Chronicle.(réalisé par Josh Trank)
Souffrance ordinaire.
Belle surprise que ce blockbuster déguisé en « petit film ». Sans révolutionner la transposition des troubles adolescents au cinéma, il en offre certainement la plus belle variation de ces dernières années.
Après avoir été en contact avec une mystérieuse substance, trois lycéens se découvrent des super-pouvoirs. D’abord tentés d’utiliser leur don pour jouer des tours à leurs proches, ils vont vite prendre la mesure de ce qui leur est possible. C'est là que tout dérape...
Le trailer, sorti il y a de ça quelques mois, m'avait donné envie de voir ce projet intriguant. Je n'ai pas été déçu par le résultat. Sorte de remake non officiel du Carriede Brian de Palma, le film suit les mésaventures d'un adolescent ordinaire, perdu entre les troubles propres à son âge et ses problèmes familiaux -père alcoolique, mère malade- que certains trouveront, à n'en pas douter, surfaits. Pourtant, si on peut sourire face à la facilité de la situation qui le pousse à passer du côté obscur, elle permet une vraie réflexion sur le sujet.
Être adolescent de nos jours, lorsqu'on est renfermé et taciturne, c'est encore plus difficile que ça l'était pour les générations précédentes. A l'ère de Facebook et de la notoriété éphémère, les laissés pour compte d'un tel système se comptent par milliers. Cette souffrance sociale ordinaire (dans le sens où on la côtoie tous les jours sans y prêter attention) et latente n'intéresse les gens qu'à partir du moment où elle devient inacceptable pour celui qui la subit. C'est alors l'explosion. Et ces actes de violences qui étonnent tant les médias sont devenus fréquents et auraient pu certainement être évités.
Attention, je ne tiens pas à schématiser, ce serait une erreur de réduire de tels phénomènes sociaux à ce simple mal-être adolescent. Le film peut le laisser penser mais je doute qu'il veuille clairement établir ce fait. Il y a des causes et des facteurs plus enfouis, moins évidents que je laisse aux psys le soin de déterrer. On ne peut cautionner de tels actes mais on se doit de les comprendre, pour éviter leur reproduction. Il est tant que la société accepte sa part de responsabilité dans ces comportements déviants.
Bref, j'ai un peu dérivé du sujet initial mais ce questionnement s'accouple bien avec le propos du film. On suit le parcours d'Andrew à travers la caméra qui le suit partout. Le found footage(procédé qui ne me plaît guère) est utilisé ici de manière intelligente. La caméra représente un mur entre le personnage et le spectateur. Une barrière infranchissable. On ressent de l'empathie pour cet être à la dérive mais on ne peut lui venir en aide. On subit la montée en puissance de sa colère, puis l'explosion de celle-ci d'un regard extérieur. Le réalisateur nous donne à voir cette douleur et nous met dans la position qu'on occupe tous les jours lorsque ça arrive dans la vie: celle de spectateur qui laisse faire et réagit lorsque c'est déjà trop tard (le cousin). Le montage se justifie et sert de mise en garde.
Un bon film, au sujet social dans lequel on sent le réalisateur engagé. Un avertissement pour le public, un brin caricatural peut-être mais qui appuie là où ça fait mal. A voir malgré la durée, trop courte, qui ne permet pas de développer les personnages secondaires. Il y aurait d'autres façons de lire le long-métrage (j'ai lu des analyses qui mettent en avant les super-pouvoirs) mais je trouve que c'est là le point d'orgue d'un film aux différents niveaux de lecture.
Note: