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Les candidats a l’élection coté littérature

Par Acrossthedays @AcrossTheDays

Étant en études de Lettres Modernes, je suis souvent agacé quand on me dit que la Littérature est quelque chose de futile. Quelque chose qui n’est pas ancrée dans la vie quotidienne et qui n’est qu’une lubie de l’Éducation Nationale. Au bout de 10 mois de campagne présidentielle (Primaires Citoyennes comprises), je pense être apte à démontrer le contraire, soit que cet art est une composante de nos vies. En effet, il suffisait d’observer les dix candidats à travers le prisme de leurs campagnes et de leurs convictions pour y voir des parallèles entre eux et des figures ou des romans de la Littérature, majoritairement française bien évidemment.

De ce fait, de l’extrême-gauche anticapitaliste à l’extrême-droite « nouvellement fréquentable », les prétendants à la Présidence ont vu leurs parcours politiques être écrits dans les grosses lignes par les plus grands auteurs français. Ainsi c’est pourquoi le premier tour achevé, on peut comparer Marine Le Pen à la Lolita de Nabokov , Nicolas Sarkozy au Satan de Hugo ou encore Jacques Cheminade à « L’Etranger » de Camus.

François Hollande (28,6 %) :

Le candidat du Parti Socialiste (PS) a démarré de rien – ou presque – dans la conquête de l’Élysée : laissant derrière lui un parti à l’agonie et au bord de la cession, il se lance dans la course alors que personne n’y croit. Toutefois, il arrivera à éliminer ses adversaires ici à l’aide de faits divers salaces et de primaires démocratiques pour se hisser comme leader de son parti. En cela, on peut comparer François Hollande à Georges Duroy dans « Bel-Ami » de Maupassant. Comme le personnage du romancier, c’est un homme ambitieux vivant dans un environnement dominé par le monde financier, l’influence des médias et par la sphère politique. A noter que dans l’œuvre, une description est faite de la ville de Rouen, qui est la ville natale de François Hollande.

Nicolas Sarkozy (27,2 %) :

Le Président-candidat est le chef de l’État le moins apprécié sous la Vè République. Sa côte de popularité a été constamment en chute libre. Cette donnée fait écho à une œuvre de Victor Hugo commencée en 1854 : « La fin de Satan ». Loin de moi l’idée – trop facile – de comparer Nicolas Sarkozy à la figure du mal par conviction politique, c’est ici surtout la trame du recueil qui est intéressante. Satan est déchu et tombe dans des abimes sans fin. Il ne cesse de supplier Dieu de lui pardonner, à grand renfort de pathos. Vous l’aurez compris, la chute ici est celle du candidat rayonnant, du victorieux sublime lors de son combat contre Ségolène Royal en 2007, qui en enchainant les maladresses et les fautes finit par tomber dans des abimes sans fond d’ impopularité. Les appels au secours de Satan font écho aux « Aidez-moi » déclamés à l’attention du peuple par le même homme en disgrâce lors de ses meetings. A la fin de l’œuvre, Dieu pardonne à Satan : le 6 mai à 20h nous dira si la fiction rejoint la réalité.

Marine Le Pen ( 17,9 %) :

Le vote en faveur de Le Pen est passionnant à analyser et les raisons qui mènent à son succès électoral sont multiples. Je me suis permis d’en retenir une : celle portant sur sa personnalité et son physique. Il faut bien dire que c’est là que réside son attractivité : elle est plus vendeuse que son fameux géniteur. Marion (de son vrai nom) est une femme, blonde et jeune. Elle donne une fraicheur bienvenue à un parti rustique. Toutefois, c’est une redoutable joueuse et tentatrice. Mon choix s’est donc porté sur « Lolita » de Nabokov. Dans le roman, la jeune Lolita réussit à faire succomber un homme, qui ne parvient pas à résister à ses pulsion scandaleuses – à savoir les jeunes filles. Cette relation polémique finit par mener Humbert à la prison et donc à sa perte. Ici, ce dernier pourrait à la fois symboliser le peuple français (séduit par le vote extrême et contestataire que représente le FN depuis une décennie mais refroidi par l’aspect scandaleux du parti) mais aussi d’un autre côté Nicolas Sarkozy qui est séduit par la grande possibilité de voix que représente l’électorat frontiste, ce qui est pour lui le charme de Marine Le Pen / Lolita.

Jean-Luc Mélenchon (11,1 %) :

On peut réellement donner à sa campagne une dimension romanesque : le cadre initial serait son appartenance au Parti Socialiste. L’élément perturbateur serait sa démission du même parti suite au Congrès de Reims en 2008. Les péripéties prendraient la forme de la formation du Parti de Gauche puis la campagne avec les Communistes. Le point culminant du roman serait représenté par sa « Prise de la Bastille » en mars dernier et finalement le 22 avril donnerait le dénouement. Loin de toute originalité, j’attribue à Mélenchon le roman-fleuve « Les misérables » de Hugo. Ici, ce n’est pas tant pour sa campagne que je lui attribue ce roman majestueux mais c’est surtout par le fait qu’il représente les idéaux pour lesquels il se bat (la lutte contre la précarité, contre le travail abusif, pour une évolution de la société). Il faut aussi noter que Mélenchon a cité à loisir ce roman dans ses discours.

François Bayrou (9,1 %) :

Le choix pourra paraître étonnant mais j’ai osé : François Bayrou sera « Cyrano de Bergerac ». Dans la pièce de Rostand, le personnage est victime d’un handicap : son nez immense. Il n’arrive jamais à avoir ce qu’il veut (Roxanne), le combat à Arras montre son côté combattif et il meurt sans jamais avoir eu Roxanne. Le parallèle avec Cyrano va vite : son bégaiement fut son handicap, il n’arrive jamais à son but : l’Élysée malgré son amour du combat électoral et peut-être finira-t-il sans avoir atteint son objectif…

Eva Joly (2,3%) :

La campagne calamiteuse d’Eva Joly a mit les écologistes dans un état second. Par ce fait mais également pour la proposition de la candidate de légaliser le cannabis, j’attribue lui le roman autobiographique « L’herbe bleue » d’auteur anonyme. Ainsi, l’héroïne (sans mauvais jeu de mot) commence au top de sa forme physique (comme avec ses 5% au début de la campagne) pour finir dans la déchéance (2,3%). Cette campagne a ressemblé à un véritable bad trip, avec un mauvais casting à la base, des propositions inaudibles et une crédibilité acquise aux élections européennes complètement détruite. Le parti se retrouve isolé comme une junkie privée de sa came (qui serait le remboursement des frais de campagne à partir de 5% de voix). La campagne présidentielle étant la plus grosse drogue des hommes politiques, il s’avèrera probablement difficile pour Europe Écologie – Les Verts de mener à bien sa cure de désintoxication.

Nicolas Dupont-Aignan (1,8 %) :

Se définissant comme Gaulliste, parti en guerre pour une « France Libre » selon son slogan de campagne. NDA s’est battu pour rendre sa liberté à une France qu’il considère comme occupée par le monde de la finance et affaiblie par l’euro. Quelle autre figure de la Résistance ayant écrit à ses heures perdues pouvait-on choisir que Charles de Gaulle et ses « Mémoires de guerre » ? On soulignera que l’ombre de NDA aura autant pesé dans la campagne que de Gaulle dans la littérature…

Philippe Poutou (1,1 %) :

Vous prenez n’importe quel personnage de la Littérature du XIXe siècle où évoluent des personnages ouvriers, écrasés par le pouvoir de la bourgeoisie (Balzac, Zola) et cela fera l’affaire. Le Manifeste du Parti Communiste de Marx est aussi possible car il est le vivier de l’idéologie anticapitaliste et révolutionnaire. Malheureusement, l’immense succès de cette œuvre n’est pas comparable à l’échec de Poutou dans les urnes.

Nathalie Arthaud (0,6 %) :

Le choix s’est avéré dur pour la candidate de Lutte Ouvrière. Toutefois, « L’assomoir » de Zola semble approprié. Prenant place dans le monde ouvrier, l’héroïne Gervaise (une femme donc) est victime de sa classe sociale et finit sa vie dans la misère, comme la plupart des personnages de ce milieu défavorisé. Zola a donc exposé la misère et la détresse ouvrière, thème cher et unique de Nathalie Arthaud. A noter que Gervaise finit par mourir de sa précarité et que le 22 avril, ce sont les électeurs qui ont « fait la mort dans les urnes » (expression phrase en 2012) à la candidate avec son score alarmant.

Jacques Cheminade (0,2 %) :

C’était le candidat OVNI de cette Présidentielle. L’homme que personne n’a vu venir. Un étranger aux yeux du public. Vous l’aurez compris, il s’agira ici de « L’étranger » de Camus. Le personnage de ce roman est une homme solitaire, qui parle peu à l’image de Cheminade qui s’est présenté avec un parti aux membres aussi nombreux qu’une classe de CP d’une école primaire dans une campagne reculée et qui était inaudible dans les médias. Le paysage désertique et rouge du désert algérien décrit par Camus fait échos à la planète Mars, si chère au candidat. Il est certain que cet étranger le restera encore…


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