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D'un "carré" de Vladimir(s)

Publié le 16 mars 2012 par Tudry

D'un carré de Vladimir, à propos de Vladimir, Le Soleil rouge de V. Volkoff, Juliard/L'Age d'Homme

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« Et alors il se produisit quelque chose. Une lumière apparut sur le chemin et tout changea de signe, comme une opération algébrique. » (p. 171)

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Saine lecture que ce texte en cette période de jugements et de commentaires le nez collé sur la surface poussiéreuse des événements. « Vladimir, le soleil rouge » de Vladimir Volkoff alors que la Russie vient de se choisir « à nouveau » un autre Vladimir...

Son écriture, aussi nette et précise, que chaudement rythmique et naturellement racée, Volkoff a su la mettre à la mesure de son, sujet. J'y sens une admiration sensuelle et charnelle mais aussi, paradoxalement, une humble fierté... Son français parle russe !

Dans le langage mondialiste euphémisé ON évoque parfois (le plus souvent à propos d'un « éminent » littérateur – ils deviennent tous éminent une fois froid!), on évoque donc, la « disparition » d'un tel... Or, à celui qui aura su infondre l'énergie du Verbe dans sa langue, dans son langage écrit, qui aura bataillé dans son « imprimerie » secrète intérieure, que peut bien être la « disparition » ? Non messieurs-dames de « lettre ». Certes je l'ai assez écrit mais je le refais, il y a dans l'écriture et la publication, précisément un rapport et un apport à la mort, un processus thanatologique. Oui ! Mais, précisément, l'écriture vraie est athanatique ! Il ne s'agit nullement de la (vaine) gloire d'une immortalité par l'oeuvre, pour la survivance du nom (« Tu portes un nom comme si tu étais vivant, mais tu es mort », Apocalypse), mais de l'efficace résurrectionnel du Verbe diffusé dans la parole écrite... Inversion intensificatrice d'inversion...

Plus que l'actualité, puisque ça c'est le maudit nonlangage de la fashi-ON globale, c'est l'acuité de la geste vladimirienne qu'il s'agit de voir et de sentir. C'est à cette vision que mène le texte de Volkoff.

Le prince Vladimir passe et fait passer la Russie du paganisme à la foi en Christ, Vladimir Illitch fera passer la Russie d'une foi trop engoncée dans le pouvoir en la foi au pouvoir pur ! L'actuel ? Dieu seul sait ce qu'il pourra faire... ce sera sans commune mesure : inversion d'inversion...

Il n'y a pas d'extrémisme chez Volkoff. Sa syntaxe elle-même rend compte de son acceptation de la violence et de la ruse en politique, si le but visé est « supérieur »... Que la voie soit ascendante ou descendante, au bout est le Verbe fait homme, la Lumière qui a éclairé les enfers mêmes ! Et le poète fait son œuvre, dans l'obscur de l'Histoire éloignée, il éclaire humblement de la lumière personnifiante de son verbe l'intérieur ignoré et secret de l'homme... Car, en effet, le texte aujourd'hui ne peut être texte, écriture, toile tissée que s'il révèle humblement (c'est-à-dire en le cachant) que la poésie est son être intime... La poésie humiliée est la vérité des textes. De ces textes qui « sortent » du cadre, du sarcophage du livre...

C'est la grande réussite de ce texte de Volkoff. Sa plus belle réussite, à vrai dire, ce texte où le français parle le russe, ou la poésie verbifie et donc humanise les hommes cruels qui bâtissent (et parfois, baptisent...) l'Histoire. Le terrible Soleil Rouge (une plus juste traduction du russe donne d'ailleurs « soleil bien-aimé ») nous réchauffe finalement d'une tendre chaleur...

Quand la cruauté, qui fait la grandeur et la chute des bâtisseurs est niée au profit, non de l'amour, mais de son usurpation qui est, par dessous les camouflages de la « fausse parole », la plus infecte et néfaste des indifférences, où trouver encore les poètes qui, à la faible lumière du verbe intérieur, éclaireront les opaques obscurités de l'Histoire des hommes ? Quand Dieu, et le Verbe fait chair, est nié au profit d'un homme réduit aux dimensions d'un ver de terre satisfait et sentimental, qui orientera vers « l'image et la ressemblance » la pâle et faible,lueur d'un frêle cierge ? Pâle et tremblante mais pourtant plus chaleureuse au cœur-épris que cent mille radiateurs alimentés de nucléaire électricité...

Le poète ! Celui qui vibre encore, caché, humilié, au centre secret du cœur de certains des « meilleurs » littérateurs... Akhmatova disait à son époque qu'à Paris la peinture avait écrasé la littérature... La littérature depuis bien longtemps a humilié et persécuté les poètes... Un mal pour un bien ! Car si le Verbe s'est fait chair, assumant la kénose parfaite... il est « logique » que l'amant du Verbe connaisse aussi la « douloureuse joie » de l'humilité... Il est bon aussi, même meilleur souvent, qu'il l'ignore !

Saint Vladimir prie pour nous et pour l'âme du poète qui t'a rendu à nous, qui t'a poétisé !


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