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Découverte au Sunset: le trio de Raphaël Reiter

Publié le 27 avril 2012 par Assurbanipal

Hommage à Bob Brookmeyer par le trio de Raphaël Reiter

Paris. Le Sunset.

Mercredi 25 avril 2012. 20h30.

Raphaël Reiter : trombone à pistons, voix

Noë Macary : piano

Lennart Heyndels : contrebasse 

Le pianiste commence seul dans le grave. La contrebasse fait écho sous l’archet. C’est une ballade. Le trombone commence à barrir doucement. Je remarque que le trombone à pistons a un pavillon plus large que le trombone à coulisses. Le son est plus chaud, plus grave. Ce jeune homme (il est né à Nice en 1987. Si ce n’est déjà fait, il faudrait faire une thèse sur Nice et le Jazz) sait jouer. Il maîtrise son instrument. Lennart Heyndels est aussi bon que dans mon souvenir, c'est-à-dire excellent. Le contrebassiste a lâché l’archet. Il pince fermement les cordes. Cela devient envoûtant, pas entêtant car ils savent varier. Raphaël danse avec son trombone. Il le rend souple, vivant. Rythmiquement, l’absence de batteur ne se fait pas sentir.

Le premier set est consacré aux compositions du trio. Ils jouent maintenant « Braquemard » (Noë Macary). Ca commence doucement, tout de suite captivant. Ca vole haut, très haut. Malgré le titre, la musique est angélique. Le trombone arrive. Nom de Zeus, comme il sonne ! Ce gaillard a de l’avenir. Il pourra habiller d’or et de velours des chansons avec ou sans paroles. Si on ne se l’arrache pas très vite, c’est que le monde est sourd. C’est simple, poignant, puissant. Ca s’anime, s’active, swingue. Le piano sonne un peu bastringue mais c’est la faute du piano, pas du pianiste.

Le pianiste commence un standard. « Embraceable You ». Raphaël chante. Ce n’est pas Chet Baker mais c’est charmant. Comme Chet, son chant se tient le long du fil ténu entre le chant et le murmure. Il reprend le thème au trombone : là, ça sonne plus viril mais toujours chaud. La contrebasse marque placidement le tempo alors que le piano marche tranquille. Retour au chant pour le final.

« Mémoire d’une dégénération », une chanson de campagne électorale certainement. C’est une ballade un peu inquiétante. Le trio démarre groupé. Solo boisé de contrebasse avec le piano qui tourne au second plan. C’est tranquille comme la mer par temps calme. Des vagues douces viennent s’étaler paresseusement sur la grève. Ce trio a du talent à vendre. J’achète.

Le tromboniste commence seul, vif, précis. Contrebasse et piano ponctuent par petits coups vifs, secs. Ca balance terrible. Ajoutez quelques machines par-dessus et ça devient un choc pour piste de danse. Le trombone en tête, les deux autres le poussent. Justement, le pianiste prend la main. Ca virevolte. Ca se termine tout en douceur, dans un dernier tchic tchac de contrebasse.

« Otarie recousue ». Nostalgie d’une peluche d’enfance ? Le contrebassiste commence à l’archet. Le pianiste joue gravement, doucement. C’est nostalgique comme un souvenir d’enfance justement. C’est une très belle ballade dans la lignée d’Henri Texier, figure tutélaire du Jazz français. Le genre de mélodie si évidemment belle qu’elle ne vous lâche plus. Le trombone chante comme une otarie échouée. Impressionnant.

« Un toit et quelque » (Raphaël Reiter). La musique tournoie dans l’air. Petite influence balkanique mais ça ne sent pas la copie. Ca devient enflammé, passionné mais toujours coordonné. Le trombone barrit joyeusement puis le thème revient en sourdine.

PAUSE

Il y eut un deuxième puis un troisième set. Je n’en parlerai pas car je n’y étais pas. Mademoiselle F et moi nous sommes régalés en découvrant ce trio dont nous n’avions jamais entendu une seule note avant ce concert. Notre instinct fut bon. Le marchant de sable était passé et il y avait école le lendemain. Je suivrai Raphaël Reiter avec son trio ou d’autres formations. Depuis que Bob Brookmeyer (1929-2011) nous a quittés, le flambeau du trombone à pistons devait être repris. C’est ce que ce jeune musicien français est en train de faire. Longue vie à lui !

Ci-dessous, Bob Brookmeyer dans le trio de Jimmy Giuffre (saxophone ténor) avec Jim Hall (guitare électrique). Ils jouent " The Train and The River " au Newport Jazz Festival de 1958. Extrait du film " Jazz on a summer's day ". Souhaitons la même joie et la même créativité au trio de Raphaël Reiter.

 

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