Karine GIEBEL – La morsure de l’ombre : 7-/10
Un roman récompensé et objet d’excellentes critiques … que je ne trouve pas véritablement méritées.
Oui, c’est un bon roman, qui se situe entre le polar et le thriller, mais de là à l’encenser, non, vraiment. Pour cela il aurait fallu plus d’originalité. Plus de personnalité.
Il n’en reste pas moins que c’est un joli (bon, « joli » n’est pas le terme adapté pour ce livre plutôt noir) polar à lire pour un voyage en train – aaahh, d’où le prix SNCF du polar français, j’ai compris !
Pour moi, c’est un bon polar, correct, qui se lit d’une traite, sans ennui.
Mais sans palpitations ….
Mais parlons d’abord de l’intrigue :
Benoit Lorand, trente-cinq ans, est un bon flic, il aime sa famille, son fils de trois ans et sa femme, mais Benoit est également un grand séducteur, qui collectionne les conquêtes et donc les infidélités, laissant sur sa route un grand nombre de cœurs brisés.
Après une soirée arrosée, passée en compagnie d’une belle rousse, il se réveille … au fond d’une cave, derrière des barreaux ! Prisonnier ! Séquestré par la très belle Lydia qui lui reproche un crime dont il n’a aucun souvenir et lui réclame la vérité, dont il ignore tout!
Benoit s’aperçoit rapidement que Lydia a un mental fragile. Toutefois, cette fragilité ne lui apporte rien, tout au contraire : sans pitié, elle tourmente son captif, tentant de faire durer ses supplices le plus longtemps possible, de le maintenir en vie, jusqu’à ce qu’il avoue … mais quoi ?
Elle l’affame, le torture, le fait mourir à petit feu. Combien de temps pourra-t-il survivre ?
Tandis que Benoit s’efforce de comprendre pourquoi Lydia le retient et comment il peut lui échapper – pour finalement ne plus poursuivre un seul but : survivre –à l’extérieur,l’enquête de policepiétine ! Malgré leurs efforts, ses collègues n’ont aucune piste, et rapidement ils perdent espoir de revoir leur ami en vie.
Un huis-clos angoissant – mais assez convenu, malgré sa violence
Vous l’aurez compris, ce roman nous plonge dans un terrible huis clos, puisque nous accompagnons Benoit au cours de son agonie, véritablement.
Au début il espère s’échapper, puis il tente simplement de garder un peu de dignité pour finalement s’accrocher désespérément à la vie alors que Lydia le torture par tous les moyens à sa disposition.
Un roman assez violent et plutôt angoissant donc.
Un roman assez prenant aussi, puisqu’on le lit en une fois – mais il est vrai qu’il ne fait que 280 pages.
Les points forts :
Il y a déjà le fait que l’auteur ait osé aller au bout de son idée. Sa victime se bat jusqu’au bout de ses forces, alors que rien ne lui est épargné. Nombreux sont les écrivains qui n’osent pas de crainte de heurter un certain lectorat. Ici, nous accompagnons Benoit dans sa déchéance.
Le rythme est soutenu, malgré une certaine immobilité : l’intrigue n’avance pas véritablement, puisqu’on reste auprès de Benoit la plupart du temps, et lui, il ne peut pas vraiment bouger … .
D’ailleurs, cette "action" assez étonnante m’a conduite à classer ce roman dans les « polars » plutôt que dans les « thrillers », puisqu’en définitif nous cherchons constamment QUI est le criminel et que nous suivons les indices distillés au fur et à mesure du récit.
La réalisation est donc très bonne. Malgré une intrigue assez convenue, l’auteur est parvenue à créer un suspense certain. Ce qui est le but d’un tel roman, raison de ma bonne « note ».
Mais j’ai tout de même soulevé des points faibles qui font que j’estime ce roman globalement surévalué.
Les points faibles :
Comme je le disais, j’étais impatiente de commencer ce roman, puisqu’il a reçu divers prix et a été reçu les bras ouvert par une grande majorité des critiques.
Pour moi, il pèche pourtant de certains côtés, et si c’est un roman qui, je le répète, se lit vraiment avec plaisir et sans aucune exaspérante longueur, il lui manque quelques choses (oui, au pluriel) :
D’abord, il lui manque de l’originalité.
Le scénario est du déjà lu, les rebondissements sont prévisibles, les faux coupables transparents, les vrais coupables évidents. Aucune surprise, aucune.
Combien de fois avons-nous lu une intrigue comparable ? Pas une seule fois j’ai haussé les sourcils de surprise. C’était juste la même histoire écrite avec d’autres mots.
Puis les personnages, d’un commun ! Le flic coureur de jupon, la collègue avec laquelle il a eu une aventure sans lendemain, la femme bafouée, le meilleur ami, le patron qui a ses propres vices, le flic envoyé de Paris, puis bien sûr la pauvre folle, Lydia, traumatisée par son enfance …
Aucun caractère n’était véritablement travaillé, tous restent à l’état d’ébauche. Dommage d’ailleurs. Même Benoit n’a pu se sortir de son stéréotype, trop enfoncé qu’il était dans ses souffrances.
Je pense qu’on aurait pu travailler quelques personnages secondaires un tout petit peu plus, affiner les caractères des policiers, par exemple, insister un peu plus sur Lydia et même Aurelia.
Enfin, le style manque de personnalité, il ne porte pas d’empreinte particulière.
Face à cette plume sans caractère je me suis demandée si c’est l’effort d’écrire de façon masculine qui a enlevé la vie à cette écriture. Car l’auteur est bien une femme, qui tente d’écrire comme un homme, parfois en glissant quelques lignes inutilement grossières dans ses pages (ce qui ne rend pas plus viril, bien évidemment).
Je ne dis pas que je fais une différence entre les écritures féminines et masculines, mais ici j’avais l’impression de sentir un réel effort de se débarrasser de la finesse propre aux écrivaines (femmes, donc) pour rejoindre l’écriture parfois plus brute des écrivains (hommes, donc).
Peut-être pour s’assurer que le sujet, dur et violent, soit mieux accepté ? Pourtant, pas besoin, car c’est l’un des points forts, cette façon d’aller au bout de son idée.
En ce qui concerne les dialogues, ils n’étaient pas particulièrement réussis (si on se demande plus de trois fois « qui a déjà dit ça ? », qu’on remonte es yeux les lignes pour vérifier, c’est qu’il y a un problème).
Bref, j’avais l’impression que n’importe qui aurait pu écrire cette même histoire. Que, d’ailleurs, j’avais déjà lue.
Oh, je relis ce que je viens d’écrire, cela sonne méchant !
Ce n’est pas le but, absolument pas, puisque dans l’ensemble j’ai apprécié ce roman !!
C’est un roman noir, l’histoire d’une femme tourmentée qui séquestre un homme pour se venger, et se délivrer par la même occasion, une histoire de course contre la montre, le tout cachant une véritable enquête policière puisque nous cherchons l’auteur d’un crime !
Donc, si vous aimez les polars noirs, que vous n’avez pas peur de vous plonger dans l’univers oppressant d’une séquestration violente, ce roman est pour vous !
Car oui, « Les morsures de l’ombre » est un roman réussi.
Juste pas aussi parfait et fabuleux qu’on pourrait le penser au regard des prix reçus.