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Masaki Iwana, Paysage abandonné : polymorphe et insaisissable

Publié le 11 mars 2008 par Jérôme Delatour
Cela se passe Ă  la Fond'action Boris Vian, cité Véron, au fond d'une venelle sans issue ; quelque part derrière le Moulin Rouge, dans la demeure même de l'écrivain. Sa seconde femme y vit toujours et mécène l'art vivant. De nuit, l'endroit ne paye pas de mine, mais il donne à rêver. Il vaut à lui seul le déplacement. Les spectacles se déroulent dans une curieuse pièce à pilier de béton, percée de minuscules fenêtres carrées tout en haut de ses murs. Au plafond, un beau mobile très années cinquante.

Il n'a pas encore paru qu'il est déjà là. Masaki Iwana est déjà présent dans le noir. Il lui impose sa densité. Il est plus noir encore, et d'un noir plein, diffus mais palpable. Pour un peu, ce serait le clair de lune et l'on entendrait hululer l'oiseau de nuit... Mais ce soir, les nuages les cachent et l'on n'entend que le gargouillis d'un chauffe-eau.

Le paysage en butô, c'est le paysage intérieur. Comment peut-il être abandonné ? Est-il déserté par son âme, comme un corps en friches ?
Le paysage de Masaki est paradoxal : désolé, et pourtant habité. Son corps tout poudreux, couvert de lambeaux de tissu, fait penser à une momie ; avec sa longue chevelure noire, à une momie indienne. Son habit défait est japonais, son maquillage aussi, fait de rouge, de blanc et de noir, dont j'ignore les codes ; comme j'ignore la signification de la clochette qui pend de sa bouche, et de cette fausse mare drapée dans laquelle il ne se mire pas. De toute façon, on s'y perdrait. Au Japon, le blanc peut symboliser la pureté et la mort, le rouge le bonheur et l'harmonie ; noir et rouge repoussent les mauvais esprits.
D'ailleurs, cette figure vacillante pourrait être un esprit, sorti d'un corps mourant ou léthargique, abandonné depuis des lustres à la poussière ; un des innombrables fantômes qui peuplent les contes chinois et japonais. Celui-ci n'est pas à proprement parler effrayant, mais il intrigue. Lorsqu'il ricane, on croirait voir Diogène le cynique : je ne peux m'empêcher de prendre ses sarcasmes pour moi, et de penser que je ne les ai pas volés. Au reste, ce démon est prêt à enrôler tous les sexes. Féminin quand il s'enrubanne et s'élève en spirale, masculin quand il rejoue, plus animal que jamais, le Faune de Nijinsky.

Pour finir, Masaki repart comme il est venu, avec son mystère.

Paysage  abandonné, de Masaki Iwana, a été donné à la Fond'action Boris Vian les 22, 23, 29 février et 1er mars 2008.

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