Carla Bruni : de la Don Juane à la nouille, itinéraire d'une femme d'aujourd'hui.
Pâques au balcon. Pendant que la grande nouille et son petit lardon, pardon, la première dame et le président sortant se reposent dans leur modeste clapier du Cap Nègre, il est temps de réfléchir à l'étrange métamorphose de cette ex-"Don Juane" des podiums, guitariste sèche de mes bobos à ses heures perdues, en ménagère zéro-cervelle-dix-kilos-de-trop, béate devant les bobards électoraux de son petit pou d'époux.
Cette métamorphose subite révèle plus de choses sur le président sortant que sur elle. Et ce qu'elle révèle est assez effrayant. Car si Sarkozy et ses spin doctors ont trouvé bon de faire endosser à la Carbonara le peignoir mal taillé de la bobonne idiote, c'est pour mieux plaire aux électeurs/trices. Cela en dit long sur l'image que ces gens se font de Madame Toulemonde, Marianne comprise. Et l'image qu'ils se font de la femme en dit long sur l'image qu'ils se font de la France et sur leur pouvoir présumé de la modeler à leur guise.
Finie, la femme porte-manteau "avec son sourire de Terminator et son visage au formol" (dixit Justine Lévy dans Rien de grave), bonjour la femme porte-drapeau des valeurs au formol de la France UMP-iste. La Carla nouvelle est arrivée, née de la cuisse flasque des spin doctors du candidat Sarkozy. Mannequin de carrière, elle peut tout porter, se sont-ils dit. Et, tout comme les grands couturiers, qui font porter à leurs modèles non pas des robes mais des concepts, les Sarkozy-boys la font défiler de meeting en interview (Elle, Le nouvel Observateur), attifée des idées qu'ils se font de la working class woman dont ils convoitent le billet doux dans l'urne.
Exit Auden, Yeats et Dorothy Parker, dont elle se disait passionnée et qu'elle chantait sur son deuxième album. Bonjour L'amour est dans le pré et Plus belle la vie, qui absorbent ses veillées, la platée de pâtes une fois ingurgitée, car :
"Nous sommes des gens modestes, nous aussi nous mangeons des pâtes."Exit la glamoureuse ambitionnant le statut d'intellectuelle de gauche libertine ("la monogamie m'ennuie"), bonjour la ménagère "incapable" de donner son avis à "mon homme" sur quoi que ce soit, car ignare en politique et en économie. "Mon homme", "je le plains, il est tombé sur l'animal le plus apolitique qui soit !" En bonne femme au foyer, elle s'inquiète :
"Il travaille tout le temps, il travaille 20h par jour. J'ai peur heu... qu'il meure !"Exit aussi les robes de designers, moulant ses formes de mûre adolescente, ou les T-shirts grungy stratégiquement échancrés de la période rock indé. Welcome les sweat-shirts grisâtres et les chandails informes de la mère débordée qui prend le métro comme vous et moi ("Avec une perruque, personne ne me reconnaît dans le métro") et ne se fait plus d'illusion sur son sex-appeal :
"Maintenant que je suis grassouillette, j'ai dix kilos en trop pour venir à l'émission."A noter qu cette confession sans fard fut faite dans l'émission "C à vous" à l'occasion de la Journée de la femme. Comme pour enfoncer le clou et, par ricochet, faire du mari de cette "femme d'aujourd'hui" un homme comme un autre. Car les sondages montrent que les Français doutent moins des qualités de Sarkozy en tant qu'homme politique que de ses qualités en tant qu'homme tout court.
Comment ne pas douter des qualités d'un homme qui pense qu'en transformant sa grande nouille en pauvre nouille, il la rend semblable aux millions de femmes qui s'apprêtent à élire leur nouveau président ? Surtout comment ne pas douter des qualités d'un candidat qui pense qu'avec de telles ficelles, dignes d'une pub pour lessive des années Coluche, il peut caresser les électrices dans le sens de leurs valeurs "féminines" et se les mettre dans la poche ?
Sarkozy et ses spin doctors ne connaissent rien à la mode. Les couturiers savent bien, eux, que lorsqu'ils font défiler un mannequin, les spectatrices ne s'y identifient jamais, elles se projettent dans l'univers symbolisé par la robe. C'est pourquoi, avec un mélange de naïveté et de cynisme hautement toxique, non seulement ils oublient que la femme française qu'ils veulent piéger n'est pas une spectatrice mais une électrice : ils pensent que Marianne brûle d'envie de s'identifier à leur nouille et d'en faire une copine. Qu'importe si leur porte-manteau déclare, de son hôtel particulier de la porte d'Auteuil :
"L’antisarkozysme est un phénomène d’élite parisienne."Ma copine Bruni ? Elle a tout compris.
LA MORALE : Tout n'est pas bon dans le petit lardon.
Lisez : Carla Bruni dans les archives de Politikart.