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Politique et géopolitique de l'énergie (Samuele Furfari)

Publié le 20 mars 2012 par Egea

Parmi les bouquins reçus, celui-ci mérite l'attention, car il permet de (re)cadrer les données d'un sujet souvent évoqué, et rarement maîtrisé, celui de la sécurité énergétique. On notera le sous-titre : "Sécurité des relations internationales au XXI° siècle". C'est peut-être excessif de ne voir les RI que sous l'angle de l'énergie, à tout le moins pressent-on que ce sera une des questions marquantes de ce nouveau siècle.

Politique et géopolitique de l'énergie (Samuele Furfari)
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1/ Italien et fonctionnaire européen, l'auteur pratique le sujet depuis trente ans notamment à la direction générale de l'énergie de la Commission européenne : il démontre ainsi une compétence certaine. Surtout, il apporte une dimension souvent oubliée. En effet, ces questions énergétiques ont d'habitudes été abordées sous un angle technique, puis économique. On entend parler de géopolitique depuis quelques années. Mais Samuele Furfari va au bout de la séquence logique : ces questions sont d'abord politiques, au sens où elle relèvent de décision qui résultent aussi bien de débats intérieures que de contraintes extérieures. On notera qu'à chaque chapitre ou presque, l'auteur consacre un développement particulier au cas de l'Union européenne.

2/ Je note cette définition de la géopolitique : "Méthode d'analyse pluridisciplinaire qui étudie les relations entre des territoires tout en tenant compte des rapports de force des pouvoir que ceux-ci occasionnent" (p. 38). Et il énumère quelques variables en rapport avec son sujet : localisation d'un pays sur le globe, évolution démographique, histoire, culture et religion, pouvoir économique et financier, pouvoir technologique, pouvoir politique et diplomatique, voies d'acheminement (p. 39-40).

3/ Après le chapitre introductif, les deux chapitres suivant commencent logiquement par parler ... d'avenir ! Le Chap 2 évoque en effet la question des bilans et de la prospective, pour nous rappeler que nous nous sommes fréquemment trompés dans le passé récent et qu'il faut donc, d'emblée, faire preuve de prudence et de nuances. Le Chap 3 évoque la question du développement "durable" qui est une autre façon de parler de demain même si ce DD est "une nouvelle métaphore" (p. 88) au risque d'un néo-paganisme (p. 89). Principe de précaution, Jacques Ellul ou la courbe de Kuznets sont ainsi évoquées, mais aussi la question des déchets ou le changement climatique (on sent que l'auteur est plutôt climato-sceptique), et ses effets sur les pays riches et sur les pays pauvres.

4/ Il s'ensuit une série de chapitres très informés et détaillés, traitant pédagogiquement de dossiers "lourds" et complexes, avec ce qu'il faut de clarté et ce qu'il faut de précision. Le chap. 4 traite du "Roi pétrole" pendant 85 pages. La question du pic pétrolier est abordée, et entre pessimistes et optimistes, l'auteur conclut qu'il faut en fait parler de "la fin du pétrole bon-marché", grâce notamment à l'arrivée de nouvelles technologies (forages extrêmes) et des schistes bitumineux. On évoque aussi la question du grand Nord, et les raisons de l'extension actuelle des zones économiques exclusives, mais aussi l'OPEP, l'AIE, le marché du pétrole.

5/ Le chapitre 5 traite du gaz naturel, l'énergie du XXI° siècle. En effet, outre les technologies, il faut constater une augmentation continue des réserves. "Par rapport au pétrole, la géopolitique du gaz naturel doit rassurer" (p. 232). C'est dû aussi au développement des gaz non-conventionnels -comprendre, les gaz de schistes. L'auteur s'élève ici contre les lobbies qui empêchent l'exploitation de ces réserves. "C'est vrai qu'il faut beaucoup d'eau, mais il s'agit d'eau non-douce, impropre à toute utilisation agricole ou domestique. On dispose de technologies de recyclage, on sait traiter les additifs chimiques, etc. Mais il est vrai qu’aujourd’hui il faut une bonne communication afin d'expliquer comment sera évitée la contamination des nappes phréatiques" (p. 242). Hum...

6/ Le Chap. 6 traite du "charbon mal-aimé". On apprend ainsi la croissance surprenante de production mondiale de charbon (passée d'environ 2500 Mtep en 2000 à environ 3500 Mtep en 2010) (p. 274). A la question de la pollution de charbon, S. Furfari signale les mesures draconiennes de l'UE depuis les années 1980. Mais il faut bien convenir que cet exemple est très localisé.

7/ Le Chap. 7 est sobrement intitulé "l'énergie nucléaire". Le chap 8 traite lui des "énergies renouvelables et efficacité énergétique, la panacée?". Il évoque les aspects technologiques mais aussi financiers pour insister sur la nécessite de travailler sur l’efficacité énergétique, c'est-à-dire la lutte contre les gaspillages. Il évoque la question du traitement de la chaleur comme voie d'avenir. Le chapitre 9 traite de la fée électricité (et notamment l'hydro).

8/ Le chapitre 10 est le dernier et évoque la sécurité d'approvisionnement. Partant de la dépendance énergétique européenne, il évoque une stratégie en la matière, qui passe par les trois outils : diversifier les sources d'énergie, diversifier les pays fournisseurs et diversifier les routes d'approvisionnement (il oublie : améliorer les économies d'énergie pour réduire la dépendance). L'auteur évoque longuement la Russie, mais aussi l'Asie centrale ou les pays du sud de la Méditerranée, pour terminer sur la découverte récente au large de Chypre ("cette découverte majeure est de nature à changer la position géopolitique de ce pays").

9/ Ainsi, voici un livre bien informé. J'y vois deux tendances principales : d'une part, une attention particulière portée à la situation européenne : l'auteur parle clairement "de Bruxelles". D'autre part, une vision assez énergophile (!), et donc productive et consommatrice d'énergie : cela conduit S. Furfari à souvent écarter les arguments écologiques, trop rapidement. Par ailleurs, on sent que le mot politique, dans sa bouche, équivaut à "politique industrielle" et que pour lui, le bon niveau pour déterminer et conduire cette politique se situe sur ses terres belges. On aurait aimé, de ce point de vue, lire des aperçus plus fouillés sur les positions nationales (Américains, Chinois, mais aussi Britanniques, Français, Allemands et Italiens). Ainsi, il s’agit d'un ouvrage assez marqué , mais utile une fois qu'on a bien conscience de ces traits de caractère.

  • Samuele Furfari
  • Politique et géopolitique de l'énergie
  • Sécurité des relations internationales au XXI° siècle
  • Editions Technip, 1er février 2012 (ici)

O. Kempf

NB : ces propos n'engagent que moi et aucune des organisations pour lesquelles je travaille.


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