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Zebda au printemps de Bourges : le groupe trouve sa place entre musique et politique

Publié le 30 avril 2012 par Notsoblonde @BlogDeLaBlonde

Qu'est ce qui peut bien pousser un groupe qui semble à son apogée à faire un break de 8 longues années? Comment gère t'on le retour sur scène lorsqu'il s'agit d'assurer la tournée du nouvel album? Quand on sort un album nommé second tour et qu'on assure sa promotion en pleine période électorale, alors qu'on a la réputation d'être un groupe "engagé", est ce l'occasion de transformer chacune de ses scènes en un meeting politique?

Ce sont autant de questions qui me passaient par la tête alors que j'attendais que ne débute la conférence de presse de Zebda, jeudi dernier.

Contexte un peu particulier : Le groupe vient juste de rencontrer François Hollande, candidat en lice pour le second tour de la présidentielle justement. Forcément, la première question aura pour sujet cette entrevue. "Alors, qu'avez vous à nous raconter à ce sujet?" s'enquiert un journaliste.

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Photo : le républicain lorrain

"La présence de François Hollande est liée au fait que le printemps de Bourges, c'est un évènement culturel incontournable. Après le fait qu'on le rencontre, dès que ça nous a été proposé, on a accepté de suite. Il est clair qu'on va voter pour lui. Maintenant pour ce qui est de la rencontre en elle-même, il n'y a pas eu beaucoup d'échange. C'est le symbole de la rencontre qui lui donne tout son sens" explique Mouss.

"Vous avez intitulé votre album second tour, vous l'avez sorti en période préelectorale, ça a du sens pour vous?"

"Zebda a une histoire, les gens savent qu'on est de gauche. On n'a pas l'ambition d'appeler les gens à voter, on ne veut pas se substituer aux politiques, on a conscience qu'on est des artistes, on est là pour faire rêver les gens, leur transmettre des idées, des émotions. Le politique, lui, il se produit dans des meetings et sa mission c'est de concrétiser des idées. C'est une autre démarche. Mais bien sur que ce choix de titre n'est pas innocent. On espère simplement profondément qu'il n'y a pas besoin de nous pour faire bouger les choses du côté de la politique. Chacun sa place".

"Pendant la période "motivés" on a senti une confusion chez les gens, entre l'artiste et le politique. L'élu a la responsabilité de la transformation politique. Ce n'est pas à nous de changer le monde"

Le groupe reviendra au cours de l'interview sur son break de 8 ans, expliquant que c'était nécessaire pour se retrouver, pour redéfinir sa place aussi, et permettre à chacun d'évoluer seul, en suivant son propre chemin. Indispensable pour pouvoir aussi retrouver le plaisir d'être ensemble et de continuer à défendre le projet de Zebda comme il le mérite.

Mouss ajoute "on écrit notre musique comme si on écrivait la bande originale de nos vies, on défend cet idéal de culture de paix, de solidarité qu'on souhaite profondément pour la France"."On utilise le privilège absolu que nous donne notre condition d'artiste d'avoir la parole. Mais on ne peut pas remplacer les politiques". 

Ce qui est compliqué c'est de savoir comment doser son engagement justement...

"Avec l'affaire Mérah, on a tous été très touchés (NDR : le groupe est issu de Toulouse, ville qui a été frappée par les crimes commis par Mohamed Mérah) et pour tout vous dire on a espéré un temps que le mec soit un nazi, c'est moche, mais on se doutait de la récupération politique qui allait se mettre en place derrière sinon, par la droite et l'extrême droite. Ca n'a pas manqué. L'arabe, le noir, ce sont de bons boucs émissaires. Nous on déplore que la gauche n'ait pas mené un combat plus frontal vis à vis de ça, à ce moment là".

"Notre but à nous c'est de divertir les gens, de faire la fête et ce dont on est convaincu, c'est que la fête, quand elle a du sens, elle est 100% plus belle!"

Alors bien sûr on a beaucoup parlé politique mais tout le monde s'y attendait. La question qui nous brulait les lèvres à tous à l'issue de l'entretien était celle-ci "Comment le groupe va t'il gérer son concert du soir? Va t'il faire référence à l'actualité politique? Si oui, comment?"

Le soir venu quand Zebda s'installe c'est dans un Phénix blindé.

Il y a là une foule immense dont la moyenne d'âge est bien plus faible que je ne me l'imaginais. Ce ne sont pas que les fidèles du groupe qui sont présents ce soir mais aussi les "nouveaux", ceux que le groupe a su toucher avec son dernier album justement. Alors que la soirée s'ouvre sur un titre de "second tour","le dimanche autour de l'église" (où l'on entend "qu'est ce qu'elle prend dans la gueule l'identité nationale!"), la plupart des personnes présentes connaissent le titre et reprennent en choeur les paroles. Ca me surprend un peu. J'avoue.

Le second titre est un des "classiques" du groupe, "y'a pas d'arrangement" et il transforme le moment en immense communion festive. L'ambiance ne retombera pas jusqu'à la fin du concert. Les "tubes" ("le bruit et l'odeur", "tomber la chemise"...) embarquant le public dans une véritable transe, la foule prenant des allures de vague humaine géante, bondissante et hurlante.

Vraiment, quand les 6000 personnes reprennent à pleine voix les paroles des titres, souvent clairement engagés, ça me colle des frissons terribles et les paroles prononcées par Magyd, Mustapha et Hakim, plus tôt dans la journée, me reviennent d'un coup. Cet idéal de solidarité qu'ils ont envie de défendre, il se matérialise là, sous leurs yeux et les miens. Cette foule surexcitée, qui dressera le poing sur le "Motivés" final (titre inspiré du chant des partisans, hymne de la résistance française), c'est une grande bouffée d'espoir pour tous ceux qui, depuis les résultats du premier tour, sont amers. Une sorte d'antidote à l'angoisse oppressante née du sentiment que le pays dans lequel nous vivons est en perte de repère, de valeurs, et qu'il a peur.

Zebda n'aura pas eu besoin d'intervenir beaucoup pour faire passer son message, ses textes se suffisant à eux mêmes. A part un rappel sur le fait que les chansons de résistance ont plus que jamais leur importance "en ces temps nauséabonds de fascisme rampant" (sic), sur le caractère fondamental de l'acte de vote, une dédicace aux ouvriers ("la promesse faire aux mains") et une conclusion sur l'air du "on est motivés pour un service public fort, on veut une France solidaire; L'identité est en mouvement et le mouvement c'est nous!", pas de vrai discours engagé.

Comme le groupe l'a rappelé, il a conscience de sa condition d'artiste et de la place qu'il doit occuper. Il laisse un phénix comble et comblé(tous ceux qui étaient dehors pour boire ou dîner sont entrés dans un phénix déjà surpeuplé pour les deux titres finaux ("tomber la chemise" et "motivés")).

Sous le chapiteau, quand le groupe quitte la scène, nombreux sont ceux, dans le public, dont les yeux brillent d'un espoir fou : que les valeurs défendues par une foule immense ce soir se concrétisent bientôt par un virage politique majeur.

Rendez-vous le 6 mai...

En attendant Zebda est en tournée et toutes les informations sont à retrouver ici.


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