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L’aiguillon de la mort de SHIMAO Toshio

Par Lecturissime

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♥ ♥

« L’eau qui a été renversée une fois ne retourne plus jamais au récipient. » (p. 17)

L’auteur :

Shimao Toshio (1917-1986) sera confronté à la mort en 1944 en qu'officier de commando kamikaze, une expérience qui sera à la source de nombreux romans qu'il écrira après la guerre. Mais la folie qui s'empare de sa femme lorsqu'elle découvre son infidélité le conduira à écrire L'Aiguillon de la mort, long roman autobiographique rédigé durant dix-sept années et qui connaît toujours une grande célébrité au Japon. (Présentation de l’éditeur)

L’histoire :


L’entremêlement inextricable de la littérature et de la vie peut donner parfois des oeuvres magistrales. Ainsi en est-il de L’Aiguillon de la mort, un roman autobiographique d’une sincérité stupéfiante où le narrateur tente de révéler ce qu’est l’amour dans une écriture vécue comme une expérience des limites.
Un couple s’est lié autrefois d’amour passionné dans une petite île du Japon pendant la guerre. Elle apprend un jour que son mari a une maîtresse. Pour elle, qui croyait à sa vie d’amour et de confiance absolus, tout à coup, l’univers s’effondre et l’emporte progressivement vers la folie. Commence alors l’histoire extraordinaire d’un couple vivant l’extrémité du possible, au rythme d’une vie quotidienne faite de suppliques, d’aveux et de dévouement que nous fait partager le narrateur dans le même souffle où lui les a éprouvés au quotidien. Et le lecteur en vient à entrer avec fascination au coeur de cette histoire et à vivre de l’intérieur cette vertigineuse descente dans les abîmes du désespoir, qui est aussi une recherche obsessionnelle, éperdue, de la vérité. (Présentation de l’éditeur)

Ce que j’ai aimé :


Shimao Toshio emprunte le titre de son œuvre à la Première Epitre de saint Paul aux Corinthiens (chap. 15, 55-56) :

« Où est-elle, ô mort, ta victoire ? Où est-il, ô mort, ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché, et la puissance du péché, c’est la Loi. » (p. 41)

Cet aiguillon est donc le péché, ici l’infidélité du narrateur, qui, pendant dix ans a cédé à la tentation et a connu différentes maîtresses. Le jour où sa femme l’apprend, commence alors une lente descente aux enfers. Les différents stades sont décrits méthodiquement, minutieusement, de l’intérieur : l’ impression de vivre en cage, la peur des crises imminentes, les interrogations sans fin nourries par des fatigues liées aux nuits d’insomnie, les mensonges inévitables, la jalousie insidieuse, l’autre femme, toujours présente, quoi qu’il arrive, ombre de malheur planant sur le couple… Le narrateur espère que le temps atténuera les douleurs, mais sa femme ne fait que s’emmurer dans sa folie, loin de relâcher son étreinte fatale, elle emprisonne son mari jour après jour.

« Je dois me dire que tout ce qui m’entoure, sans exception, est passé au crible de la sensibilité anormale, obsessionnelle de ma femme. » (p.86)


« La gaieté qui était revenue sur le visage de ma femme grâce qu plaisir de la journée s’ajoutait à cette impression, nous étions joyeusement animés, mais il m’était impossible de perdre ma méfiance, car c’était comme si j’avais tenu dans mes mains une chose aussi fragile qu’un jouet en verre. » (p. 205)


Les enfants, âgés de quatre et six ans, pauvres témoins innocents de ces batailles sans fin, sont les dernières victimes de ce duel, êtres en souffrance qui ne se relèveront probablement pas d’une telle tension quotidienne.

« Chaque jour après l’autre était une image de l’enfer, mais ce n’était ni la souffrance d’un être humain en proie à la torture, ni la douleur de celui qui attend dans la solitude d’être jugé. Le tribunal n’était pas un endroit où tous les liens étaient coupés, c’était le lieu de vie d’un couple et de deux enfants. (.. .) Ce monde restait creux, obscur, et j’ignorais quand il m’attaquerait à coups de tentations et de châtiments qui venaient se superposer à mes péchés. » (p.123)


Un roman puissant sur l’infidélité, mais surtout sur la jalousie maladive qui peut ronger les êtres plus sûrement que la plus tenace des maladies mentales.

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Ce que j’ai moins aimé :

Un peu trop long à mon goût.

Premières phrases :


« Ce soir-là, nous avons cessé de suspendre la moustiquaire. Les insectes avaient disparu, sans qu’on sache pourquoi. Il y avait trois jours que nous ne dormions pas, ma femme et moi. J’ignore si c’est une chose réellement possible. Peut-être nous étions-nous assoupis sans nous en rendre compte, en tous cas ma mémoire n’en a pas gardé trace. »

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D’autres avis :

Télérama

L’aiguillon de la mort, Shimao Toshio, roman traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu, Picquier, 2012, 640 p., 23 euros

Merci aux Editions Picquier.


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