Plusieurs producteurs - certains par mon intermédiaire - avaient déposé un recours tendant à l'annulation des arrêtés du 12 janvier et du 16 mars 2010 par lesquels l'Etat avait entendu mettre un terme à la "bulle spéculative" en baissant fortement les tarifs d'achat d'électricité solaire. Ces recours sont appelés à l'audience du 21 mars à 14h.
Sans qu'il me soit possible d'entrer dans les détails de la procédure d'instruction, il convient de noter que les parties ont été trés récemment acerties que le Conseil d'Etat pourrait annuler ces arrêtés mais en modulant l'effet de cette annulation.
Concrètement, lorsque le Juge administratif annule une décision administrative, cette annulation est rétroactive à la date de signature de ladite décision. Cela signifie que celle-ci est présumée n'avoir jamais existé et disparaît de l'ordonnancement juridique.
Depuis un arrêt "AC!" rendu le 11 mai 2004 par le Conseil d'Etat, le Juge administratif accepte de procéder à la modulation des effets de cette annulation contentieuse. Ainsi, un acte administratif jugé illégal pourra pourtant ne pas disparaître dés son origine de notre droit mais plus tard, à une date fixée par le Juge.
Le considérant de principe de l'arrêt "AC!" est le suivant :
"Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine"
Ainsi, si l'annulation rétroactive de l'acte administratif illégal demeure de principe, le Juge administratif peut donc décider de reporter dans le temps la date de prise d'effet d'une annulation contentieuse dans le cas suivant :
"s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets"
Dans certains cas, le Juge administratif pourra donc juger que l'annulation rétroactive d'une décision administrative est contraire à l'intérêt général. Par ailleurs, le Juge administratif devra tenir compte de deux éléments d'analyse :
"d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence"
"d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation"
Au cas présent, il conviendra, lors de l'audience du 21 mars prochain, d'écouter attentivement les conclusions du rapporteur public - magistrat indépendant chargé de proposer une solution à la formation de jugement. L'arrêt lui-même ne sera connu que dans plusieurs semaines (généralement 3/4 semaines).
A suivre.