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Sérieusement?

Publié le 03 avril 2012 par Legraoully @LeGraoullyOff

Sérieusement?

« Je ne connais de sérieux ici-bas que la culture de la vigne »

Voltaire.

J’étais bien, serein contemplatif ténébreux bucolique, et les premiers et timides rayons de soleil du printemps commençaient à hâler furtivement mon teint d’enfant d’une nuance rosée comme le vin frais qui marque la fin de l’hiver rigoureux. Dès le 20 mars, je change de pinard en même temps que de saison, et mon co-auteur de chroniques hiémales, le vin rouge, goûte un repos mérité jusqu’au Beaujolais nouveau. La douceur des après-midi (parce qu’il faut bien dire que le matin on se caille les meules) me nimbait de la tendre aura de bien-être et d’accord complet avec le cosmos que gênait la surabondance de tissus, bref j’étais tranquille, entre mes livres, mes chats et mes boutanches.

Hélas, trois fois hélas, ô rage ô désespoir, ô habitude ennemie, j’ai allumé ma télévision, et ma sérénité quasi-bouddhique s’est éteinte plus promptement qu’un cessez-le-feu à la frontière israélo-palestinienne. Si j’étais si bien, c’est parce que je ne suivais plus la campagne présidentielle, je m’en battais les flancs à m’en rougir la peau, et je voulais juste regarder Arte, mais quand j’ai éteint ma lucarne à cerveau disponible la dernière fois, elle était calée sur une chaîne info. Et quand la lumière fut, tout l’effroi dont je m’étais protégé en dix jours me sauta au visage comme un serpent cathodique. En une phrase, c’en était fait de la belle vie, et le venin de la petite phrase m’a obligé à avoir une opinion sur un sujet dont je me contrefous.

La petite phrase émane de François Hollande, qui prétend être « sérieusement de gauche ». Manière de dire aux sceptiques, que oui, il va botter l’adipeux arrière-train de la finance, et que, attention les copains, Mélanchon est un clown. Qu’est-ce que j’ai dû rater comme débats de fond en délaissant le paysage audiovisuel français pour des lectures plus salubres! A vrai dire, le commentaire politique, j’ai les flancs qui saignent à force de me les battre, par contre je suis surpris de ce mépris pour la gaudriole. A une époque reculée, François Hollande était pourtant réputé pour ses saillies. Bon on était plus proche de Laurent Ruquier que de Pierre Dac, mais il fut un temps où il ne pouvait s’empêcher de glisser un « poil aux amygdales » en entendant parler de Ségolène Royal ou un « allo-rent Fabius » quand on lui téléphonait, ce qui est plus amusant que la parodie de haka mou du coude qu’on se doit d’accompagner de l’antienne « le changement c’est maintenant ». Quand on lui a fait comprendre que les Carambar étaient mauvais à la fois pour sa ligne et pour sa carrière politique, il est devenu sérieux comme un séminariste, et même Benoît XVI commence à être plus rigolo avec ses histoires de Dieu super sympa mais un peu chatouilleux sur la morale.

Il y a même des orfèvres dans l’humour politique, comme André Santini, classé hors concours à  force d’être primé pour ses sorties sur les oreilles de Bayrou qui décollent plus que ses intentions de vote, ou Winston Churchill qui figure en bonne place dans plusieurs anthologies de l’humour noir. Mais tout ça c’est fini. Désormais, l’heure est grave, les islamistes sont à nos portes, le chômage et les dettes s’amoncellent, les Français veulent des réponses, des emplois, de la croissance, et pas ricaner comme des hyènes parce que la vie est belle. La campagne électorale vire au concours de celui qui est le plus coincé des zygomatiques, à qui veut sacrifier son existence à créer des emplois aidés, à qui est le plus pénétré de sa mission divine. Je vous mettrai tout ça en thérapie pour leur apprendre à vivre moi.

Et si Mélanchon est le troisième homme de la campagne, ce n’est sûrement pas seulement parce qu’il joue à l’alternative de gauche, mais aussi parce qu’on se marre bien à ses meetings. Méluche est un vrai homme de théâtre, et même si on est pas obligé de prendre pour parole d’évangile tout ce qu’il raconte, il faut avouer qu’il est infiniment plus agréable à écouter que « la gauche sérieuse » qui nous ajoute un an d’âge à chaque discours et diffuse assez de verveine pour endormir toutes les maisons de retraite de France en un seul coup. D’ailleurs, et surtout depuis que notre troisième A est bancal, les seuls moments où on peut rire de nos politiciens, c’est à leur insu. Entre les talonnettes, les bourrelets photoshopés et la grammaire, bancale elle aussi, du chef de l’Etat, la vie passionnante de Nadine Morano sur Twitter, les lectures de Frédéric Lefevre, les histoires d’aliens de Cheminade, le gamin qui fait des doigts d’honneur sur les tracts du PS, on se fend la pêche, mais malheureusement seulement de dépit. Qui ira dire aux divers candidats qu’ils pourraient au moins attendre que la France soir morte pour avoir des gueules d’enterrement? On ne leur demande pas de se muer en clowns, mais c’est pas trop demander de faire des projets qui donnent envie de s’accrocher à la vie plutôt que de se jeter à la Moselle à la queue leu leu?

Le pire, c’est que le manque d’humour de la vie politique (et donc son manque de vie et de tempérament) déteint même sur les humoristes professionnels, qui oscillent entre le nihilisme vengeur et la bêtise si bien assumée qu’on se demande si elle est vraiment feinte. Lisez Epitecte, le philosophe cynique, voilà un garçon qui savait que le monde est horriblement cruel, mais qu’on n’est pas pour autant obligé d’en faire un tombeau avant même que d’être mort.

Pour ma part, je vais regarder mes chats chasser les mouches, ça vaut tous spectacles d’Anne Roumanoff.

Vidéo virale par ebuzzing

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