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Trio érotique pour fin de règne sensuelle (mais chaotique)

Par Borokoff

A propos de Les Adieux à la Reine de Benoît Jacquot 3 out of 5 stars

Léa Seydoux - Les adieux à la Reine de Benoit Jacquot - Borokoff / Blog de critique cinéma

Léa Seydoux

Versailles, 14 juillet 1789, à l’aube de la prise de la Bastille. Sidonie Laborde voue un véritable culte à Marie-Antoinette (1755-1793) dont elle est la lectrice. Mais la Reine est elle-même en adoration devant la Duchesse Gabrielle de Polignac. Avec la révolution et l’imminence d’une catastrophe pour la monarchie, la panique gagne Marie-Antoinette. Ses sentiments pour la Duchesse de Polignac, condamnée à s’exiler en Suisse, s’exacerbent comme ceux de Sidonie, folle de jalousie et de tristesse devant l’indifférence de la Reine. Tandis que la frustration et le ressentiment se cristallisent chez la jeune lectrice grandit une forme de désir amoureux entre la Duchesse et la Reine. Bientôt, l’ambiance devient électrique entre les trois femmes…

Adaptation d’un roman historique éponyme écrit par Chantal Thomas et publié aux Éditions du Seuil/Points en 2002, Les adieux à la Reine brille d’abord par la prestation de Léa Seydoux, remarquablement dirigée. Toute l’action est filmée depuis son point de vue.

Qui est Sidonie Laborde ? Une fille du peuple dont on ne sait rien ou pas grand-chose si ce n’est, par la voix d’une autre suivante (Honorine, jouée par Julie-Marie Parmentier), qu’elle est à la Cour depuis quelques années. Mystérieuse, Sidonie Laborde n’en a pas moins un caractère fort. A l’admiration teintée d’attirance physique qu’elle éprouve pour la Reine répond une certaine indifférence de cette dernière qui ne fait pas attention à elle la plupart du temps. Jouée par la délicieuse Diane Kruger (qui a pris un accent autrichien pour l’occasion), Marie-Antoinette n’en a que pour « la Polignac » (voluptueuse Virgine Ledoyen), dépréciée à la Cour et même traitée de « putain » par certains.

Diane Kruger - Les adieux à la Reine de Benoit Jacquot - Borokoff / Blog de critique cinéma

Diane Kruger

Le Versailles de Les adieux à la Reine est un Versailles de fin de règne pour Louis XVI. Un Versailles sombre, confiné, loin du faste et de l’éclat de la Galerie des glaces. C’est un univers peu reluisant, celui des mansardes décrépites dans lesquelles vivent les suivantes comme Sidonie, des appartements à peine plus grands et respirables des courtisans. Filmé en clair-obscur, Les adieux à la Reine est à ce titre et d’abord peut-être un somptueux travail sur la lumière, dans des pièces et des couloirs plongées dans la pénombre, éclairés faiblement à la bougie. Il règne non pas un chaos mais un désordre et une anarchie pour le moins inhabituels à Versailles. Les courtisans comme les membres du clergé s’enfuient un à un la nuit en calèche, mais Marie-Antoinette refuse d’abdiquer ou de partir. Elle veut étouffer la fronde sans transiger, dans le sang s’il le faut. En attendant, il y a cette Gabrielle de Polignac qui tourne autour d’elle, qui l’obsède, accapare toutes ses pensées. Sidonie, qui a tout compris et surtout qu’elle n’existait pas aux yeux de la Reine, est prête à tous les sacrifices, y compris à faire l’entremetteuse pour la Reine qui souffre affreusement de devoir envoyer Gabrielle en Suisse.

La sensualité de la Reine est accrue par la nervosité qui la gagne face à la précipitation tragique des évènements. On sent bien l’urgence du tournage (l’équipe n’avait le droit de filmer que les lundis et la nuit) comme celle de Benoît Jacquot de capter cet état de « bouleversement permanent » qui caractérise les trois protagonistes et qui contraste avec le stoïcisme de Louis XVI (Xavier Beauvois), inébranlable.

Malgré des réussites incontestables (lumières, dialogues, direction et jeu des actrices principales comme secondaires), Les adieux à la Reine manque parfois de compacité, de tension, de densité. On sent pourtant l’habilité de Jacquot à manier son trio lesbien et amoureux, à distinguer deux formes de passions, celle un brin pervers de Gabrielle, l’autre plus adolescente de Sidonie, pour la Reine, mais son triple portait manque parfois de nuances. La nudité de Sidonie ou de Gabrielle est par exemple une expression trop directe d’un sentiment de vertige qui caractérise les personnages. Le désir, l’attraction physique qui s’exercent entre les trois femmes sont certes primordiaux et un moteur dans le film mais on ne sent pas assez l’ambigüité, la gêne des situations dans lesquelles devraient pourtant se retrouver ces trois femmes.

Jacquot aurait pu s’exprimer par des moyens plus subtils que des gros plans répétés sur les visages. C’est cette complexité dans le traitement psychologique, dans l’étude de caractères qui fait défaut malgré des réussites plus formelles et dans le jeu des actrices. La chute, un peu plate et décevante, renforce ce sentiment d’inabouti, d’une dimension manquante…

http://www.youtube.com/watch?v=y95nMIQx8lM

Film français de Benoît Jacquot avec Léa Seydoux, Diane Kruger, Noémie Lvovsky, Julie-Marie Parmentier (01 h 48).

Scénario de Gilles Taurand  et Benoit Jacquot : 2 out of 5 stars

Mise en scène : 2.5 out of 5 stars

Acteurs : 3.5 out of 5 stars

Dialogues : 3.5 out of 5 stars

Compositions de Bruno Coulais : 3 out of 5 stars


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