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Rhymesayers, label de qualité

Publié le 22 avril 2012 par Unionstreet

Rhymesayers, label de qualité

C’est en 1995 que l’industrie du hip-hop ouvre ses portes à Rhymesayers et dans une outre mesure à Minneapolis, Minnesota. Ce label est alors fondé par une bande de 4 louveteaux affamés, Slug et Ant (qui forment le duo Atmosphere), Siddiq Sayers et Musab.

Le label est implanté dans un quasi no-man’s land du hip-hop, il y trouve quelques inconvénients à ses débuts mais finit par se développer aisément dès les 2000’s en s’appuyant sur ses quelques forces majeures. Un manque de visibilité notoire fera défaut au label dès ses premiers faits d’armes, dans le trou du cul du midwest difficile de se faire entendre par ses paires sur les côtes. Néanmoins le label se construit gentiment et propose pour la première fois dans les 90’s une plateforme de lancement à bon nombre d’artistes de la région, pour peu que ces derniers soient capable d’apporter un plus et sachent se démarquer, en effet, il n’est pas question pour les têtes pensantes de Rhymesayers de délivrer une substance pauvre et orientée vers une masse globale, nous en venons donc à parler du caractère de ce label en marge, bien loin des lignes directrices offertes par la concurrence.

Rhymesayers, label de qualité

Parlons-en, de l’identité artistique qui plane au-dessus de ces « diseurs de rimes », ou plutôt laissons l’un des principaux instigateurs donner sa vision du tremplin qu’est Rhymesayers : « Here you have a core group of motherfuckers who banded together to do something out of nothing with no help, no outside funds and we created simply for the love and art of it ». Le message est simple, il n’est pas question d’aller manger dans la main de la concurrence, le label sort de nulle part et progressera dans une industrie en pleine expansion avec les moyens du bord, les mecs ont faim, les mecs veulent être entendus et comptent bien élever leur artisanat à un tout autre niveau. A eux de mettre les moyens en œuvre, début d’une aventure en famille.

Loin des clivages, Rhymesayers décide d’apporter une musique brute à l’instrumentalisation démarquée, la patte d’Ant n’y est pas pour rien, il instaure une atmosphère (sans mauvais jeu de mots) musicale lourde et pesante à l’aide de grosses lignes de bass, de kicks et drums proéminents, auxquels viennent se superposer des nappes sonores plus délicates, des boucles de guitare ou de lyre. On sentira un bémol dans l’accès pas évident à un univers sans conventions et plus que décalé. Chez eux on revendique, on s’égosille, on fredonne, implicitement on harangue, toujours dans la juste mesure, la bonne démarche est adoptée sans être trop calculée, qu’on aime ou qu’on n’aime pas force est de reconnaître la qualité.

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D’un point de vue plus large, sans s’en tenir au simple plan musical, on ne s’écarte pas des sujets consensuels traités dans des espaces plus communs que seraient New-York ou Los Angeles. A Minneapolis les problèmes sociaux sont omniprésents, dès le début des 90’s une vague de violence s’instaure, en 1995 la ville sera nommée « Murderapolis », alors que son taux de criminalité vient de dépasser celui de New-York. On peut également trouver-là une raison à la naissance de ce label, en plus de vouloir poser le Minnesota sur la carte du hip-hop, on ressent cette volonté de revendication et cette nécessité d’exposition, l’air de dire « chez nous aussi la vie est rude, on va vous montrer comment les choses se passent ici ».

Une écoute du premier release du label suffira à éclaircir tout ce charabia, enregistré en 1993, c’est en 1995 que paraîtra sous un format tape (cassette) le « Headshots – Vol.1 – WBBOY Sessions » de Atmosphere, la « track 2 » reflète au mieux l’orientation de l’époque.

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Parallèlement, alors que l’enseigne s’est développée au cœur du Minnesota, elle étend son influence sur toute la scène indépendante des Etats-Unis. Le tournant des 2000’s y est pour beaucoup, Rhymesayers déploie des armes redoutables en projetant un hip-hop classique et expérimental. Son nom est intégré dans divers horizons lui conférant un angle d’attaque considérable. Le label atteint son apogée, les bonnes galettes s’enchaînent, on peut compter parmi elles le culte « Seven’s Travel » d’Atmosphère (2003) ou le sublime et déstructuré « Things Go Better With RJ & AL » de Soul Position (2006), même MF Doom contribuera à cette déferlante en signant un projet instrumental de haut vol avec « MM…Food » (2004).

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En 2007 le label signe un deal en sous-contrat avec le Warner’s Independant Label Group l’habilitant à garder son statut d’indépendant, cela lui permettra de couvrir des horizons plus vastes et de bénéficier d’une meilleure promotion tout en gardant une liberté artistique des plus larges. Ceci étant, des artistes que l’on n’attendait pas spécialement sur cette plateforme s’immiscent dans le roster, Freeway s’acoquine avec Jake One pour nous offrir un « Stimulus Package » (2010) qui réhaussera la carrière du barbu, Brother Ali sort enfin un album le menant à un succès commercial après 7 ans passé dans l’écurie avec « The Undisputed Truth » (2007), plus tardivement c’est le Dilated People Evidence qui viendra offrir un superbe solo avec « Cats & Dogs » (2011), enfin Aesop Rock se joint à Rob Sonic et DJ Big Wiz au sein de la formation Hail Mary Mallon pour un « Are You Gonna Eat That ? » désaxé.

Rhymesayers, label de qualité

La nouvel garde de Rhymesayers n’a rien à envier. I Self Devine qui cravache dans l’ombre depuis des piges ne connaît qu’un récent succès, cette année « Reports From The Field : In The Trenches » l’a propulsé à un rang supérieur, la consistance et l’engagement paient, on l’attend d’ores et déjà en mai avec un nouvel album « The Sound Of The Low Class Amerika », enfin le jeune et prometteur Grieves a découvert les joie d’un succès commercial l’an dernier avec « Together/Apart », aboutissement du périple dans les méandres de l’industrie de ce jeune garçon de Seattle.

Rhymesayers, label de qualité

Pour ceux qui auraient encore des doutes quant à la légitimité de certains artistes du label, je vous conseille vivement de lire ce que nous racontait Brother Ali lorsque « The Undisputed Truth » arrivait dans les bacs en 2007 :

“Qu’est-ce qu’on éprouve lorsqu’on se détache d’un mariage de 10 ans et d’un fils de 6 ans qui est toute ta vie? Quels sentiments cela provoque de le regarder dans les yeux et de lui expliquer que tu es en train de briser son foyer ? Avec ma musique, le son de ma voix et la manière de décrire de telles situations, de telles émotions, cela doit te permettre de te sentir dans mes chaussures à ce moment précis. C’est ça La Vérité indiscutable”.


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