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Aaron Dilloway – Modern Jester

Publié le 24 mars 2012 par Hartzine

Aaron Dilloway – Modern JesterAu delà d’une approche de la musique radicale et totale, ce qui frappe dans ce nouvel album d’Aaron Dilloway, rescapé des fantastiques Wolf Eyes et fondateur du label Hanson Records, c’est la facilité à créer une succession de visions puissantes et contrastées d’un environnement qu’on imagine rapidement aussi labyrinthique que complètement dévasté. Cet environnement est mental bien sûr et ce « Modern Jester » sonne parfois comme une redoutable invitation à dresser le profil psychologique de l’artiste…ce qu’on se gardera bien de faire, d’autant que Dilloway affirme malicieusement que le disque est rempli de « messages subliminaux ».

Sous des faux airs de taciturne Dilloway joue avec une grande dextérité sur des boucles enregistrées (synthé, percussions, field recordings…) tantôt aériennes, tantôt froidement terriennes, rêches, rugueuses, arides. Après un morceau brutal dédié au compositeur d’avant-garde Robert Turman, il a tôt fait de brouiller les pistes, donnant l’impression d’apprécier autant les doux crépitements d’un feu de bois que l’insanité des répétitions abruptes et infinies de fracas sonores à l’outrance aussi artisanale que soigneusement entretenue. Ce magma d’une incroyable densité révèle également une rare capacité à percevoir, intégrer, traiter, modifier, recréer tous les sons qu’il a pu ressentir – par exemple au cours de son voyage au Népal – ou créer et à construire ainsi des assemblages qui livrent un brut de lui-même. Si on a la tête qui tourne sur « Labyrinths & Jokes », elle explose sur l’épique « Body Chaos », 18mn55 qui confirment la propension du bonhomme à jouer les apprentis chimistes tendance kamikaze après avoir nonchalamment piétiné un mètre carré d’épaisse moquette. On passe en un morceau de ce qui pourrait être la bande-son d’un documentaire sur des micro-organismes des grands fonds marins au terrifiant boucan des plus imposantes et effrayantes créatures de notre imaginaire. Puis on tourne de nouveau, peut-être dans l’autre sens, à l’écoute de « Look over your shoulder », comme un grand prédateur lorgnant vicieusement sur un nouveau charnier. Les basses écrasées comme de la purée de nerfs témoigne de la violence de l’attaque finale, on gobe des spaghettis de viscères comme de la gélatine, définitivement galavanisé par ce défoulement animal. Dans ce périple chaotique, on reconnaît parfois, tels les dernières traces d’une civilisation, quelques bruits de chaînes, de cloches ou encore des cris étouffés. De frêles repères d’une vie antérieure qui, loin de rassurer, témoignent à quel point on s’est éloigné dans les méandres d’un irrésistible grand nulle part.

Enregistrée sur une période de trois ans (2008-2011) cette nouvelle livraison de sept morceaux du prolifique Dilloway se révèle au fil des écoutes une oeuvre d’une force incroyable, autant pour la finesse de sa conception que pour la sauvagerie créative qu’elle suppose, des entrailles de son concepteur jusqu’à nos oreilles tétanisées par ce « direct producteur » unique en son genre.

Audio

Video

Tracklist

Aaron Dilloway – Modern Jester (2012, Hanson)

1. Tremors
2. Eight Cut Scars (For Robert Turman)
3. Labyrinths & Jokes
4. Body Chaos
5. Look Over Your Shoulder
6. Shatter All Organized Activities (Eat The Rich)
7. After The Showers


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