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Eloge de la critique (et critique de l'éloge)

Par Irreguliere

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Le bon critique est celui qui raconte les aventures de son âme au milieu des chefs-d'oeuvre.

Il n'y a pas plus de critique objective qu'il n'y a d'art objectif, et tous ceux qui se flattent de mettre autre chose qu'eux-mêmes dans leur oeuvre sont dupes de la plus fallacieuse illusion. La vérité est qu'on ne sort jamais de soi même. (Anatole France)

J'avais repéré cet ouvrage l'autre jour dans une revue (mais laquelle ?) et je me suis empressée de l'acheter dès que j'en ai eu l'occasion, tant j'étais curieuse de le découvrir cette anthologie de la critique littéraire et artistique.

Il y a autant de conceptions de la critique qu'il y a de critiques et d'artistes. Telle pourrait être, finalement, la leçon de cet ouvrage. Après un avant-propos historique et théorique, l'auteur nous propose une petite promenade chronologique dans les textes : de Diderot à Michel Boujut en passant par Goethe, Gautier, Baudelaire, Flaubert, Mirbeau, Léautaud ou Barthes, auteurs et critiques (parfois les deux), ils se succèdent pour nous dévoiler leur conception de la critique (quand ce n'est pas pour condamner son inutilité), et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont souvent des opinions radicalement divergentes, de celui qui veut une critique totalement objective et dénuée de passion à celui qui, comme Anatole France, ne conçoit qu'une critique personnelle.

Je me suis bien évidemment régalée de cette petite anthologie fort instructive, et drôle à l'occasion. Le choix des textes est intéressant, évidemment il aurait pu y en avoir bien plus que l'on ne s'en serait pas lassé. Mais l'essentiel est là et je crois que pour tous ceux qui ont vocation à réfléchir sur l'art et la littérature, c'est une bonne entrée en matière, même si je regrette que l'auteur n'ait pas suffisamment posé dès le départ la différence entre critique "journalistique" et critique "universitaire" : avec Barthes par exemple, il me semble que l'on est à la croisée des chemins, mais ce n'est pas très clair. Ceci dit, ce n'est pas très grave. Il y a pire...

Oui, je vais quand même terminer par une note négative, mais sous forme plus ou moins de parenthèse car ça n'enlève rien à la qualité de l'ouvrage : je trouve plus que regrettable que l'auteure se soit sentie obligée, sans doute par conformisme de snob intellectuel, d'égratigner les blogs au détour d'une phrase aussi lapidaire qu'assassine : "chacun peut exprimer ses opinions sur tout dans des "blogs" dont le langage est tout sauf recherché, et souvent influencé par le consensus médiatique". Au moins eût-il fallu argumenter sur la question, ce qui n'est pas fait et c'est bien dommage car ce petit coup de canine plombe dès le départ un petit ouvrage qui vaut beaucoup mieux qu'une critique non-argumentée et à l'emporte-pièce comme celle-là, où l'auteure montre qu'elle n'a suivi que de très loin les leçons proposées par les grands noms qu'elle a assemblés et choisis. Mettre tous les blogs dans le même sac comme elle le fait est une manifestation de la bêtise la plus profonde et de la méconnaissance grave de ce qu'est internet et de ce que sont les blogs : il en existe des milliers, d'une diversité étonnante à tous points de vue, on ne peut donc pas émettre de jugement général comme le fait cette dame. Et puis, c'est d'autant plus déplorable que dans son avant-propos historique, l'auteure montre que la critique est un art vivant, qui évolue au cours du temps : je me demande alors pourquoi elle lui refuse une nouvelle évolution ? Personnellement, je suis absolument convaincue que des gens comme Diderot et Voltaire auraient adoré les blogs, et qu'ils en auraient même eu un. Évidemment, mon intuition est invérifiable et on ne saura jamais ce que nos grands hommes du passé auraient fait avec internet, mais au moins, cette inconnue nous pousse à l'humilité dont j'aurais souhaité que Mme Razgonnikoff fasse preuve : soit elle argumente en montrant qu'elle a réellement étudié avec soin la question des blogs et que son opinion se fonde sur une véritable connaissance, soit elle ne dit rien parce que franchement sa phrase n'est absolument pas indispensable à son ouvrage, au contraire.

Eloge de la critique

Textes choisis et présentés par Jacqueline RAZGONNIKOFF

Artlys, 2011


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