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Dans les forêts de Sibérie de Sylvain TESSON

Par Lecturissime

 

dans les forets de sibérie

 

 

♥ ♥ ♥

 

« La forêt resserre ce que la ville disperse. » (p. 43)

 

L’auteur :

 Écrivain, journaliste et grand voyageur, Sylvain Tesson est né en 1972. Après un tour du monde à vélo, il se passionne pour l'Asie centrale, qu'il parcourt inlassablement depuis 1997. Il s'est fait connaître en 2004 avec un remarquable récit de voyage, L'Axe du loup (Robert Laffont). De lui, les Éditions Gallimard ont déjà publié Une vie à coucher dehors (2009) et, avec Thomas Goisque et Bertrand de Miollis, Haute tension (2009). (Présentation de l’éditeur)

L’histoire :

  Assez tôt, j'ai compris que je n'allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m'installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie.
  J'ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal.
  Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j'ai tâché d'être heureux.
  Je crois y être parvenu.
  Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à la vie.
  Et si la liberté consistait à posséder le temps ?
  Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures ?
  Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu. (Quatrième de couverture)

Ce que j’ai aimé :

L'expérience que tente l'auteur est fascinante et tout un chacun happé dans une vie urbaine envahissante a sans doute rêvé à un moment ou un autre de se retirer loin du monde pour méditer et faire connaissance avec soi-même...

 

« Il fait -33°. Le camion s’est fondu à la brume. Le silence descend du ciel sous la forme de petits copeaux blancs. Etre seul, c’est entendre le silence. Une rafale. Le grésil brouille la vue. Je pousse un hurlement. J’écarte les bras, tends mon visage au vide glacé et rentre au chaud.

J’ai atteint le débarcadère de ma vie.

Je vais enfin savoir si j’ai une vie intérieure. » (p. 36)

 

L'auteur insiste sur la fulgurance de l'expérience qui atteint une intensité libératrice inimaginable :

 

« J’ai avalé presque tout Jack London, Grey Owl, Aldo Leopold, Fenimore Cooper et une quantité de récits de l’école du Nature Writing américain. Je n’ai jamais ressenti à la lecture d’une seule de ces pages le dixième de l’émotion que j’éprouve devant ces rivages. Je continuerai pourtant à lire, à écrire. » (p. 55)

 

Ses journées se trouvent tout à coup vidées du temps, ce qui lui permet de fonder un autre espace-temps : il redécouvre le monde et le réinvente.

 

« Moi qui sautais au cou de chaque seconde pour lui faire rendre gorge et en extraire le suc, j’apprends la contemplation. Le meilleur moyen pour se convertir au calme monastique est de s’y trouver contraint. S’asseoir devant la fenêtre le thé à la main, laisser infuser les heures, offrir au paysage de décliner ses nuances, ne plus penser à rien et soudain saisir l’idée qui passe, la jeter sur le carnet de notes. Usage de la fenêtre : inviter la beauté à entrer et laisser l’inspiration sortir. » (p. 43)

 

  

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« L’homme libre possède le temps. L’homme qui maîtrise l’espace est simplement puissant. En ville, les minutes, les heures, les années nous échappent. Elles coulent de la plaie du temps blessé. Dans la cabane, le temps se calme. Il se couche à vos pieds en vieux chien gentil et, soudain, on en sait même plus qu’il est là. Je suis libre parce que mes jours le sont. » (p. 72)

 

Loin de lasser le spectateur passif de l'isolement du narrateur, le ton de son récit teinté d'humour réhausse encore les qualités de son texte :

 

« « Moins on parle et plus on vivra vieux. » dit Youri. Je ne sais pourquoi mais je pense soudain à Jean-François Copé. Lui dire qu’il est en danger. » (p. 71)

 

 

De plus, Sylvain Tesson n'est jamais isolé très longtemps : il reçoit de nombreuses visites des autochtones, et surtout il est entouré des auteurs à qui il a proposé le voyage, des philosophes, des aventuriers comme lui, des poètes, des hommes -principalement- qui ont nourri des réflexions sur la solitude, sur la vie avec les autres, sur le monde et notre raison d'être à travers lui...

Dans les forêts de Sibérie est un récit passionnant  nourri de réflexions qui permettent d'éclairer la nuit de ceux qui perdent progressivement le rapport au monde...

Ce que j’ai moins aimé :

La fin marque le retour à la civilisation mais nous n'avons aucune indication sur la façon dont se passe ce retour... Qu'a-t-il tiré de son expérience, cela a-t-il changé sa façon de vivre en ville, l'homme peut-il profiter du temps qui passe et de la beauté du monde même s'il est englué dans le quotidien d'une vie trépidante... Autant de questions auxquelles le lecteur aimerait avoir des réponses... Peut-être est-ce prévu dans un prochain tome ?

 

Premières phrases :

« Je m’étais promis avant mes quarante ans de vivre en ermite au fond des bois.

Je me suis installé pendant six mois dans une cabane sibérienne sur les rives du lac Baïkal, à la pointe du cap des Cèdres du Nord. Un village à cent vingt kilomètres, pas de voisins, pas de routes d’accès, parfois, une visite. L’hiver, des températures de -30°C, des ours sur les berges. Bref, le paradis. »

Vous aimerez aussi :

 

Du même auteur : Une vie à coucher dehors de Sylvain TESSON

Autre : Indian creek : un hiver au coeur des Rocheuses de Pete FROMM

 

 

D’autres avis :

  

Blogs : Papillon , Mango , Violette

Presse :L’Express , Télérama

 

« L'homme face à la nature… Un livre beau, sobre et dépouillé d'emphase. »
Dominique Fernandez, Le Nouvel Observateur

 

« Une expérience radicale, un texte magnifique. »
Christophe Ono-Dit-Biot, Le Point

 

« Peut-être le plus brillant de nos écrivains voyageurs. »
Jérôme Dupuis, L'Express

 

« Sylvain Tesson avance pour savoir ce qu'il a dans le ventre. »
Marie-Laure Delorme, Le Journal du Dimanche

 

« Un livre magnétique. »
Florent Georgesco, Le Monde

 

« Des sensations inédites, un récit précis et poétique. »
Pauline Delassus, Paris Match

Dans les forêts de Sibérie, Février-Juillet 2010, Sylvain Tesson, Gallimard, septembre 2011, 288 p., 17,90 euros

 

sylvain-tesson

 

Quelques uns des livres que l'auteur emporte avec lui dans sa cabane :

  

La Ferme africaine, Karen Blixen Noces, Camus La chute, Camus De sang-froid, Truman Capote Histoire de ma vie, Casanova Eva, James Hadley Chase Au cœur du monde, Cendrars

 Vie de Rancé, Chateaubriand

Romans de la Table ronde, Chrétien de Troyes  Typhon, Conrad Le poète, Michael Connelly L’Amant de Lady Chatterley, D.H.Lawrence Gilles, Drieu la Rochelle Robinson Crusoé, Daniel Defoe Un taxi mauve, Déon
Le Mythe de l'éternel retour, Mircea Eliade American Psycho, B.E.Ellis Lune sanglante, James Ellroy Un théâtre qui marche, Philippe Fenwick

Indian Creek, Pete Fromm

La Promesse de l’aube, Romain Gary

 Le Chant du monde, Giono Elegie de Marienbad, Goethe
Vingt-cinq ans de solitude, John Haines

 Moisson rouge, Dashiell Hammett

Nouvelles complètes, Hemingway
Traité du désespoir, Kierkegaard
L'Insoutenable légèreté de l'être, Kundera Les hommes ivres de Dieu, Lacarrière
Tao-tö-King, Lao-Tseu Des pas dans la neige, Erik L'homme De la nature, Lucrece Traité de la cabane solitaire, Marcel
Le Pavillon d'Or, Mishima Fouquet, Morand Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche La Dernière frontière, Grey Owl Des nouvelles d'Agafia, Peskov
Rêveries du promeneur solitaire, Rousseau La philosophie dans le boudoir, Sade Odes, Segalen Le Songe d'une nuit d'été, Shakespeare Walden, Thoreau  Vendredi, Michel Tournier Feuilles d'herbe, Whitman
L'Œuvre au noir, Marguerite Yourcenar Les Mille et Une Nuits

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