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Sensations politiques, vraiment, aujourd’hui plus clairement que jamais ?
Pourquoi y associer ce qui suit ?
(Est-ce de pouvoir qu’il s’agit chez Walser ? ou de la force secrète de l’ « en bas » ? ou de l’ambiguïté féroce de tout respect ?)
Une citation de Walser copiée (de L’institut Benjamenta, p. 110) il y a plus de vingt ans :
« Nous commandâmes encore de la bière et mon interlocuteur reprit : « Espère encore sans rien attendre. Regarde au-dessus de toi, bien sûr, car cela convient à ton âge. Tu es jeune, Jacob, honteusement jeune, mais aussi avoue-toi toujours que tu méprises ce vers quoi tu regardes avec tant de respect. Tu approuves encore ? Diable, quel auditeur compréhensif tu fais. Positivement, un arbre ployant sous les fruits de la compréhension. »
: je n’ai jamais écrit ni ne saurais écrire des phrases de cette liberté, de cette force
c’est une question de position (qu’on ne s’invente pas, qu’on ne peut se donner) dans la vie, dans le sentir-penser, la parole
on ne saurait s’arracher soi-même ... pour se livrer à un vide sifflant et ne se réinsérer que ... que pour...
donc : faire tomber le haut par la ruse de l’humilité ? décrocher subrepticement les plis de ce qui se voulait s’imposer magistral-majestueux ? faire s’effondrer ces représentations en lambeaux, en débris retentissants et en pans qui tombent en soulevant de la poussière ?
... et alors des éclairs de rire courent au ras du sol inévitable, et se libère une énergie sui generis
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... boire dehors, avidement, aux vols tranchants de transparences dans la ville
tournoiements de glaces et vitres et corps-visages s'appuyant sur l'air, pris à des images d'attente,
chairs redoublées moins de leurs reflets (dans des vitrines) que de leurs projections pauvres et délirantes
laper continument ces présences invisibles mais constamment devinables dont quiconque désire s’envelopper
les happer au vol sur le pont (à la fin du jour au-dessus de la Loire ... saules ...)
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... s’abreuver surtout, dans la rue, à ceux des visages qui sont entrevus émaner là où ils renoncent –
oui, alors, lécher les attentes sur eux – où là on sent qu’elles décrochent
mâcher les existences fripées en plaies ou
celles gaufrées brûlées de cicatrices
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Des « avec » devenus vitaux !
Avec Ibrahim, avec Linda, Kim, Pedram, Laura, Ousmane
tant de notes réelles – ou virtuelles et autrement actives (comme des scarifications dans la substance de la vie) – de plusieurs « avec »...
traces des « avec » qui furent hémorragiques...
il faudrait, il faudra, (pauvre formule) « y revenir » – jusqu’à la fin...
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« Et comme ça, je n’ai pas répondu à ton appel, je n’ai
pas frappé à ta porte ?... mais toi, toi m’as-tu appelé,
vraiment ?... et tu m’aurais ouvert la porte, vraiment ?...
Et tout le monde peut dire : je n’avais pas d’autre voie et là
j’ai rencontré qui j’ai pu !... »
De Signoribus
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... et le droit même
aux souvenirs d’enfance de «quelqu’un comme moi » est-il (doit-il rester) toujours susceptible de se révéler,
sous le coup de telle autre présence (brutalement interjetée)
douteux
– blessable,
soudain ensanglanté ?
Parlant lentement dans la cuisine,
il est arrivé que les sensations d’ « Ousmane » (telles qu’il n’a pu – se griffant aux mots, aux syllabes – que me les faire entre-sentir) s’insinuent,
à son insu,
dans le plus familier pour « quelqu’un d’ici » :
par l’instant (tel qu’il a essayé de me le dire) où,
après avoir été remis par la police à la gendarmerie
puis gardé quelques jours en centre de rétention,
il fut
jeté sur la route
– « allez vas-y » –
entre forêt et champs
le nom même de l’endroit
où se retrouva égaré,
sans rien :
Cercottes
ce nom
«Cercottes »
à odeur de lapin, de crottes de lapin,
ou à saveur de fruits d’églantiers (« grattecul »)
hiver gel cristallisé sur de petits fruits rouge-orangé ovoïdes
dans les buissons sans feuille
des épineux…
gouttes, de pluie ou sève, rougeâtres
est définitivement défiguré
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et lui, « Ousmane »
... marcher des kilomètres
se réfugier un moment, debout, dans une petite cabane
de cantonnier en béton (objet de rêveries d’enfance miennes)
au bord du fossé
route humide dans la forêt d’Orléans
(là où George Sand fillette avait vu, pendue à un arbre,
vêtements noirs claquant au vent, chevelure voltigeant,
une grande femme – une voleuse ?)
allez va, allez vas-y, allez dégage
suite 11/12 mercredi 18 avril 2012