Magazine Chanson française

Le chiffre ne fait pas tout...

Publié le 15 avril 2012 par Melmont

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…Le chiffre ne fait pas tout :  C’est une évidence pour les habitués de ce blog d’affirmer. Mais le blog s’adresse à tout le monde. On ne peut qu’être consterné par les litanies de chiffres de ventes exhibés par Platine ou le site Charts in France. Dire qu’un album d’Amel Bent vendu à 20.000 exemplaire est un échec c’est se foutre de la gueule du monde, c’est un mépris pour 70  à 80 pour cent du monde la chanson/variété francophone. Dans ce cas la plupart des albums sont des échecs. Comme le disait une chanteuse en off : si je faisais ce chiffre là je serais contente.  

Quelle question peut se poser l’artiste qui vend peu : suis-je si nul alors ? Que lui répondre ? Que le chiffre ne fait pas tout. Sans se lancer non plus dans le ‘c’est uniquement la valeur qui compte’. Pour que la flamme d’un créateur vive, il faut aussi un écho, une écoute en face. Mais quand Platine sort ses chiffres comme ça, ça ne veut rien dire, strictement rien. Parce qu’il y a plusieurs fonctionnements. Par exemple, un chanteur auteur compositeur indépendant, qui se produit, touchera le ‘jackpot’ en vendant 20.000 exemplaires car il a moins de chances d’avoir des intermédiaires qui se servent (éditeur, distributeur, producteur etc). C’est plus délicat pour un simple interprète produit par une grosse maison de disque. Il doit vendre beaucoup. Ensuite il y a la vie de l’album. Sortir des chiffres c’est bien, rappeler que ces chiffres sont provisoires, c’est mieux. Sait-on que Jacques Bertin a vendu plus de 100.000 disques en 45 ans de carrière ? Un beau chiffre. Qui montre qu'un disque vit. Par lui-même. Par les médias. Par le bouche à oreille. Et par la scène…Ci-dessous, des chiffres, des points de vue, des impressions…nous remercions les artistes qui ont accepté de répondre à certaines questions, notamment celles portant sur les ventes…


Identité Nationale (les métèques)

 Tout est une question d'échelle, même au delà de la comparaison avec les moyens investis par un label : chacun compare avec ce qu'il a l'habitude de vendre, et 22000 albums seraient pour moi et d'autres un succès parce qu'on en vend moins à l'habitude, et pour d'autres un échec parce qu'ils ont vendu plus du précédent. Cela peut être aussi un succès pour un indépendant et un échec pour un album qu'on espérait "grand public".
Pour répondre plus personnellement, j'ai vendu en gros :
2000 ex de Coupe d'Immondes (album autoproduit et non distribué,1999)
4000 ex de Balade pour enfants louches (live, 2002, distribué)
4000 ex de A table (studio, 2005, distribué) et pour le moment autour de 2000 ex de La verVe et la Joie sorti il y a un an et (mal) distribué jusqu'en décembre (je viens de rompre mon contrat de distribution avec Mosaic depuis le putch qui a démis son dirigeant historique et la mise en redressement judiciaire qui a suivi), mais les ventes continuent à un rythme régulier, ce qui nous différencie aussi des ventes par "coups" sur de courtes périodes, escomptées par d'autres. Je sors dans quelques semaines le live correspondant, en cd+dvd, on verra bien ce qui part... Les ventes dépendent aussi beaucoup des concerts, pour nous, et la part magasins reste assez marginale pour beaucoup d'indépendants.

Nicolas Bacchus


tout

Faire des disques a un coût. Ecrire des chansons n'en a pas. Mais pendant qu'on fait ça on ne fait pas autre chose, en particulier gagner sa vie ! Faire connaître une oeuvre a aussi un coût, il est donc normal que les gens cherchent à rentabiliser un investissement en temps et/ou en argent, celui de développer la carrière de tel artiste. Après, c'est comme tout, on peut miser sur la durée ou sur le coup dans le style "ramasse l'oseille et tire-toi".

 Gilles Roucaute, 300 concerts…


Ann'so M : CLIP Je ne veux pas être celle feat Bertignac (officiel)

 Ca ne sert à rien de donner des chiffres nous n' avons pas les mêmes moyens mis à dispositions.

Ann’ So M, 140 concerts depuis 2007…


Chômeur : chanson de Clémence Savelli

 Ma vie artistique ne dépend bien évidemment pas de la vente des CDs, qui sont pour moi uniquement des supports servant à communiquer mon travail, et à le fixer pour un public certes restreint, mais qui est en demande. A mes débuts, j'ai donné beaucoup de concerts sans rien avoir à proposer à la fin des concerts. Mais les gens voulaient repartir avec l'album des chansons qu'ils venaient d'écouter. J'enregistre donc des albums dans cet optique là. C'est le cas de beaucoup d'artistes, d'autant plus depuis la crise du disque, où l'idée de vivre de la vente d'albums n'effleure même plus les esprits. Mais malheureusement je crois qu'une partie du grand public se base encore souvent sur ce type de repères de chiffre de ventes. Les gens ignorent souvent les nombreux facteurs en arrière-plan d'une réussite commerciale (facteurs qui n'ont rien à voir avec des critères artistiques). Il me serait difficile de vendre beaucoup d'albums alors que je suis en auto-production totale, que je n'ai pas les moyens suffisants pour communiquer (achat d'encarts pubs, affichage, etc) et que je n'ai pas toute une équipe derrière moi qui travaille à cela. Mon vrai métier, c'est la scène, et mon objectif, certes périlleux, c'est de vivre des concerts.

 Clémence Savelli, 150 concerts depuis 2006…


Cedric Barre - Il fait beau temps

Pour ma part, voici un peu comment se sont passées les choses... Un premier album autoproduit, "Ether" en 2003, pressé à 500 exemplaires, tout ou presque a été vendu ou diffusé... "La ronde" mon deuxième album s'est vendu à 2000 exemplaires, pas suffisant pour vivre de sa musique alors j'ai multiplié les collaborations, j'ai écris pour quelques artistes, réalisé des albums...En 2007, le single des Marguerites, au profit de la lutte contre la maladie d'Alzheimer, distribué par EMI s'est vendu entre 1500 et 2000 exemplaires, classant le cd à la 70è place des charts... Je n'ai jamais perdu d'argent quand j'ai investi dans mes disques, aujourd'hui, je possède un studio, j'ai monté mon label pour garder cette passion de la musique et j'accorde de l'importance à la qualité d'un projet, plus que sa capacité à vendre... Je refuse aujourd'hui de dématérialiser ma musique et de mettre mes titres sur itunes ou deezer, je milite pour le disque comme objet, avec un visuel, un livret. Je ne vois pas la musique comme quelque chose qu'on télécharge d'un clic, et l'acte d'acheter un cd, qui semble disparaître de plus en plus, m'intéresse davantage. Je ne suis pas contre le téléchargement (légal ou illégal d'ailleurs) mais, comme les amoureux du vinyle, l'objet est prépondérent.


   Cédric Barré, nouvel album sur  http://fr.ulule.com/donatien/

Luc Melmont


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