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Candide et les murs de Melun

Publié le 16 mars 2008 par Rendez-Vous Du Patrimoine

(Cliché I. Rambaud, collège Jacques Amyot, Melun)

Tout avait pourtant bien commencé.
La première vue qui s’imposa à Candide en arrivant à Melun fut celle d’une immense bâtisse percée de petites fenêtres qui, de loin, ressemblaient à des meurtrières. Les murs d’enceinte, très élevés, étaient régulièrement aménagés de tours de guet. Son cœur se réjouit : encore un château, comme il les aimait ! Il était moins beau que celui du baron de Thunder-ten-tronckh mais il lui faisait quand même penser à sa chère Cunégonde et ce souvenir lui faisait aimer tout ce qui s’y rapportait.
En s’approchant, il vit que le château était construit à la pointe d’une île, entre deux bras de la Seine, ce qui renforçait sa position stratégique. Il admira le génie de ses constructeurs : « Quelle idée merveilleuse ! La ville est ainsi défendue comme elle le mérite ! Elle doit être bien précieuse !». Pangloss restait silencieux.
Une belle église avait également été construite sur ce site, bien avant le château, mais le seigneur l’avait sauvegardée, sans doute par piété et les murs de son château en faisaient le tour pour bien délimiter les enclos.
Ayant traversé le fleuve, Candide s’aperçut qu’il n’y avait ni pont-levis ni gardes. En revanche, il repéra l’accès principal grâce à l’oriflamme du seigneur qui flottait au dessus de la grande porte. Ses couleurs s’étalaient en larges bandes, une bleue, une blanche et une rouge.
A côté de la porte, il y avait une pancarte avec la mention: « Sonnez pour entrer et déclinez votre identité ».
Bien qu’intrigué par cette phrase et surtout par ce mot « identité » qu’il ne comprenait pas (cela ressemblait à « édenté » mais il ne voyait pas le rapport), Candide s’apprêtait à appuyer sur la sonnette pour se faire connaître du seigneur, quand Pangloss l’en dissuada : « Attendez ! Ce n’est peut-être pas une très bonne idée. Le château que voici est en fait une prison, voyez l’inscription sur le fronton : Maison Centrale…, cela signifie qu’on y enferme les prisonniers pour longtemps ».
Candide ne comprenait pas le lien entre la durée de la peine et le nom de « Centrale » mais il s’imagina qu’elle s’appelait ainsi parce qu’elle était au centre de la ville et que toutes les prisons devaient être construites sur des îles comme celle-ci, pour empêcher les prisonniers de s’enfuir.
Il s’éloigna avec tristesse car il pensait que les îles étaient faites pour la promenade des amoureux et que rien ne valait la liberté.
Un peu plus loin, en ville, il remarqua que certains monuments importants portaient l’oriflamme du seigneur avec, gravée dans la pierre, la devise « Fida muris usque ad mures ». Pangloss lui donna la traduction : « Cela signifie « Fidèle aux murs jusques aux rats ». Il faut comprendre « jusqu’à manger des rats » ! ».
Mais Candide ne comprenait pas que les habitants se nourrissent de rats parce qu’ils aimaient leurs maisons.
Pangloss lui expliqua que cette formule datait en fait de l’an 1420, à l’époque où les Anglais assiégeaient la ville : plutôt que de se rendre, ce qu’ils firent quand même à la fin, les habitants de Melun à bout de ressources mangèrent les souris et les rats que les chats avaient bien voulu leur laisser. D’ailleurs, le blason de la ville montrait toujours un château crénelé ce qui signifiait bien l’attachement des habitants à leurs murailles.
Candide en vit même des reproductions peintes sur de grandes urnes vertes montées sur des roues qui se trouvaient posées devant chaque maison. Mais la devise avait disparu. Il s’en étonna : « La devise d’aujourd’hui a-t-elle été changée ? Les habitants refusent-ils de manger des rats ? Celle-ci indique « Melun ville propre » C’est étrange. On peut changer de devise ? ».
(Cliché I. Rambaud)

Pangloss lui précisa que ces urnes servaient à ramasser les ordures des maisons car les habitants étaient maintenant particulièrement attachés à leur santé.
D'ailleurs, au fronton d'un grand mur, une autre devise s'étalait : "Dubonnet, vin tonique au quinquina". Candide comprit bien en voyant ce panneau que la ville avait changé depuis les temps anciens.
(Cliché I. Rambaud)

Il continuait pourtant à se demander s’il y avait encore des rats en ville.
C'est alors qu'il vit une maison qui était entièrement couverte d’un immense filet.Elle se trouvait juste à côté d’un petit château recouvert de céramiques avec une grosse inscription « Chambre de Commerce et d’Industrie de Melun ». Mais autant le petit château semblait en bon état, autant la maison au filet était décrépite. L’enduit s’en allait par plaques, les volets, fermés, avaient perdu leur peinture et les pièces métalliques étaient complètement rouillées.
(Cliché I. Rambaud)

Candide, voyant ce vestige, s’écria : « J'y suis, Pangloss ! Les rats sont prisonniers dans cette maison : le filet sert à les enfermer et à les empêcher de partir. Si la ville est à nouveau assiégée, les habitants pourront manger à leur faim ! ».
Il chercha auprès d’un habitant la confirmation de son idée mais seules des voitures filaient dans cette rue. Il dut revenir vers le centre de la ville pour pouvoir interroger des passants. Mais personne ne comprenait ce qu’il disait sur « les rats de la maison au filet » et ils le prenaient pour un fou.
A la longue, il cessa de les interroger mais conclut qu’ils n’aimaient plus leurs maisons puisqu’ils avaient changé leur devise et traitaient mieux leurs ordures que les murs de leur cité. (D'après M. Voltaire) Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !

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