Le XIXème siècle fut sans doute une période riche en inventions. Les travaux de Georges Didi-Huberman, de Jonathan Crary et de Friedrich Kittler essayent de montrer, selon des axes différents, combien cette période fut importante pour le développement de notre imaginaire.
Sans doute ce que fit Charcot à la Salpêtrière, photographiant et mettant en scène des hystériques tentant elles-mêmes de répondre à une attente, fut un acte décisif dans ce qui allait brouiller de plus en plus la distinction entre le prétendu réel et la fiction. Dans la formation de ces images même, dans la relation qu’elles mettaient en place entre l’objectif de l’appareil et le sujet photographié, il y avait du fantasme, non pas simplement l’enregistrement d’une lumière donnée mais tout un dispositif, l’invention d’une relation.
Ne peut-on pas alors éclairer certaines pratiques contemporaines, par exemple celles s’étant intéressés depuis une quinzaine d’années au cinéma ou par la performance filmée s’intéressant à la répétition dépressive des gestes, par cet autre dispositif de l’enregistrement photographique des hystériques? Est-il possible d’élaborer une articulation entre ces dispositifs artistiques et ces recherches scientifiques? N’est-ce pas dans ces dernières que s’inventent d’une certaine manière le brouillage entre réel et fiction par un feedback performatif (le photographe attend une réponse que l’hystérique imagine à son tour et lui donne en lui répondant…). Ce feedback est une certaine manière de produire des images et de les faire circuler dans la sensibilité: qu’est-ce que je perçois au juste en voyant cette invention moi-même me reinventant cette image?
Comment nous vient une image dans cette circulation entre l’objet photographiant et le sujet photographié? Ne peut-on pas relier cela à la production contemporaine de certaines images numériques qui sont du langage (”comme” le fantasme), qui sont du code (”comme” le fantasme)?