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M Le Maudit

Publié le 25 avril 2012 par Olivier Walmacq

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Genre : Thriller, Film noir, Drame

Année : 1931

Durée : 1h45

L’histoire : Dans une ville d’Allemagne en 1930, la terreur plane dans les quartiers. Un tueur d’enfants rôde et frappe sans pitié. La police tente sans succès d’arrêter cette série de meurtres et fait des descentes régulières dans les quartiers, ce qui n’est pas du goût de la pègre locale. Cette dernière craint que la police finisse par mettre son nez dans ses affaires douteuses, alors que les habitants sont de plus en plus inquiets. C’est pourquoi les gangsters décident de capturer le psychopathe et pour cela ils vont faire appel à tous les habitants du quartier.

La critique de Vince12 :

Attention chef d’œuvre sacré ! M le Maudit, soit l’un des films les plus cultes du génial Fritz Lang. Ce réalisateur Allemand avait déjà épaté la galerie avec ses œuvres muettes. Comment ne pas citer le superbe Metropolis ?
Mais en 1931, Lang réalise son premier film parlant à savoir M le maudit. Le film réunit entre autres des acteurs comme Peter Lorre, Otto Wernicke, Ellen Widmann et Gustaf Gründgens. Le film s’inspire de l’histoire vraie de Kürten « le Vampire de Düsseldorf ».

Attention SPOILERS !

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Nous sommes en Allemagne dans les années 1930 et la jeune population est décimée par un tueur en série, La mafia du quartier n’apprécie pas de voir la police faire son enquête sur son territoire, craignant que ses affaires soient découvertes.
Une seule solution : capturer le tueur ! Pour cela, les gangsters comptent sur l’aide des habitants, inquiets et qui sont impatients de voir le tueur hors d’état de nuire. Pour cela, même les clochards, les mendiants et les infirmes (vrais ou faux) seront mobilisés.

Déjà, ce programme a le mérite de nous accrocher par cette traque au psychopathe. Lang fait monter habilement le suspense pour nous faire petit à petit découvrir le personnage du tueur. Un homme mystérieux, au début on aperçoit seulement son ombre mais plus le film avance, plus Lang va nous placer dans la peau du meurtrier.
A ce titre, M le maudit est le premier film (ou l’un des premiers) a placer le spectateur dans la peau d’un psychopathe, ce qui donne au film toute son originalité. Ce procédé aura beaucoup de répercussions, notamment sur le Voyeur de Michael Powell bien des années plus tard.

Au niveau de la mise en scène, le film se révèle tout à fait novateur pour l’époque. Lang invente déjà les codes du film noir et du thriller.
La mise en scène de M le Maudit influencera énormément Alfred Hitchcock. De plus Lang sait particulièrement tirer profit du noir et blanc.

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Mais si M le maudit se distingue par sa mise en scène, c’est aussi son fond qui lui confère toute sa force. Au bout d’un moment le tueur se trahi car il siffle toujours le même air avant de tuer une victime.
Un pauvre vendeur de ballon aveugle parvient alors à l’identifier et le fait marquer d’un M dans le dos de son manteau.
Le meurtrier comprend qu’il est repéré et tente de s’enfuir. Mais, après une longue partie de « cache, cache », les gangsters parviennent à le capturer.
Ils rassemblent alors les habitants dans une salle et décident de juger le criminel dans un procès qui ressemble davantage à un lynchage.
Le tueur tente de se défendre prétextant qu’il est poussé par une force irrésistible. Mais, malgré cela et la défense de son « avocat », il ne parvient pas à convaincre ses juges bien décidés à le tuer.

Avec cette scène Lang nous plonge dans un débat profond. Etant donné le contexte du film, beaucoup ont vu dans M le Maudit une dénonciation de la montée du nazisme, c’est notamment le cas de l’historien Marc Ferro (d’ailleurs, à l’époque les nazis, se sentant visés, tenteront de faire interdire le film).

Cependant c’est en partie vrai, certes on peut voir dans cette scène de lynchage le portrait d’une foule prête à s’embarquer dans les idéologies les plus sombres, comme le fera le peuple allemand avec le nazisme.
Mais surtout, tout au long du film, les méthodes de la police peuvent évoquer cette montée du NSDAP. On pourrait en effet citer plusieurs éléments sur cette analyse. Pourtant M le Maudit n’est sans doute pas une dénonciation du nazisme comme a pu l’être Le Testament du Docteur Mabuse du même Fritz Lang.

M le maudit va beaucoup plus loin, Lang nous propose avant tout une réflexion sur le crime. Le réalisateur reprend ici ses sujets de prédilections : Le lynchage et la face sombre de l’homme. Au final, on se demande quel est le pire entre le criminel qui tue en réaction à une pulsion maladive et les juges qui lynchent en se cachant derrière l’ordre moral alors qu'en réalité, ce sont t leurs intérêts et leurs affaires qui sont en jeu.
Quant à la foule est elle prête à lyncher pour la vengeance ? Elle donne plutôt l’impression d’être entraînée, pourquoi ?
Peut-être parce qu’elle réagit elle aussi à une pulsion irrésistible. Lang crée donc un lien entre le meurtrier et ses juges et brouille notre esprit.
Paradoxalement, le tueur d’enfant apparaît comme le personnage le plus humain du film car il est le seul conscient du mal qui l’habite.
Y a-t-il un crime pire entre un meurtre d’enfant et un lynchage ? Entre un meurtre conduit par une pulsion et un meurtre dirigé par l’appât du gain ?
C’est sur cela que Lang veut nous faire réfléchir avant tout.

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Au final la police interviendra à temps pour empêcher le lynchage. Le tueur est alors traduit en justice. Alors que sur la dernière image du film, une femme clame que cela ne lui rendra pas son enfant.

 Lang traite donc avec beaucoup d’intelligence des sujets qui se retrouveront dans toute son œuvre : le lynchage, la vengeance, la bestialité de l’homme, la violence dans notre société la justice et le crime.
Plus tard, le débat philosophique de M le maudit trouve des échos dans des œuvres comme Orange Mécanique ou Délivrance.
On sous-estime parfois l’influence d’un tel film qui a été le premier à aborder avec autant de force ces sujets.

Peter Lorre est absolument exceptionnel dans le rôle du meurtrier et livre une prestation démoniaque. Une fois encore la mise en scène de Lang est exceptionnelle et mériterait une analyse poussée tant le réalisateur joue avec la lumière et certains effets. A l’image du film, la mise en scène est construite comme un piège qui se referme peu à peu sur le maudit.

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Au final M le maudit surprend aussi par l’étendue de ses thématiques. Le film traitant de la montée du nazisme de questions philosophiques mais il reste également un témoignage sombre et réaliste sur le contexte social de l’Allemagne de cette époque.

Un monument du cinéma et peut être le meilleur de Fritz Lang. Personnellement je le considère comme supérieur au légendaire Metropolis.
Un chef d’œuvre absolue archétype du film noir et que tout cinéphile se doit d’avoir vu.  

Note : 20/20

 

M, 1931, Fritz Lang, Trailer


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