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Der Menschenfeind [Le Misanthrope]

Publié le 31 mars 2012 par Belette

Ivo van Hove présente un Misanthrope allemand avec des acteurs de la Schaübuhne aux Ateliers Berthiers de l’Odéon : un spectacle froid et faussement anti-conventionnel, mais très bien interprété et intéressant d’un point de vue dramaturgique.

Der Menschenfeind [Le Misanthrope]

Lars Eidinger et Judith Rosmair © Jan Versweyveld

Que dire ? Un plateau propre qui se salit au fur et à mesure que le Misanthrope (Alceste) goûte aux méchancetés de l’âme humaine ; des iphones et des ipads en guise de lettres et autres galantes missives qui nous signifient avec lourdeur à quel point notre mode de vie repose sur les images et les relations virtuelles ; un écran omniprésent qui donne à voir un autre point de vue que celui des gradins sur lesquels nous sommes assis, malheureusement tellement présent qu’on en oublie de regarder les acteurs et qu’on se retrouve devant une télévision ; des coulisses aménagées juste derrière la scène, comme un hors-champ “vrai” d’autant plus “faux” qu’il a été construit pour l’occasion ; une scène jouée hors du théâtre et retransmise par caméra sur scène censée faire d’autant plus “théâtre” qu’elle en est sortie ; prises à parti occasionnelles des spectateurs ; orgie alimentaire : saucisses dans les fesses et détritus sur le sol ; orgie sexuelle : Célimène est une allumeuse in-cu-ra-ble, et même les mignons gentils Eliante et Philinte ne peuvent s’empêcher de baiser à même le sol. Tsss.

Si la mise en scène n’est guère enthousiasmante, les acteurs offrent une très belle performance : Lars Eidinger dans le rôle d’Alceste et Judith Rosmair dans le rôle de Célimène portent à eux deux le spectacle avec une implication totale. Mais l’on ne sait pas bien où Ivo van Hove veut en venir : la scène d’ouverture, hyper conventionnelle, ressemble à une caricature de théâtre bourgeois (costumes trois pièces etc), mais la suite, même si elle salit la caricature, demeure dans la continuité d’un jeu réaliste auquel on demande de jouer avec ses propres codes. Du coup, le théâtre dans le théâtre revendiqué par bribes tombe à l’eau.

Reste l’interprétation finale, qui renverse complètement Le Misanthrope : alors qu’Alceste, “trahi de toutes parts, accablé d’injustices”, décide de “sortir d’un gouffre où triomphent les vices ; Et chercher sur la terre un endroit écarté, Où d’être homme d’honneur, on ait la liberté”, il empoigne tout à coup Célimène et lui fait violemment l’amour contre l’écran, qui montre à présent un ciel bleu printanier. Ainsi, au lieu de sortir du monde, Alceste abandonne ses idéaux, renonce à l’honnêteté, et prend ce qu’on lui donne : une fausse relation quasi masochiste faite d’illusion et d’écrans.

N.B. Un autre point de vue en deux parties très intéressant sur la pièce, vue à Berlin en 2011 (création en 2010).



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