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Notre entretien avec Chapelier Fou

Publié le 14 avril 2012 par Chroniquemusicale @chronikmusicale

Notre entretien avec Chapelier FouEst-ce que vous pourriez nous présenter vore parcours musical et comment vous êtes passé du violon, à l’électro ?

Chapelier Fou : J’ai commencé sagement tout petit à faire du violon, je suis rentré assez vite au conservatoire. J’ai fait mes classes en violon, un peu en clavecin aussi, j’étais fort en solfège… J’aimais beaucoup le violon, mais les examens m’ont un peu pris la tête vers 15-16 ans, ce qui fait que j’ai arrêté pendant une période. J’ai repris ensuite le conservatoire, mais uniquement en formation musicale, en analyse, en écriture. J’ai passé ensuite mon perfectionnement en analyse musicale.

Quand est-ce que je suis venu à la musique électronique dans tout ça…
C’était au lycée pendant ma pause de conservatoire, j’avais un groupe à l’époque, j’ai commencé à bidouiller sur ordinateur. On touchait un peu à l’électronique, un des potes jouait des claviers, avait un sampleur. Je me suis un peu intéressé à ça, je me suis acheté un violon électrique. A coté de ça, avec un pote à moi, d’ailleurs le mec qui fait mes pochettes, qui est le bassiste de Marie Madeleine, on faisait de la musique sur ordinateur, à base de samples. On écoutait plein de trucs de Ninja Tunes, Warp. On s’est mis comme ça, à bosser tous les deux parallèlement (on n’a pas fait un projet commun). Quand j’ai commencé à faire de la musique électronique c’était de la musique complètement figé, puis quand j’ai voulu monter sur scène j’ai ré-élaboré tout le set-up avec l’idée de ressortir les instruments, de faire des boucles, et d’avoir ça comme principe de fonctionnement.

Aujourd’hui vous travaillez seul dans la composition ?

Seul pour composer, seul pour enregistrer, seul pour mixer, seul pour jouer sur scène.

Chapelier Fou
Chapelier Fou
Photos par Delphine Ghosarossian

Sur Invisible, qui sont les chanteurs qu’on entend sur deux morceaux ?

J’ai deux invités de marque ! Gérald Kurdian, qui a un projet This Is Hello Monster, et que j’ai rencontré au Québec. On a fait le Festival des Musiques Emergeantes il y a deux ans. C’était une très belle rencontre. Depuis on a sympathisé, on essaie de faire des projets ensemble. J’ai d’ailleurs rendez-vous après avec lui, parce qu’on fait une création, on monte une partie de notre répertoire avec un ensemble de musique contemporaine, des étudiants du conservatoire de Laval.

L’autre chanteur c’est Matt Eliott qui est un ami, qui chantait déjà sur l’album précédent. Pour moi, c’était normal de lui faire un morceau. C’est toujours cool de bosser avec lui, parce qu’on passe quelques bonnes journées chez moi à fumer des jxxxts, à boire des coups et à jouer au ping-pong. On se côtoie de plus en plus vu que j’ai l’honneur de jouer dans Third Eye Fundation, qu’il habite à Nancy et moi à Metz.

Le nouvel album s’appelle Invisible, question bateau, pourquoi ce titre ?

C’est un tout, c’est Invisible pour plein d’aspects. D’une part je me suis amusé à mettre des messages subliminaux, des trucs comme ça un peu partout dans le disque. Il y a des choses présentes, mais aussi des choses invisibles comme des signes, des choses que j’ai placées en terme de cohérence de disque ou des trucs qui sont vraiment cachés. Il y a aussi un coté hanté. Ce disque est hanté par pas mal de choses, des esprits, notamment des esprits méchas, des personnes mortes.

Graphiquement on a joué beaucoup la dessus avec Gregory Wagenheim. On a fait une pochette qui consiste en neuf cartes au sens cartes postales, comme il y a neuf morceaux, qui confrontent un recto, un verso. Avec au recto l’impression de voir un bout de décor qui est découpé dans une forme, et à l’inverse, c’est un négatif, et on voit le reste de la photo et au contraire, la forme qui nous permettait de voir de l’autre coté devient noire. C’est vraiment un rapport entre le visible et l’invisible qui m’intéresse. On s’est bien amusé, c’est d’ailleurs pour ça qu’il faut acheter les disques, les objets. Je suis super attaché à l’objet.

Il est sorti en vinyle ?

Oui bien sûr. Trois éditions de vinyles différentes.

Quelles évolutions vous constatez aujourd’hui entre 613 (votre précédent album) et Invisible ? Vous avez essayé de nouvelles pistes ?

Oui clairement. D’ailleurs je crois qu’à l’écoute du premier morceau ça saute aux yeux, enfin aux oreilles.
J’essaie de ne me mettre aucune barrière. De ne plus me poser la question de « comment est-ce que je vais faire ça en live » par exemple, de remettre ça à plus tard (d’ailleurs au final j’arrive à tout jouer en live, hormis le dernier morceau). Au niveau sonore, je me suis beaucoup plus amusé avec de vieux synthés. J’en ai achetés pas mal. J’ai un peu laissé de coté certains travaux de recherches sonores que je pouvais faire sur ordinateur pour laisser la part belle aux instruments qui existent avec leur propre personnalité.

Même s’il est assez varié, il y a des éléments de cohérence, des sons qui reviennent tout le temps. Je l’ai plus pensé en tant qu’album.

Aussi au niveau de la durée des morceaux, je n’ai pas voulu me restreindre. Il doit y avoir un ou deux morceaux qui font moins de cinq minutes, sinon le format de base doit être six minutes. J’exagère un peu, mais il y a des morceaux qui sont longs, des morceaux très longs. J’ai voulu me laisser complètement libre.

Pour moi, ce disque est vachement plus intime et vachement moins léger que le précédent.

Je vous qualifierais de peintre musical, est-ce que ça vous convient ?

On me dit souvent ça, on me parle souvent de l’image. Je commence à être un peu d’accord. Après je ne sais pas à quoi ça tient. Si c’est à l’écoute d’un disque, si c’est un peu différent …

Dans la construction des morceaux vous mettez plein de petites touches, comme des couleurs qui font au final une ambiance plus globale…

Sur l’instant ok, on peut comparer ça à la peinture. Mais sinon il y a une dimension dans la musique qui n’est pas du tout présente dans la peinture, c’est le temps. Et je suis vraiment très attaché à ça en terme de construction. C’est à dire au rapport dans le temps que peuvent avoir les parties d’un morceau avec son début, sa fin, et son milieu, ce que ça procure comme émotion. Je ne sais pas si on peut vraiment le comparer à la peinture, à quelque chose de visuel. Je dis souvent qu’on peut dans un morceau, dans l’espace de six ou sept minutes créer une nostalgie, des souvenirs, réexposer quelque chose sous une autre lumière. Passer par des ressentis différents d’un même matériau parce qu’il va être enrobé différemment, parce qu’il va être associé à d’autres, et ça, ça se passe dans le temps. Ce qu’on appelle la forme d’un morceau, elle se déploie dans le temps.

Sinon je suis aussi d’accord sur l’instant, dans le fait de mettre des touches de couleurs. C’est ce que je me suis permis un peu plus dans ce disque c’est de mettre des petits sons, des trucs que je ne peux pas faire en live, des petits arpeggiators de claviers qui vont être très lointains, des choses comme ça, des petites touches. Par exemple j’ai mis beaucoup plus de reverb, il y a plus d’espace, au niveau du mix et de la production du disque.

Quand vous créez un morceau qu’est ce qui vous guide ?

Ma principale contrainte, c’est de ne jamais faire deux fois le même morceau. C’est mon premier truc. C’est toujours essayer de trouver des trucs qui sont nouveaux et de trouver une idée qui justifie l’existence de ce morceau. Si c’est pour faire un truc qui ressemble vaguement à quelque chose que j’ai déjà fait, ou garder la même idée, ça ne m’intéresse pas.

Je bidouille, je travaille très longtemps sur des motifs et des petites idées. Je travaille vraiment comme avec un bloc notes j’essaie de tout associer, d’expérimenter comme un puzzle et de voir qu’est-ce qui va ensemble, qu’est-ce qui ne va pas.

Ou bien j’ai une idée dès le départ une espèce de concept qui va me guider et je pars là dedans. Ca a été complètement le cas par exemple pour le morceau qui s’appelle Cyclope & Othello. C’est un grand morceau en trois parties, dont une partie que j’avais déjà faite il y a longtemps qui s’enchaine avec une partie de guitare, cela devient presque un morceau de rock et l’idée était ensuite de rejouer ces parties de guitare qui sont arpégées mais par des arpeggiators et des vieux synthés, de transformer ce qui existait déjà en tant qu’écriture et de changer toute la matière sonore, de faire continuer le morceau mais avec un son complètement différent et une approche complètement différente. C’est ce qui m’avait vraiment guidé et ce qui rend ce morceau intéressant.

Sur le morceau (ndlr Vessel Arches) avec Gérald, j’ai des questions rythmiques qui sont proposées, il y a des superpositions de trucs à quatre temps et de trucs à six temps, qui m’intéressent vachement, et comment poser la voix là-dessus.

Autour des idées de champs et contre-champs. On fait un truc qui est au départ un contre-champ à l’aigüe, qui ensuite va devenir la basse du morceau, c’est l’idée de retourner complètement le morceau comme s’il y avait un axe de symétrie.

Ou alors le morceau avec Matt (ndlr Eliott), faire une rythmique qu’avec les pieds. Ce sont des enregistrements d’une amie et moi en train de marcher dans un fort la nuit et de garder l’acoustique de ce fort et de partir de ça.

L’album commence sur des sons que j’ai captés en Chine et que j’ai mélangés avec d’autres trucs… Il y a toujours une idée, une raison, sinon le morceau n’existe pas.

Merci


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