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Vers une vraie politique culturelle ?

Publié le 18 avril 2012 par Xavierlaine081

Adresse à Jean-Luc Mélenchon, au lendemain de ma signature pour le succès de son entreprise.

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Je ne vois rien qui permettrait de s’imaginer là, tout de suite, des lendemains qui chantent.

La facture est trop lourde et le passif pesant.

Mais voilà que, subrepticement, un homme s’est avancé, a commencé à ouvrir les portes et les fenêtres, faisant entrer l’air dans l’atmosphère confinée où la chape de plomb d’un libéralisme sans complexe nous enfermait.

Alors, bien sûr, assez bizarrement, la foule a commencé à se lever et à envahir les places et les rues, puisque les portes étaient ouvertes, enfin.

Une majorité contenue dans son silence, rendue muette par les coups et les brimades, a, par la grâce de quelques mots, retrouvé le chemin de la parole.

Et comme ce chemin là est bien moins douloureux que l’autre, gageons qu’il sera désormais plus facile de parler du monde que nous voulons, mais que nous devrons arracher de vers, musiques, danses fermes à cet autre monde construit sur l’arrogance et le cynisme.

Comme combien d’autres,  j’avais lu un programme avec lequel j’entrais en résonance, non sur tous les points,  mais sur les questions essentielles. Et je m’étais juré de crier ma déception de n’y trouver la culture qu’en ses dernières pages, alors qu’elle devrait être au centre.

Et d’abord, nous devrions nous poser la question de la nature de cette culture, après des décennies d’un élitisme privatif,  et d’un assujettissement à des normes culturelles réduisant le problème à son spectacle.

Or,  il se trouve que même dans l’adversité la plus sordide, les humains que nous sommes se fabriquent une culture, qui n’est certes pas celle qui brille sur des écrans capturant nos cervelles en les faisant dériver vers des objectifs consuméristes, mais culture quand même. Lisons ensemble et faisons lire cette littérature, née dans les camps de la honte nazie, et percevons le message que ces hommes et ces femmes, parvenus au bout de la pire inhumanité, nous transmettent : contrairement à ce qui fut répandu dans une vanité de l’esprit, et trop longtemps, il est possible d’écrire encore après Auschwitz, il est même nécessaire de le faire dès lors qu’une partie d’entre nous dorment dans des rues et, à genoux, tendent leurs mains tremblantes, nous suppliant d’y déposer un pièce qui ne sera qu’un pis-aller, dans un monde dont la vocation est de les broyer sans un sursaut de remord.

Notre rôle d’intellectuels, d’écrivains, d’humain qui ne sait rien faire d’autre que créer, serait alors non pas d’asséner notre parole comme vérité établie, une fois pour toute, à un peuple réduit à l’esclavage du « travailler ou crever toujours plus », spectateur d’une culture qui se fait ailleurs, mais bien d’apprendre à écouter et entendre cette soif culturelle qui est inhérente à notre humanité, d’autant plus que celle-ci est niée.

J’ai entendu un homme déclamer des poèmes du haut de sa tribune, et me suis dit que celui-là, qui ose dire tout haut des paroles insoumises, ne pouvait être foncièrement mauvais, puisqu’il avait mis son pied dans la porte entrebâillée afin qu’elle ne se referme pas. Et je me suis mis, sans autre état d’âme, à le soutenir, avec la ferme idée que c’était ma propre création, et la fin de la relégation d’une culture vivante que je soutenais ainsi.

Mais ce n’est qu’un début, et rien ne saura être réglé si nous ne nous engageons dans la durée, et celle-là ne peut être qu’un travail de longue haleine et patience. Notre place sera aux côtés de ceux qui paient le prix fort de leur sacrifice sur des autels de profits honteux, ou il faudra nous faire à l’idée que nous aurons écrit pour rien, puisque, dans son immense souffrance, le peuple dont nous faisons partie, ne se reconnaissant pas dans nos mots, prendra la décision inéluctable de nous tourner le dos.

Ainsi, par la porte entrebâillée, nous ne voyons pas le bout du chemin mais seulement son point de départ, et la montagne de nos pensées à mettre en chantier, pour avancer vers une culture qui soit le pilier d’une renaissance, est escarpée.

Nous avons commencé à la gravir dans l’ombre d’un temps qui ne savait plus rien entendre, alors, peut-être, saurons-nous utiliser le rayon de lumière offert pour être à notre juste place et contribuer, avec tous ceux qui luttent déjà, et les autres qui entreront immanquablement dans l’action demain, pour avancer sur ce sentier aride et dur.

Je suis allé chercher, sur ma table de nuit, les poèmes que Uri Orlev avait écris, à Bergen-Belsen, en 1944, dans sa treizième année. Mes yeux s’accrochent à ses mots :

« Vous dont les âmes sont en deuil,

Sachez que le destin de tout orage est de se calmer

Et que très vite le soleil revient toujours briller.

Dans les rayons de la joie notre âme brillera

Et quand de la douleur la lumière du soleil nous guérira,

Alors, sûrement, bien mieux on se sentira. »[1]

Il nous reste à garder la porte ouverte, pour que le soleil contribue à notre guérison.

Manosque, 18 avril 2012

Xavier Lainé


[1] Uri Orlev, Poèmes écrits à Bergen-Belsen en 1944 en sa treizième année, éditions de l’éclat, 2011


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