ; il lui fallait une lettre manuscrite complète. Je la lui aiprocurée - tapée en capitales à la machine, signaturecomprise. C'était long ; un sermon, qui donnait des conseils et faisait desreproches. Je disais qu'écrire était mon métier, mon gagne-pain; je disaisqu'il n’était pas convenable de demander à quelqu'un de donner des échantillonsde son travail; aurait-il demandé un fer à cheval à un forgeron? Ou un cadavreà un médecin? J'en viens maintenant à ce qui compte - de mon point de vue. En74, la jeune femme a recopié à la machineune bonne partie de l'un de mes livres. Dans un précédent chapitre de cetteAutobiographie, j'ai déclaré quej'étais le premier au monde à avoir jamais eu un téléphone chez soi à des finspratiques; je vais maintenant proclamer - et ce tant qu'on ne le réfutera pas -que j'ai été le premier au monde à mettrela machine à écrire au service de la littérature. Ce livre devait être Les Aventures de Tom Sawyer. J'en aiécrit la première moitié en 72, le reste en 74, j'en conclus donc que c'étaitbien celui-ci. Cette machine des débuts était pleine de caprices, pleine dedéfauts - des défauts diaboliques. Elle était aussi dépravée que la machined'aujourd'hui est vertueuse. Au bout d'un an ou deux, j'ai trouvé qu'elle megâtait le caractère, aussi ai-je pensé à la donner à Howells. Il s'est montréréticent, car il n'aimait pas les nouveautés, dont il se méfiait; il n'a paschangé. Mais je l'ai convaincu: il avait une grande confiance en moi, et jel'ai amené à croire, à propos de la machine, des choses que je ne croyais pasmoi-même. Il l'a emportée chez lui à Boston: mon moral a alors commencé à serétablir, mais lui n'a jamais recouvré le sien. Il l'a gardée six mois, puis mel'a renvoyée. Je m’en suis débarrassé par la suite à deux reprises, mais jamaisdéfinitivement: elle revenait à chaque fois. Puis je l'ai donnée à notrecocher, Patrick McAleer, qui s'est montré très reconnaissant, vu qu'il neconnaissait pas la bête et qu'il croyait que je souhaitais le rendre meilleuret plus sage. Dès qu'il a été meilleur et plus sage, il l'a vendue à unhérétique contre une selle de femme dont il n'avait pas l'usage, et là s'arrêtece que je sais de l'histoire de cette machine.

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