Magazine Journal intime

Où il est question de rencontre, de tripes et boyaux et d’une fouine!

Par Vivresansargent

Mardi 13 Mars (attaque):

Ce matin, Patrice me dit qu’il se partage un champ avec des amis, Éric et Gisèle, pour faire paître leurs brebis. Ma mission du jour, si je l’accepte : ma première transhumance. Et je l’accepte. On file donc, Patrice et moi, rejoindre ses amis au champ. Quand on arrive, ils ont déjà rassemblé la centaine de brebis qui composent le troupeau. Première chose à faire, séparer les bêtes qui appartiennent à Patrice de celles qui appartiennent à ses amis. La technique est simple mais physique. Patrice me montre une de ses brebis, je lui chope une petite patte arrière (non pas pour lui casser comme pourrait s’imaginer certaines de mes connaissances!) et je tire dans la direction où je veux aller. Au bout d’une trentaine de minutes, le troupeau est devenu deux troupiteaux (ça sonne bien comme ça, à l’espagnole, no, que piensas cabroncito?)

Les bêtes de Patrice retournent dans le champ. Il ramène, à l’aide d’une remorque, cinq de ses brebis dans sa bergerie car elles sont pleines et sur le point de mettre bas. Patrice s’en va. Je me retrouve avec Éric, Gisèle et Nadine. Cette dernière est une dame d’un certain âge et, comme le dirait mon frère, d’un âge certain qui semble avoir quelques difficultés psychologiques. J’apprendrai plus tard qu’Éric et Gisèle (E/G) sont « famille d’accueil » et qu’il s’occupe de Nadine.

Nous sommes tous prêt, y compris Cabu, le chien. On décolle, le troupeau s’élance. C’est parti pour 6 kilomètres de transhumance à travers les petites routes du Lot. Une demie douzaine de bêtes ont une cloche autour du coup et heureusement qu’elles n’en n’ont pas toutes, cela serait un vrai foutoir, un vacarme à ni rien comprendre, comme certains débats politiques actuels, période pré-électorale oblige.

La balade du jour est superbe. Le paysage est topissime et le soleil au rendez vous. Je suis en tête de cortège, mon vélo à la main car une fois arrivé à la ferme d’E/G, il me faudra rentrer à Gramat à bicyclette.

Nadine, en haut de cortège avec moi, n’est pas très causante, tant pis. Je lui lance par-ci par-là des sourires qu’elles me rend au quintuple. E/G ferment la marche. Ça fait ding, ça fait dong et ça fait sourire les gens dans les rares voitures que nous croisons et ça use les souliers.

Les petits sabots martèlent l’asphalte, on marche, on marche et on marche encore. Deux heures nous sont nécessaires pour arriver à destination. Le domaine d’E/G est immense, 200 hectares, totalement isolé du reste du Lot. Quand on arrive sur le domaine, au loin, en bas, on aperçoit leur ferme. Impressionnant. Le paysage est dantesque.

Le repas passé dans cette maison, avec ces trois personnes à été fort agréable. Rencontre improbable, rencontre mémorable. Ils vivent de manière très simple, ils sont simples et ont le cœur sur la main. On a parlé politique et devine quoi, eux aussi veulent du changement. J’espère que leur vœux, qui est le mien également, sera exhaussé, poils au nez.

Ah, les vertus de la rencontre, ah ! La rencontre est si importante dans la vie des hommes. La rencontre donne du rythme, du tempo à la vie. La rencontre nourrit les hommes. Elle est un des aliments essentiels à la croissance d’un être humain. La rencontre, je la vois comme un exercice, une occasion de découvrir l’autre et de se découvrir également. L’autre agissant souvent comme le reflet de ce que nous sommes, si l’on souhaite se découvrir, il faut aller à la découverte de l’autre. Aller à la rencontre de l’autre, lorsque l’on souhaite savoir qui l’on est, quand on veut grandir, s’émanciper et s’épanouir, est primordial.

Quand on est gamin, à l’école, on s’excite devant un exercice de math et parfois, rarement en ce qui me concerne, on trouve la solution. Et alors là, Olga ! Quelle sensation, quel frisson ! Eureka ! Quel plaisir de réussir un exercice, quel qu’il soit. La rencontre étant pour moi un exercice, je suis face, à chaque fois que je rencontre une nouvelle personne, à un nouveau problème à résoudre. Par exemple, face à Raymond, ma mission est d’être patient, face à Jacqueline, je dois faire preuve de persuasion, Micheline me demande un effort de compassion et, face à toi, je dois me retenir de rire tellement t’es… Que d’exercice ! Et parfois, je ressens le même plaisir, la même satisfaction que lorsque j’étais gamin. Parfois, devine quoi patate ! Et bien, je réussis l’exercice. Ces réussites me donnent de la force et peu à peu, je me sens capable d’augmenter la difficulté de l’exercice. C’est sans fin ! Ce qui est formidable avec la vie, c’est qu’elle t’offre inlassablement ce type d’exercice à résoudre. La vie n’a qu’un objectif, nous donner la possibilité de grandir. Pour celui qui cherche à savoir qui il est, qui cherche à se construire et à grandir alors, il n’y a qu’une chose à faire, relever les manches et tâcher de résoudre des exercices, encore des exercices, toujours des exercices. Si un exercice est raté, pas de panique, la vie nous offrira, très vite, le même exercice à résoudre. La vie est très généreuse et la vie pense à tout le monde, c’est magique ! On a toute une vie entière à vivre et on a matière à l’occuper sans problème. Comment s’ennuyer ?

Ce qui me semble important, n’est pas de réussir le plus d’exercices possible mais de travailler pour au final, grandir. Et oui, mourir quand on a tout réussi reste mourir. Mourir le matin ou mourir le soir, reste mourir. Mourir libre ou mourir prisonnier, reste mourir. Par contre, tout le monde voit une différence entre vivre libre et vivre prisonnier. Peu importe le but, seul le chemin a un sens. Seul compte le combat pour la liberté. La liberté, c’est savoir qui l’on est et c’est sortir de l’ignorance. Savoir qui l’on est et sortir de l’ignorance, c’est aller à la rencontre de l’autre. Vive la rencontre, vive la république et vive la France ! (si tu veux voter pour moi en Avril, laisse tomber, j’ai pas les 500 signatures! En fait j’en ai qu’une : celle de ma moman !)

Jeudi 15 Mars :

C’est super tous ce que j’apprends depuis que je vogue la galère de ferme en ferme. Aujourd’hui, on a planté 18 arbres fruitiers. Y’en avait pour tous les goûts : prunier, pêcher, poirier, pommier. Aujourd’hui je sais que l’on peut acheter un petit arbre pour 24 euros. Aujourd’hui je sais comment les planter. Je sais qu’il faut patienter environ sept ans pour les premières bonnes récoltes. Je sais qu’il ne faut pas les planter à cette période mais plutôt avant l’hiver car maintenant je sais que durant l’hiver, la sève, l’énergie de l’arbre, va vers le sol pour développer les racines et, je sais que la sève monte vers le ciel quand il fait beau et chaud pour nourrir les fruits. Je sais aussi qu’un arbre peut offrir ses fruits pendant une cinquantaine d’années. Je sais tout ça maintenant.

Et je sais tant d’autres choses que je pourrais remplir quatre autres lignes de plus dans mon article, comme ça, sans forcer…Allez ! J’me lance, pour voire si j’en suis capable, hey Gérald !

Depuis que je voyage je sais faire des confitures, je sais faire des cakes à la farine de sarrasin, je sais dormir sans chauffage, tailler des arbres à kiwi, conduire un tractopelle, je sais aussi nourrir les lapins, les brebis, les cochons, je sais faire du compost, je sais aussi ce que s’est que l’épandage et le vêlage. Je sais repérer un pic-vert dans les cimes des arbres, je sais feutrer de la laine, je sais comment on tue une brebis et je sais plumer un faisan. Voilà, quatre lignes, comme ça, tranquille, sans même froncer les sourcils. T’aurais même pu le faire, c’est dire !

Tout ça pour dire que j’apprends beaucoup. Je me retrouve dans tant de situations, toutes différentes les une des autres, qu’aujourd’hui, je whisky, euh…je brandis ( tiré par les cheveux ? Non!) ma capacité d’adaptation comme un étendard, tel un soldat fier de ses couleurs, dès que je rentre dans une nouvelle propriété pour donner le la : « Vas-y, t’inquiètes, pas de blème, ça gère ! »

Vendredi 16 Mars :

Y’a plein de monde à la ferme, chouette. Cinq jeunes du nord et de Normandie ont débarqué hier soir. Du coup, grosse bouffe pour l’accueil et première petite soirée sympathoche ! Fidèle à ma charte, j’ai préparé le manger. Y’avait du riz complet, une fondue de poireaux, du cochon, du vin rouge et de la bière…et quelques joints aussi. Une chouette ambiance. Ils ont amené des guitares, synthé et autre guimbarde. Ils sont bien rasta comme il faut, des gens cool quoi !

Ce matin, debout de bonne heure. La mission du jour, tuer 2 cochons de 130 kilo. Et devine quoi, c’est un vrai chantier. Patrice, avec une cage fixée aux fourches de son tracteur, s’en va (t’en guerre) direction, le carré aux cochons pour, choper le premier des deux (qui rira, aura une tapette!) porcs qui vont y passer today !

La bête est ramenée à la ferme, près du « labo » à cochons qui, une fois encore, n’a de labo que le non puisqu’il s’agît, en fête (fais c’que j’veux!), d’une simple table de bois, dehors. Décidément, dans la France profonde, pour ne pas dire dans la France d’en bas, on se fait une idée « différente » de la capitale, concernant la définition de ce qu’est un laboratoire.

Toujours est-il que la bête est pendu par une patte arrière, à une fourche du tracteur et, le « spectacle » commence. Pourquoi le spectacle ? Car nous sommes cinq en rang d’oignons à regarder Patrice charger le matador : petit outil en métal dans lequel tu glisses une balle et duquel, au moment du tir, sort une tige d’un petit centimètre de diamètre et de dix de long qui vient percer le crâne et se frayer un chemin dans la cervelle du cochon qui meurt direct !

Ensuite, le temps de la saignée…Un couteau dans le cou, une bassine sur les genoux et le tour est joué. En trois minutes le porc se vide de son sang. Patrice récupère, dans la bassine, les plaquettes du sang, avec les mains, pour éviter qu’il ne coagule. Le sang, c’est pour le boudin (sur BFM TV tous les matin, Jean-Jacques de son prénom!).

Ensuite, le temps du lavage de l’animal. Patrice lui verse de l’eau bouillante sur la peau qui, ensuite, se décolle facilement sous la lame de son gros couteau. Quand la peau est luisante et bien blanche, propre, il passe la flamme d’un gros chalumeau sur la peau pour brûler les derniers poils récalcitrants. Là, on se regarde tous et on comprend d’où vient l’expression : pierre qui roule n’amasse pas mousse ! Pas toi ? Normal, en fait il s’agît de l’expression : Ah, ça pu le cochon grillé !

Ensuite, le temps du vidage du porc. Patrice lui découpe le fion, lui met un coup de couteau de haut en bas et, ça sort tout seul. Immonde. Les tripes et boyaux sont stockés dans une brouette pour les donner aux…cochons bien vivant, là-bas, gloups !

Ensuite le temps de la découpe. Ça dépote ! Patrice n’en n’est pas à son coup d’essai, en une heure, le monstre est découpé et placé dans le laboratoire aux normes et tout et tout, dans une cabane en bois, poils aux doigts. Quelle matinée !

Samedi 17 Mars  (bonne fête Patrick!):

On fait quinze bornes en voiture et on débarque, Sandrine, son fils Sacha, Patrice, Aurélia, Sandra, Louri, Nicolas, Thibault et moi même dans un tout petit village qui à Montvallent comme nom. Il pleut. Ça faisait un moment, alors le ciel nous rappelle qu’il y a de l’eau en son sein et déverse ses trombes de flotte. Du parking au joli bar avec guirlandes et tout et tout, il n’y a que cent mètre mais la distance suffit à nous aplatir les cheveux. On rentre ruisselant dans le tout petit et joli bar. C’est la fête ! Patrick est fêté dignement ici ! Cinq hommes jouent de la musique Irlandaise. Violon, corne muses, flûtes, guitares et tambourin, tout y est. C’est la Fête. Quand le gros monsieur aux cheveux blancs et à la chaîne en or qui brille sur sa poitrine qu’il a velue, se lève et chante alors, une grosse voix mélancolique offre ses émotions aux spectateurs qui frappent des mains, sifflent et cris leur enthousiasme. C’est la fête ! On boit des bières. Le gros monsieur aux cheveux blancs fixe sur le mur une grande feuille de papier avec écrit dessus ce qui semble être le refrain de la prochaine chanson.

Quand arrive la chanson suivante et son refrain, le chanteur nous indique la feuille de papier et le public chante en Irlandais avec un accent Français dès plus Français. On comprend rien, le chanteur non plus mais tout le monde se marre et chante avec cœur. C’est la fête !

Dans la nuit, l’alcool ayant fait quelques victimes, on se décide à rentrer à la ferme de paille. Nous quittons le petit et joli bar qui se trouve, je le remarque en sortant, rue de la fouine, rigolo, non ?

Dimanche 18 Mars :

Je quitte la ferme demain après le petit dèj ! Je vais donc profiter de mon dernier jour à la ferme de paille et de la clic venue du Nord et de la Normandie. Je ne vais pas passer plus de temps que me demandent ces quelques lignes devant mon écran quand il y a des Hommes, des instruments et du soleil tout autour ! Priorité à l’Humain, poils aux mains !

Aujourd’hui, je propose un autre slogan pour clore mon article dominical. Je l’ai entendu à la radio et je le trouve topissime !

Penser le changement plutôt que changer le pansement !

FIN.


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