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Degas et le nu au musée d’Orsay, jusqu’au 1er juillet 2012.

Publié le 09 mai 2012 par Les Lettres Françaises

Edgard Degas : nus en mouvement

Degas et le nu au musée d’Orsay, jusqu’au 1er juillet 2012.

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Revue culturelle et littéraire les lettre françaises exposition Degas et le nu

Degas et le nu Musée-d' Orsay

Faut-il aller voir l’exposition « Degas et le nu » ? Oui, sans aucune hésitation, tant la qualité de l’œuvre de cet artiste est exceptionnelle. Qui plus est, le nu, les danseuses et les chevaux font partie du « tiercé » de l’artiste. Dans les peintures ou sculptures, dessins, estampes et bien sûr les pastels, le corps féminin dénudé (pas d’hommes chez Degas) est partout.

Faut-il parler des nus ou de la nudité ? Des synonymes ? Pas vraiment, car depuis le fameux livre de l’historien d’art anglais Kenneth Clark The Nude (1956), on fait la distinction entre le nu comme le simple fait d’être dévêtu et la nudité comme une représentation artistique qui se plie toujours aux conventions d’une époque et de ses normes. Les femmes chez Degas nous donnent l’illusion (illusion, car toute image est le résultat d’une mise en scène) qu’elles sont là, sans être conscientes d’être observées par un regard qui les scrute. Elles sont déshabillées non pas pour poser mais pour faire leur toilette. Ces corps qui s’exhibent sans pudeur, sans inhibition, sont déclinés dans de nombreuses positions qui restent le seul intérêt du peintre. Quand d’habitude le modèle offre au spectateur masculin l’expression de séduction docile, ici le dialogue visuel est exclu.

Le regard de Degas, en revanche, est loin d’être neutre. L’œil de l’artiste réduit la femme à la gesticulation de ses membres ; accroupie, contorsionnée, le corps souvent plié, cassé même, soumis à des formes géométriques rigides, elle est souvent moins l’objet du regard que sa proie. C’est que l’artiste reste en position de commande. Si peindre une femme, c’est la posséder, s’en emparer, alors cet effet est également le résultat de la mise en scène dans l’espace de la toile qui offre des points de vue souvent plongeants, particulièrement indiscrets, comme si l’artiste se tenait debout au-dessus de ses personnages. Une position dominante pour le spectateur qui implique la soumission involontaire de la femme scrutée.
Chez le peintre, le voyeurisme est non seulement rapproché et « assumé » ouvertement par la variété des points de vue et des positions du corps mais il relève à la fois de la vue et du toucher. De fait, il est rare que les femmes de Degas soient au repos, dans la posture traditionnelle du nu féminin couché ; le plus souvent elles sont occupées à toucher les différentes parties de leurs corps. L’artiste les capte sortant de leur tub, se savonnant, se frictionnant, s’essuyant la jambe, la nuque ou le torse. On regrette que ce refus de promiscuité ne s’applique pas à l’accrochage de l’exposition. Trop nombreuses, serrées, les œuvres « respirent » mal. Parfois, l’abondance de biens nuit.

Itzhak Goldberg

« Degas et le nu », musée d’Orsay, jusqu’au 1er juillet 2012. Catalogue : Degas et le nu, Hazan/Musée d’Orsay, 286 pages, 39,95 euros.
Degas et les danseuses, de Richard Kendall et Jill De Vonyar, Skira / Flammarion, 280 pages, 45 euros.
Comment regarder Degas, de Jacques Bonnet, Hazan, 204 pages, 18 euros.
Je veux regarder par le trou de la serrure, d’Edgar Degas, édition de Jean-Paul Morel,
Mille et une nuits, 160 pages, 4 euros
 

N°93 – Les Lettres Françaises mai 2012



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