Dégoulinant et érectile

C’est par ces mots qu’Elsa Sahal a décrit ses sculptures de céramique émaillée, visibles jusqu’au 5 Avril à la Fondation Ricard. La céramique est une matière étrange, dont le travail est sans doute sensuel et risqué, et qui permet bien des audaces. Les sculptures d’Elsa Sahal, sur leurs socles sobres et froids, sont pleines de coulures, d’épanchements, de tentacules, de grumosités, de cavités, elles offrent du lisse et du rugueux, du caressable et du révulsif, elles sont blanches ou noires, rouge vif ou céladon.

On y voit du végétal, brindilles et feuilles, du minéral, cavernes, stalagmites et stalactites, et de l’entre-deux comme de petites branches coralliennes d’un noir de jais. Mais c’est surtout du côté du corps humain que l’entre-deux nous emmène : grottes buccales ou sexuelles, érections au sommet des monticules, gousses de sécrétions blanches, nez en trompette et seins multiples, toute une anatomie ambiguë, qui repousse et fascine à la fois.
On passe d’un sphinx polymaste à une pisseuse en grand écart, puis à des petits bonshommes les jambes ballantes au bord du précipice, mais ce sont ses pièces les moins anthropomorphes qui me semblent avoir le plus de poids. Il faut y aller en sortant de Louise Bourgeois: j’y trouve certains échos, en plus joyeux, en moins morbide, et la céramique est si belle ! On vous laissera peut-être même la caresser discrètement du bout des doigts, c’est une partie du plaisir.

De haut en bas :
“Arbre dont les racines sont restées à l’étage inférieur”, 2008, céramique, Courtesy Galerie Claudine Papillon; 
“Maternité aux Ex-Votos” 2007 Céramiques;
« Rebord II », 2007, grès chamotté de Sèvres, coédition Manufacture Nationale de Sèvres/ Galerie Claudine Papillon; 
” Autoportrait Grotte 2″, 2006.
Trois premières photos : courtesy Fondation d’entreprise Ricard. © Elsa Sahal.