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Le Ring et La Rambla, ou l’essor d’un urbanisme de type haussmannien en Europe

Publié le 09 mai 2012 par Etrangere

Vienne
20 décembre 1857. L'empereur d'Autriche François-Joseph signe le décret décidant du démantèlement des remparts qui enferment la ville de Vienne, et permet ainsi la construction d’un vaste boulevard annulaire longé de bâtiments publics et de maisons de standing. C’est ainsi que le Ring voit le jour. Cet aménagement a amené à la reconstruction de certains boulevards sur le modèle de ceux du Baron Haussmann, dont les préoccupations sont visibles. En effet, le long de cette artère névralgique se trouvent les plus beaux monuments de la ville : l'Opéra, l’Université, le Musée des Beaux-Arts, le Musée d'Histoire naturelle, le Palais de la Hofburg, la Burgentor, le Parlement, l'Hôtel de ville, le Théâtre national. Infrastructure de voierie, le Ring offre aux véhicules une circulation en sens horaire, tandis qu’un boulevard concentrique permet la circulation dans le sens inverse ; les tramways, eux, échappent à cette répartition et peuvent rouler dans les deux sens.

Le Ring et La Rambla, ou l’essor d’un urbanisme de type haussmannien en Europe

Le Ring : une importante voie de communication

Par ailleurs, contrairement aux principes haussmanniens, l’architecture du Ring présente à la fois une grande homogénéité et une grande diversité esthétique. Ainsi, si les bâtiments mettent en valeur un espace horizontal -la rue-, ils sont très disparates d’un point de vue stylistique, oscillant entre l’éclectisme et l’historicisme.

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Les balcons traditionnels au 2ème et cinquième étage... 

En revanche, les préoccupations hygiénistes et sociales sont également présentes à Vienne. Ainsi, l’une des fonctions principales du Ring est la fonction résidentielle. Or, l’avènement d’un monde à deux vitesses est le prétexte à un cloisonnement des classes ouvrières et bourgeoises à Paris. Il en va de même dans la capitale de l'Empire Austro-Hongrois : le boulevard accueille ainsi des palais, divisibles en plusieurs appartements. Progressivement, le Ring est orné de bâtiments aux façades richement  décorées, tandis que les quartiers construits hors de cet espace vont conserver des caractéristiques sociales et architectoniques spécifiques aux classes sociales concernées. De ce fait, l’horizontalité des banlieues correspond à l’avènement d’une nouvelle classe sociale : le prolétariat ouvrier des faubourgs.
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Barcelone
A l’autre bout de l’Europe, à la même époque, Barcelone succombe également à la mode des grands axes, et donne naissance à La Rambla - aujourd’hui un des points touristiques incontournables de la ville catalane.
En 1848, Barcelone inaugura sa première voie de chemin de fer et sa vocation industrielle lui valu le surnom de « la petite Manchester ». Dès lors, il devint impératif pour la cité d'affirmer son statut et son dynamisme. Ildefons Cerdà, dont le projet était le quartier de l'Eixample, élabora donc un plan de la ville, se basant sur le schéma classique de quadrillages et d'espaces publics - structure dont nous pouvons profiter aujourd’hui. l'entreprise fut approuvée en 1859.

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Plan Cerda, permettant de distinguer les grandes percées effectués

Jusqu'en 1854, année à laquelle Barcelone détruisit l’anneau de ses murailles, la ville ne représentait que l'hexagone de l'enceinte du XVe siècle (aujourd'hui, la vieille ville). Construite sur l’emplacement d’un ancien torrent qui, selon la tradition, tire son nom de ramla,  (en arabe, « sable »), elle représentait la seule voie large du centre-ville. Au début du XVIIIe siècle, un chemin bordé de couvents et de murailles longeait encore le torrent. En 1704, des maisons commencèrent à être construites dans l'espace occupé par les murailles et des arbres furent plantés. La partie des murailles qui jouxtait  les chantiers navals ayant été démolie en 1775, le champ fut laissé libre à la transformation en promenade d’une partie de cette rue. Cette voie singulière, de bout en bout, est divisée en 5 parties, portant des noms caractéristiques : -   la Rambla de Canaletes, du nom de la fontaine éponyme ;-   la Rambla dels Estudis, tirant son nom d'un bâtiment construit vers le milieu du XVe, siècle : l'Estudi General, ou Universitat, et aujourd’hui démoli ;-   la Rambla de les Flors qui, au XIXe siècle, était le seul endroit de la ville où on vendait des fleurs ;-   la Rambla del Centre ou Rambla dels Caputxins (un couvent des frères capucins se trouvait jadis dans ce quartier) ;  -   la Rambla de Santa Mònica, vestibule du port, où se dresse la paroisse qui lui donne son nom.
   La forteresse militaire de la Ciudadela subit également un changement puisqu’elle fut entièrement détruite pour héberger un évènement très spécial : l’Exposition Universelle de 1888. L’évènement marqua un tournant dans l'histoire de la ville. En effet, celui-ci affirma Barcelone aux yeux de l'Europe comme une ville jeune qui partageait les préoccupations de son époque ; en conséquence, les flux migratoires s’intensifièrent. C'est ainsi que, de la fin du XIXème et jusqu'au début du XXème siècle, Barcelone devint le centre d’une culture avant-gardiste. Ses activités s’inspiraient des progrès de toutes sortes, à la fois dans le domaine scientifique, technologique et artistique.   Néanmoins, si les classes dirigeantes, génération d’industriels et d’hommes politiques enracinés dans la bourgeoisie, se concentra sur les progrès urbains qui devaient transformer Barcelone en une ville moderne et opulente, le monde intellectuel suivit une autre direction. Ainsi, l’esprit du modernisme imprégna la ville dans toutes ses ambitions artistiques, y compris dans l’architecture - l'Art Nouveau... 
Florence 
   Le développement inhérent à l'ère industrielle n'épargna pas non-plus Florence, dont la structure fut également remaniée. Les aménagements prévus devaient obéir à plusieurs impératifs :
-   Répondre à l'augmentation de la population - essentiellement composées d'employés pour les bureaux de la capitale - en lui fournissant de nouveaux logements et des services ;
-   Défendre la ville des crues de l'Arno  (l'inondation du 3 et 4 novembre 1864, désastre de 1844) ;
-   Doter la ville d'artères et de bâtiments lui assurant une meilleure allure, à la fois moderne et bourgeoise, en phase avec les évolutions identiques des autres capitales européennes.
-   Le tout dans un esprit de liaison entre intérêts privés et publics, afin de limiter le spéculation.
   Cette période de réaménagement urbanistique de la ville de Florence, ayant lieu entre 1865 et 1895, fut appelée Risanamento
  
   Le plan "Florence Capitale d'Italie" de Giuseppe Poggi (1864-1870) mena à la démolition des remparts de la ville. De même que pour le Ring à vienne et pour la Rambla de Barcelone, on construisit à leur place les boulevards de ceinture de la ville. Ces aménagements menèrent également à la création du Viale dei Colli, du Piazzale Michelange et au développement de nouveaux quartiers résidentiels tant à l'intérieur des Viali (le district de la Mattonaia autour de la Piazza Indipendenza, le district de Maglio autour de Piazza d'Azeglio) qu'à l'extérieur (Savonarola, San Jacopino, Piagentina).

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Viale del Colli, vue dégagée et axe de communication


   Ce plan permit aussi la démolition du centre urbain autour du Mercato Vecchio (1885-1889) pour créer la grande Piazza Vittorio Emanuele II (aujourd'hui rebaptisée Piazza della Repubblica ) et la construction de bureaux.

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Destruction des bâtis autour de la colonne, Mercato Vecchio


   La volonté de grandes percées, de grands espaces, de perspectives aboutissant à des places dégagées fut une des marques de la tertiarisation du centre urbain, au début du XXème siècle. En conformité avec le schéma directeur de planification du centre urbain de Poggi, la ville se développa rapidement jusqu'aux collines avoisinantes- via Vittorio Emanuele II à l'ouest, Viale Volta à l'est et Oltrarno le long de la Via Pisana après le Pignone, où la fonderie a représenté le premier tissu industriel avec ses logements ouvriers.
   Les travaux commencèrent en mai 1865 et furent terminés cinq ans plus tard. On procéda, afin d'obtenir ces résultats, à la même politique de réquisition à Paris : on procéda massivement à l'expropriation, tandis que les fonds se vinrent complétés d'emprunt prêt public de trente millions de lires, à amortir en cinquante ans. On s'attacha à promouvoir de grands axes de circulation : : l'agrandissement du Ponte alla Carraia (1863), l'axe entre le Palais Pitti et la place Santo Spirito (1869), la démolition de vieux bâtiments adossés au Palazzo Vecchio et l'agrandissement de quelques ruelles pour l'accès à la Piazza della Signoria. Sur les artères prestigieuses de la ville, comme la via Cavour, on a octroyé aux palais de nouvelles perspectives.
   Ainsi, l'essor des cités du XIXème siècle ne s’est pas effectué sans unité dans les projets, les conceptions, l'architecture et les fonctions - cycle de changements urbains débuté par la capitale parisienne. 

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