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Twixt, le coupe faim de Francis Ford Coppola

Par Wtfru @romain_wtfru

Twixt, le coupe faim de Francis Ford Coppola

réalisé par Francis Ford Coppola
avec Val Kilmer, Bruce Dern, Ben Chaplin, Elle Flanning

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SYNOPSIS
Hall Baltimore, écrivain de seconde zone sur le déclin, arrive dans une petite bourgade des Etats-Unis pour y promouvoir son dernier roman de sorcellerie. Il se fait entraîner par le shérif dans une mystérieuse histoire de meurtre dont la victime est une jeune fille du coin. Le soir même, il rencontre, en rêve, l’énigmatique fantôme d’une adolescente prénommée V. Il soupçonne un rapport entre V et le meurtre commis en ville, mais décèle également dans cette histoire un passionnant sujet de roman qui s’offre à lui. Pour démêler cette énigme, il va devoir aller fouiller les méandres de son subconscient et découvrir que la clé du mystère est intimement liée à son histoire personnelle.

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AVIS
Quand vous êtes le réalisateur de deux des plus grands chefs d’oeuvre du cinéma (Le Parrain 1/2 et Apocalypse Now), il est certain que personne ne viendra vous chercher des poux. C’est sur ce postulat de départ que Coppola mène désormais sa carrière dans le 7e Art, se faisant plaisir avec des films au budget ridicule qui n’ont aucun compte à rendre à personne. Après le plutôt réussi Tetro, Francis Ford remet ça avec Twixt, film à mi-chemin entre l’émo-gothique à la mode et l’épouvante. Bien évidemment, contrairement à une chiante histoire de vampires adolescents, ne pas y voir un accès à la facilité, loin de là. Trop loin même…
En anglais, twixt signifie « entre deux choses » et en langage gourmand, sans le t à la fin, « deux doigts coupe-faim ». Un rapport de dualité, de double donc. Comme le film. En effet, il existe deux prismes par lesquels on peut voir cet exercice.

Le premier, purement technique et esthétique. Et vu que ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace, Coppola maitrise son sujet à la perfection. La réalisation est pointilleuse, l’image sublime. Le jeu des lumières est un régal à lui seul, quelque part entre l’univers sombre et gris de Tim Burton et le grain série Z de Rodriguez. Ici, c’est le Coppola d’avant Le Parrain qu’on retrouve.
On suit avec envie les protagonistes dans cet univers franchement flippant et c’est là toute la réussite du film. Visiblement, FFC s’est bien amusé et montre son impressionnante palette, prouvant au passage, qu’à 72 berges, il est loin d’être dépassé et sait utiliser les techniques d’aujourd’hui (on aperçoit même un peu de 3D, pourtant pas franchement utile dans ce genre de film mais juste pour le fun).
Si Twixt n’est pas là pour révolutionner grand chose, on peut quand même saluer l’originalité de certaines scènes, notamment cette retranscription « vu du ciel » assez drôle -et sans doute réelle- des dispositions que prend un écrivain avant de se lancer dans le grand bain (placement minutieux des objets, replacement minutieux, alcool, …) et de la transe qui l’habite au fur et à mesure. Pas de la grandiloquence, mais de la sincérité et justesse qui touchent tout autant.

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Twixt, le coupe faim de Francis Ford Coppola

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Et puis il y a le second prisme, purement intellectuel. Et c’est là que ça se gâte sérieusement. Disons le en une phrase comme on pourrait le dire en trente: le scénario pue. Vraiment. Un peu comme les menstruations d’une nana, pour rester dans l’univers vampire-sang (elle est bien dégueu celle-ci hein ?). Les fondations sont pourtant assez basiques avec cette histoire d’écrivain qui aide un shérif à résoudre un crime. Mais la suite est complètement folle. Coppola cherche à tirer sur un fil (les rêves) qu’il va finalement perdre. Les couches de lecture s’entassent au lieu de de succéder et on se retrouve très vite bras ballants. Bien sûr, on se doute un peu du dénouement mais c’est la manière d’y arriver qui laisse perplexe.
Ce mélange entre rêve, alcool, vampire, poésie, prêtre pédéraste, fantômes de petites-filles et même Edgar Allan Poe (interprété par un Ben Chaplin dont le port de la moustache le fait ressembler étrangement à l’autre Chaplin, sans qu’il n’y ait de lien de parenté) n’a ni queue ni tête et fait perdre toute crédibilité au film.
Même les acteurs n’y croient pas. L’ex Batman Val Kilmer (qui a sans doute manger Robin au vu de son poids) est ici un vulgaire Steven Seagal en roue libre, jouant sur le second degré du film. La petite Elle Flanning (aperçue en Cate Blanchett jeune dans Benjamin Button), bien que collant à l’esprit de cette jeune fille fantôme, n’a pas non plus de quoi porter le film sur elle.

Pas de personnage charismatique, une histoire alambiquée dans une réalisation soignée. Vous l’aurez compris, Coppola est ici comme un jeune étudiant en cinéma plein de talent. On saisit très bien la portée personnelle de ce film, avec ce parrallélisme de l’enfant perdu tragiquement de l’écrivain dans le film et du cinéaste dans sa vie. Ca ne suffit évidemment pas à faire un bon film, ni même ici à quelque chose qui laissera une trace. Mais si ça permet à Francis Ford d’exorciser ses démons tout en se faisant plaisir (ce qui n’a pas toujours été le cas dans sa carrière, surtout ces vingts dernières années), alors ne jugeons pas trop négativement ce Twixt et prenons-le comme il se doit: un projet minimaliste, un tant soit peu mégalo du plus grand mégalo du cinéma.

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