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Salle 5 - vitrine 4 ² : les peintures du mastaba de metchetchi - 32. des huiles canoniques

Publié le 31 mars 2012 par Rl1948

   Que vous vous référiez à la stèle-tryptique de Ky et de son épouse que, j'espère, sur mes conseils vous êtes allés voir la semaine dernière en la galerie d'étude n° 1 de la salle 22 du premier étage du Département des Antiquités égyptiennes, ici au Louvre, ou à la troisième stèle fausse-porte que Nyânkhnefertoum, haut dignitaire palatial du temps de Metchetchi, fit graver à la VIème dynastie sur le mur ouest de la chapelle funéraire de son mastaba retrouvé près de la pyramide à degrés du roi Djoser, à Saqqarah, ce sont bien sept huiles distinctes, en plus de certains onguents, que les Égyptiens prévirent pour l'onction du corps d'un défunt : setchi-heb (huile assez grasse provenant d'un mammifère, mélangée à de faibles quantités de cire d'abeille et de résine), hekenou (huile également grasse probablement d'origine animale), sefetch (huile de cade), huile ny-khenem (à base de résine de conifère et de corps gras non encore  identifiés), huile touaout (?), hatet-âsh (cèdre de première qualité) et tchehenou (huile dite "libyenne" contenant également de la résine de conifère et considérée comme étant de qualité supérieure ; "deux fois bonne", comme le spécifiaient textuellement les Égyptiens).

  

       Il n'est plus à démontrer que parfums, huiles, baumes, onguents, gommes et résines jouèrent un rôle cardinal dans le quotidien de l'Égypte antique. Source non négligeable de ce matériel aromatique, parmi les végétaux en général provenant de la Corne de l'Afrique et du Moyen Orient mais aussi, et ce ne fut pas négligeable, d'espèces présentes dans la Vallée du Nil, en ses confins orientaux et du Sinaï, sans oublier le territoire nubien, arbres - et arbustes en particulier - ou produisaient des exsudats ou étaient brûlés de manière que s'en dégageât une senteur fort appréciée, que ce soit pour parfumer l'habitat des particuliers ou au cours des rites journaliers effectués au sein même des temples pour encenser le dieu immanent en ses statues.

   Ils pouvaient aussi, suite à un procédé de distillation, être à l'origine d'huiles rituelles, le cèdre en étant un parfait exemple, entrant dans le processus de la momification.

   Deux textes rédigés en écriture hiératique sur papyri nous sont parvenus à propos du Rituel de l'Embaumement, auquel, le 27 novembre 2010, j'avais consacré notre rendez-vous : ce sont les papyri Boulaq 3, conservé au Musée du Caire et Louvre (E 5158) que vous pourrez, à la fin de notre entretien, découvrir dans la vitrine 1 de la salle 15, au pied du lit funéraire exposé sous "LA" momie.

Salle-15---Vitrine-1--Juin-2009-.JPG

   Que ce soit celui du Caire ou celui du Louvre,

--Rituel-de-l-embaumement-de-Hor-----Papyrus-Louvre-E-5158-.jpg

les deux documents, nullement avares de précisions liturgiques, à défaut (malheureusement) de scientifiques, indiquent :

   Mettre N. (comprenez : le défunt) sur son ventre. Masser son dos pour l'assouplir avec la même huile précieuse qu'auparavant. Paroles à prononcer quand on a oint son dos : Pour toi vient l'huile afin d'oindre ton corps ; pour toi vient l'huile de cade que produit le genévrier.

   Cette huile - sefetch, je l'ai citée ci-avant -, était obtenue par calcination du bois de cèdre (Juniperus Oxycedrus) qui détient la particularité de contenir un goudron végétal.

   Si j'en crois Hérodote, elle intervenait entre autres dans le processus de momification des Égyptiens qui n'étaient pas à même de s'offrir de couteuses funérailles :

     ... ils chargent leurs seringues d'une huile extraite du cèdre et emplissent de ce liquide le ventre du mort, sans l'inciser et sans en retirer les viscères ; après avoir injecté le liquide par l'anus, en l'empêchant de ressortir, ils salent le corps pendant le nombre de jours voulu. Le dernier jour ils laissent sortir de l'abdomen l'huile qu'ils y avaient introduite ; ce liquide a tant de force qu'il dissout les intestins et les viscères et les entraîne avec lui.   

   

   D'autres papyri, faisant cette fois plus spécifiquement allusion à l'onction pratiquée au moment du seul Rituel de l'Ouverture de la bouche - que, lui aussi, souvenez-vous, j'eus l'opportunité de vous détailler les 14 et 21 décembre 2010 -, prouvent que les huiles canoniques étaient également convoquées : on y retrouve en effet mention de chacune d'entre elles.

   Et le prêtre cérémoniaire de psalmodier des litanies telles que : 

     Ô cette huile, ô cette huile, c'est toi qui es sur le front de N. 

Maintenant que tu es sur le front de N., il est parfumé grâce à toi, il est glorifié grâce à toi, et tu fais qu'il ait pleine disposition de son corps !     

   Nonobstant toutes ces indications fonctionnelles, force nous est d'admettre que, faute d'exactement traduire les noms des produits cités, subsiste toujours, scientifiquement parlant, une inconnue quant à la composition exacte de chacun d'eux.

     Pourtant, ce ne sont pas les tentatives d'analyses qui manquent !

Ainsi en est-il notamment au Museum d'Histoire naturelle de Lyon qui conserve dans des enveloppes spéciales, sous forme de poudre ou de fins  morceaux solidifiés, des résidus d'huiles essentielles provenant de la tombe d'une certaine Khnoumit, princesse de l'époque d'Amenhemhat II (XIIème dynastie), mise au jour dans la nécropole de Dachour par l'égyptologue français Jacques de Morgan à l'extrême fin du XIXème siècle.

     Si toutefois leur étude actuelle, par chromatographie liquide à haute performance avec détection ultra-violette ou encore par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse - n'écarquillez point les yeux en scrutant les miens, amis lecteurs : je vous avoue tout de go ma totale impéritie à vous expliquer ce que cèlent ces termes pour le moins sibyllins - ; si donc l'analyse confirme les indications de leur nom lues par l'archéologue sur les couvercles et les panses des pots en calcite qui, dans la tombe, les contenaient, hormis le composant principal - et encore ! -, vous aurez remarqué dès mon introduction qu'il n'est toujours pas possible de préciser complètement leur origine biologique.

   Les chercheurs, toutefois, et par définition, continuent à chercher ...

   Onguents et parfums, cette thématique avait été évoquée, souvenez-vous quand, dans la prédédente salle 4, voici exactement trois ans, nous nous étions longuement arrêtés les 17, 24 et 31 mars devant le vitrine 9 pour y découvrir un des deux "Reliefs du Lirinon".

   Parce que la présente intervention s'inscrit dans le droit fil de cette ancienne trilogie, mais aussi dans celui d'autres rencontres évoquées ce matin, il me semble véritablement utile de suggérer à ceux d'entre vous que le sujet intéresserait plus particulièrempent de consacrer quelques instants des deux semaines de vacances de Printemps qui, en Belgique, débutent aujourd'hui, à leur relecture.

   Rassurez-vous : ceci n'est qu'une invitation afin que votre compréhension de ce vaste domaine soit la plus complète qu'il soit souhaitable. Promis : il n'y aura sur cette matière aucun interrogation à la rentrée, ni orale ni écrite !

(Asensi Amoros : 2003, 1-19 ; Goyon : 2003, 51-65 ; ID. : 2004, 47-8, 148-9 et 345 ; Hérodote : 1964, 175 (§ 87) ; Tchapla & alii/Mourer : 1999, 518 et 525-32)

     Bonnes vacances, bonnes fêtes de Pâques à tous ; et retrouvons-nous, voulez-vous, le mardi 17 avril prochain, pour autant qu'une "overdose" d'oeufs en chocolat - belge, évidemment - n'ait point trop engorgé votre foie délicat ... 

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