Chabichou, le chouchou des chefs (Courchevel) par Patrick Faus
La famille Rochedy, originaire de l’Ardèche profonde, fut sans doute la première à s’intéresser à Courchevel et à flairer le gros potentiel de la station il y a plus de 40 ans. En rachetant une petite auberge assez rustre, ils ne pensaient sûrement pas qu’elle devienne au fil des années un rendez-vous incontournable à la fois gastronomique, de par le talent en cuisine de Michel Rochedy, mais aussi familial, simple et vraie. Le succès et les travaux perpétuels d’agrandissement et de confort aidant, le Chabichou est aujourd’hui un des rares lieux de la station où les propriétaires sont là pour vous accueillir, les deux chefs Michel Rochedy et Stéphane Buron sont en cuisine pour maintenir leurs deux étoiles au Michelin, le personnel est d’une gentillesse confondante et d’une efficacité redoutable et la présence discrète de Madame Rochedy fait toujours chaud au cœur. Une véritable auberge de luxe au sens noble du terme, à des années-lumière des palaces qui somnolent à quelques encablures. Un lieu qui a de l’esprit et du cœur.
Les derniers travaux, terminés juste à temps pour l’arrivée des premiers skieurs en décembre 2011, ont permis l’ouverture d’un concept entièrement dédié au bien-être à travers une expérience multi-sensorielle avec hydro-douches, hammam, sauna, bain polaire, fontaine de glace, massages sous affusion, banya, grotte de sel, et une magnifique piscine avec espaces hydrodynamiques.
La deuxième innovation est l’ouverture d’une grande brasserie qui vient compléter le restaurant gastronomique. Une vaste salle à tendance moderne, cuisines ouvertes sur la salle, service diligent, prix abordables, carte à consonance bistronomique et aux clins d’œil savoyards : tarte savoyarde aux noix, oignons et beaufort ; assiette de charcuterie ; tartiflette au reblochon fermier, lardons, salade verte aux herbes ; filet d’Omble Chevalier ; viandes et volailles à la broche ; biscuit de Savoie et glace à la confiture de lait. D’autres plats plus sophistiqués permettent un vaste choix dans la composition d’un menu à 39 €.
Pour fêter ces ouvertures, Michel Rochedy a décidé de réunir ses amis personnels et ses amis chefs. Ils sont nombreux ceux qui aiment et respectent cet homme étonnant de forme, de santé, de chaleur humaine et de simplicité dans le travail et l’amitié. Un vrai jeune homme de 75 ans. On y retrouvait avec plaisir les lyonnais Pierre Orsi et Philippe Gauvreau, les voisins René Meilleur (La Bouitte) et Jean-Pierre Jacob (Bateau Ivre), puis Patrick Henriroux (La Pyramide), Jean-François Bérard (La Cadière d’Azur), bien d’autres encore et surtout la présence d’Alain Ducasse dont le discours en hommage au Rochedy fut un grand moment d’émotion à peine retenue. Il fut en effet « recueilli » au Chabichou pendant la convalescence de son accident, à une époque « où je ne pensais plus ni voir ni marcher à nouveau un jour ». Cette solide amitié perdure encore aujourd’hui avec une force intacte.
Ambiance festive, chahuteuse, rigolarde, avec chansons et accordéon à la fin d’un grand dîner dû au talent de Stéphane Buron, MOF et 1er Prix International Taittinger. On se souviendra longtemps de la Féra fumé et foie gras de canard en pressé, gelée de citron, chutney, sorbet aux herbes ; de la Poitrine de cochon caramélisée à la verveine, joue braisé au vin de Savoie, confits de jarret, cromesquis de pieds, salade de tête, caillette, potée façon Diot, lard colonnata, truffes ! Belle découverte des fromages rares de la région et un joli dessert : Perle coulante à la pomme verte, compotée de coings, panna cotta au thé, poire gibier, barbe à papa et tuile amande. De la magnifique cave du Chabichou, les sommeliers ont sorti quelques pépites dont un éblouissant Côte Rôtie en Jéroboam Domaine Jamet 1996, un non moins splendide Magnum Châteauneuf du Pape Domaine Chapoutier La Bernardine 2007, et un superbe Beaune Grèves 1er cru Domaine Jadot 2002.
La soirée s’éteint doucement, les convives ont du mal à se séparer, les plaisirs de la table engourdissent les sens enveloppés de plaisir et de joie d’être là lorsque la chaleur et l’esprit de l’homme rassurent. Des moments rares, réconfortants grâce à la générosité simple d’un homme et d’une famille.
Questions à Michel Rochedy
Vous avez souhaité avoir autour de vous uniquement des amis proches parmi le monde des chefs ?
Je voulais vraiment des amis, non pour montrer nos muscles ni pour les impressionner par la cuisine, mais pour le plaisir de les avoir avec moi. Il manquait d’ailleurs Jean-Paul Lacombe, Marc Haeberlin et André Charrial, ce que je regrette beaucoup. J’ai aussi voulu amplifier cette solidarité des compagnons que nous sommes et l’amitié qui doit toujours prévaloir dans la sincérité.
Vous avez un lien profond avec Alain Ducasse…
Il y a beaucoup de choses qui nous unissent et j’ai été heureux de m’occuper de lui après son accident car je trouvais cet homme extraordinaire et nous sommes restés très liés. Pendant son discours, je me suis dit que s’il se mettait à pleurer, je pleurerais moi aussi ! C’était très émouvant.
Vous avez toujours du plaisir à aller en cuisine ?
Je vous quitte après l’interview, je prends ma veste et je vais en cuisine. Si je ne suis pas dans ma cuisine, je m’ennuie, mais ne le dites à personne ! C’est un métier où si vous n’y êtes pas, ou peu, ou plus du tout, vous êtes vite largué et vous perdez le sens des saveurs. Je suis le chef d’orchestre, mais je ne me fatigue plus.
Quand vous regardez en arrière votre longue carrière, quels sont les personnages qui ont le plus marqué votre parcours ?
Mon maître de cuisine et presque mon maître à penser : André Pic à Valence. Nous étions tous les deux ardéchois et nous nous parlions en patois. Et mes parents extraordinaires qui tenaient une auberge à Saint-Grève dans l’Ardèche.
Quels sont les plats qui vous plaisent?
Les légumes, que j’adore et particulièrement les pommes de terre que l’on mangeait beaucoup en Ardèche. Je me régalais d’un plat que faisait ma maman : des grosses pommes de terre évidées, farcies avec des restes de cochon, d’herbes, d’ail, avec le chapeau dessus, au four, et avec une salade de pissenlits. Une merveille !
Le Chabichou
Rue des Chenus
73120 Courchevel 1850
Tél : 04 79 08 00 55
[email protected]
www.chabichou-courchevel.com
Ouvert début juin à fin septembre – début décembre à fin avril
33 chambres – 8 suites : de 105 € à 1200 €
Restaurant Le Chabichou
Ouvert juillet, août, et de décembre à fin avril
Menus : 55 € (déjeuner) – 90 € – 195 €
Carte : 180 € environ
Brasserie Le Chabotté
Ouvert début juin à fin septembre – début décembre à fin avril
Menus : 25 € (déjeuner) – 39,90 € (déjeuner et dîner)
Carte : 55 € environ