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Étrange histoire : le juif qui négocia avec les nazis

Par Mickabenda @judaicine
Enfants train Kasztner

La réalisatrice américaine Gaylen Ross raconte cette histoire de meurtre, d’intrigue et d’héroïsme au travers des efforts désespérés de la fille unique de Kasztner pour réhabiliter son père, et du témoignage de l’un des assassins, qui rompt pour la première fois le silence sur cette nuit où il appuya sur la détente et tua le Juif qui négocia avec les nazis.

Peu d’histoires vraies sont faites à la fois d’une énigme historique, d’un thriller judiciaire, d’un meurtre politique et d’une saga familiale.

Pourtant, on trouve tout cela dans l’histoire controversée de Reszo Kasztner. Dans la Hongrie occupée par les nazis, Kasztner, un Juif, osa négocier face à face avec l’architecte de la solution finale, Adolf Eichmann.

Alors que la machine de mort nazie tournait à plein régime – 12000 personnes mouraient chaque jour à Auschwitz -, Kasztner réussit à négocier le sauvetage, par train, de 1684 Juifs de Budapest et marchanda pour tenter d’en sauver des dizaines de milliers d’autres.

Pourtant, on l’accusa d’avoir provoqué la mort de centaines de milliers de Juifs en ne révélant pas certaines informations cruciales à propos des camps de la mort d’Auschwitz.
Après son succès critique au festival international du film de Toronto en 2008 et un succès sans précédent pour sa sortie en salles en Israël, le film de la réalisatrice américaine Gaylen Ross, Le Juif qui négocia avec les nazis, arrive en France et pose la question : Rezso Kasztner est-il un héros qui a sauvé des Juifs ou bien un salaud de mèche avec les nazis ?

Le film sera présenté en avant-première dans le cadre du festival du film israélien de Paris et à partir du 4 avril dans les salles.
En découvrant le récit du procès enflammé contre Kasztner, les révélations saisissantes de son assassin Ze’ev Eckstein et la rencontre bouleversante entre sa fille Zsuzsi et ce dernier, le public a l’occasion de décider de l’héritage de cet homme oublié.

« L’histoire de Kasztner ressemble à une tragédie grecque ou shakespearienne, par son aspect universel et intemporel. Ce fut une tragédie de la passion, dans les deux camps », explique Gaylen Ross, qui a mis 8 ans à réaliser son film. Ce qui reste inconnu, c’est ce que Kasztner a promis – si seulement il a effectivement promis quelque chose – pour assurer la réussite de ce sauvetage inouï.
« Que l’on pense que Kasztner a bien ou mal agi, le film montre qu’il ne doit pas être effacé de l’Histoire. Des milliers de Juifs – plus nombreux encore que ceux sauvés par Schindler – ont survécu grâce à ses efforts pour les sauver et il reste peu de temps à ceux qui sont toujours vivants pour faire connaître leur incroyable histoire. Il faut que leur voix soit entendue ».

Pendant les derniers jours de la guerre, à bord d’une voiture conduite par un colonel SS, Kasztner s’efforçait de faire arrêter les liquidations dans les camps de Theresienstadt et Mauthausen, ce qui fit dire à certains qu’il sauva ainsi des dizaines de milliers de vies. Ce sont de tels actes de bravoure qui valurent à Kasztner d’être considéré dans un premier temps comme un héros. Puis vinrent les accusations qu’il était au contraire un traître.

En Israël, son pays adoptif, on le traita de collaborateur au cours d’un procès en diffamation qui déchira la nation entière et qui aboutit à ce qu’on le surnomme « l’homme qui vendit son âme au diable ». En 1957, il fut assassiné devant chez lui à Tel Aviv par un Juif d’extrême droite. Un an plus tard, il fut pourtant blanchi lors du procès en appel, mais cela ne changea rien : son destin était scellé, et sa fille Zuszsi grandit isolée et méprisée du fait des crimes supposés de son père. Face au désaveu général infligé à cet homme, elle pousse un cri : « ils l’assassinent, encore et encore ».

Gaylen Ross rouvre et traite sous tous les angles l’histoire de Kasztner : ce qui motivait ses actions, ce qui motiva son assassin, le drame de sa famille et le récit incroyable des Juifs qu’il sauva. L’un des aspects les plus saisissants du film est l’aperçu qu’il donne de l’esprit d’Eckstein, le tueur qui raconte dans les détails la nuit où il appuya sur la détente mais aussi les événements de sa vie qui ont transformé le jeune homme normal qu’il était en un extrémiste radical.

Les spectateurs assistent aussi à l’incroyable rencontre entre Zsuzsi et l’assassin de son père (libéré de prison dès 1964 avec l’aide du premier ministre Ben Gourion lui-même) : ou la collision entre deux versions de l’histoire de Kasztner.

Dans ce qui est à la fois film d’investigation et voyage dans le passé tourmenté d’Israël, la réalisatrice
met au jour l’histoire méconnue de Kasztner et ses répercussions sur les survivants du train, sa famille et son pays, et questionne la nature même de l’Histoire : qui l’écrit, comment s’en souvient-on et quels sont ses enjeux pour le présent et le futur ?

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