A propos de Querelles de Morteza Farshbaf
En Iran, Arshia, 10 ans, est venu passer quelques jours avec ses parents, son oncle et sa tante sourds et muets, dans la montagne. Un soir, ses parents se disputent violemment et partent précipitamment en voiture. Le lendemain, la tante d’Arshia apprend par SMS qu’ils sont tous les deux morts dans un accident. L’oncle et la tante décident de ramener Arshia à Téhéran en lui cachant la vérité. Du moins en le pensant…
Formellement, Querelles est un film remarquablement maitrisé. Premier long-métrage de Morteza Farshbaf, c’est un exercice de style précis et rigoureux dont le dispositif filmique évoque presque instantanément Ten d’Abbas Kiarostami.
La majorité du film, hormis la scène d’ouverture et la longue scène terminale, se passe en plan fixe, à l’intérieur d’une voiture à l’arrière de laquelle est assis Arshia, qui observe dubitatif son oncle et sa tante parler en langage des signes.
Le reste du temps, au début du film notamment, on a le droit à des plans larges sur la montagne et des paysages d’Iran dont la beauté et les couleurs évoquent (encore) Kiarostami et le magnifique Le vent nous emportera (1999).
Ces plans d’ouverture introduisent toute la dimension tragi-comique inhérente au film. Pendant plusieurs minutes, tandis que la voiture constitue un minuscule point dans l’espace, les dialogues du couple sourd et muet (joué par des acteurs non-professionnels) s’inscrivent en sous-titre et prêtent à sourire.
Le drame qui s’est produit dans la nuit et la mort des parents d’Arshia n’empêchent pas les situations cocasses de germer, comme lorsque l’oncle et la tante tombent en panne sur une colline et qu’Arshia traduit littéralement au garagiste leur méfiance à son égard qu’ils formulent en langage des signes. Le garagiste lui-même est un joyeux luron qui provoque volontairement les pannes de voiture de ses clients pour pouvoir rentrer chez lui très tard et éviter de croiser sa femme qu’il aime mais qui lui crie dessus tout le temps.
L’humour, le sens de la dérision et de l’ironie sont bien présents chez Farshabaf, sans qu’ils n’occultent la tragédie vécue par Arshia ni le ressentiment que la mort de sa mère provoque chez sa sœur.
Cette dernière pense pouvoir cacher à son neveu la vérité, mais un enfant comprend tout, et vite, même quand son oncle et sa tante s’expriment avec les mains.
La mort des parents d’Arshia est l’occasion pour sa tante de ressasser le passé, sa jalousie à l’égard de sa propre sœur, qui a eu un enfant, contrairement à elle qui en a toujours désiré un mais en vain.
Ce n’est pas de l’aigreur qu’elle éprouve, mais une forme de rancœur étouffée pendant des années et que comprend son mari qui lui propose déjà d’adopter Arshia. Arshia, l’enfant seul, silencieux, le fils unique qui n’a assisté la plupart du temps qu’à des disputes entre ses parents, sans jamais ressentir d’amour entre eux ni envers lui-même. Tout cela est subtilement décrit, tout en allusions et en non-dits. Une tragédie teintée d’absurde et de rocambolesque.
Le travail sur le son est primordial dans Querelles. L’alternance entre les silences et les interruptions soudaines de bruit (klaxons notamment) permettent d’alterner des situations tantôt burlesques tantôt effrayantes. On a parfois peur en effet qu’il n’arrive quelque chose de grave au couple ou à l’enfant qui lui aussi n’entend rien, plongé dans les écouteurs de son I-Pod.
Les disputes, les conflits familiaux, ceux qui opposent ouvertement l’oncle et la tante dans la voiture comme ceux qui déchiraient les parents décédés d’Arshia, sont des motifs récurrents du cinéma iranien. On pense à Une séparation ou A propos d’Elly (2009) d’Asghar Farhadi.
La chute et la longue scène finale de Querelles manquent peut-être d’ambiguïté, de suggestion quant au devenir de l’enfant, à ce qu’il souhaite vraiment. Mais si l’on sent encore trop présente l’influence et les références de ses maitres dans Querelles, aucun vent ne saurait emporter les promesses qu’il laisse entrevoir…
http://www.youtube.com/watch?v=NK3AlcfgoyE
Film iranien de Morteza Farshbaf avec Shareh Pasha, Kiomars, Giti, Amir Hossein (01 h 25)
Scénario d’Anahita Ghazvinizadeh et Morteza Farshbaf :
Mise en scène :
Acteurs :
Dialogues :