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Exposition de Seurat à Matisse, Henri-Edmond Cross et le néo-impressionnisme

Publié le 10 avril 2012 par Les Lettres Françaises

De Seurat à Matisse, Henri-Edmond Cross et le néo-impressionnisme

Au musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis, jusqu’au 10 juin 2012.

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Revue culturelle et littéraire les lettres Françaises Exposition Henry Edmond Cross

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Rien d’étonnant que de s’intéresser à la couleur et à ses lois – l’ouvrage de Chevreul sur le contraste simultané sera réédité en 1889 –, quand on se nomme Delacroix (Cross traduira son nom en anglais afin d’éviter toute confusion). Rien d’étonnant encore que l’histoire de l’art ait inscrit l’oeuvre du peintre dans le sillage de celle de Monet en lui accordant également le rôle de « passeur chromatique » (avec Signac) auprès de Matisse. Ainsi, c’est tout sauf un hasard que l’exposition de Cross, qui a débuté son périple au musée Marmottan et ses Monet, achève son trajet « chez Matisse », au Cateau – Cambrésis. Faisant partie des pionniers du néo-impressionnisme, le peintre ne pouvait pas rêver d’une meilleure consécration. Non pas que cette logique soit sans danger, celui de réduire l’œuvre à une simple somme des influences, danger pratiquement suggéré par le titre « De Seurat à Matisse. » Par chance, la présentation permet de découvrir un artiste singulier, qui trouve son mode d’expression propre. Cross n’est pas un révolutionnaire. « J’ai une tendance trop grande à m’enfermer dans les limites d’une théorie séduisante. Il faut arriver à en jouer », déclare-t-il. La théorie en question est indiscutablement celle de Seurat – le fondateur du pointillisme dès 1886 –, dont l’impact reste essentiel sur l’œuvre de Cross. De fait, il est frappant qu’à ses débuts le peintre fasse appel à une thématique proche des impressionnistes : des paysages idylliques, situés de préférence sur la côte méditerranéenne (Le Lavandou et Saint-Tropez) qui deviennent pour le spectateur contemporain un nouvel Éden. Cependant, le langage de Cross n’a rien de la spontanéité de ses prédécesseurs ; chez lui, les « pastilles » de couleurs primaires, souvent insérées dans une trame géométrique, forment une composition étudiée, un univers à l’architecture stable. Toutefois, cette volonté d’harmonie va se transformer lentement. L’artiste va appliquer des touches plus larges, faisant naître la sensation d’une matière en éveil qui, d’un moment à l’autre, peut se transformer en un magma chaotique. (Côte provençale, le four des Maures, 1906-1907). Il faut encore attendre avant que les couleurs crues ne forment des dissonances échappant à la fonction décorative, que les touches ne s’accordent plus aux formes et deviennent des taches informes de plus en plus éloignées les unes des autres, introduisent clairement des ruptures dans la représentation. Il n’en reste pas moins que ce traitement de Cross participe déjà à l’approche heurtée et discontinue que proposeront les fauves. Le tableau que Matisse a offert à celui-ci en 1905 – Tulipes, perroquets – est l’emblème de cette émulation réciproque.

 Itzhak Goldberg

« De Seurat à Matisse, Henri-Edmond Cross et le néo-impressionnisme », musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis, jusqu’au 10 juin 2012. Catalogue : Hazan, 240 pages, 29 euros

N°92 – Les Lettres Françaises Avril 2012.



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