L'installation lumineuse de Roman Opalka à la station de métro Université Paul Sabatier, Toulouse
Vous avez déjà remarqué l’installation lumineuse dans le hall d’entrée du métro toulousain station Université Paul Sabatier?
Je parie que non, et moi non plus, cela ne fait que quelques semaines que je l’ai découverte. C’est bien dommage, parce que cette installation est l’œuvre de Roman Opalka, artiste polonais très connu, mort l’année passée, à la démarche très particulière.
Cette œuvre est l’occasion pour vous parler de l’art contemporain dans l’espace publiqc et notamment dans celui très singulier du métro. Dans d’autres villes aussi les artistes ont été invités par les mairies à décorer les stations du métro, Toulouse n’est pas une exception!
Mais que veut dire concevoir et réaliser une œuvre d’art dans le métro?
D’abord, imaginez combien de personnes passent tous les jours par ces halls, quelles questions se posent, quelles critiques peuvent être formulées par rapport à elles. Parfois les installations dans l’espace public sont des simples décorations, elles sont là “pour faire joli”: dans ces cas, elles ne sont pas vraiment des œuvres d’art (à mon avis), mais plutôt des embellissements, comme les jolis clichés de nos vacances sur les murs de nos appartements.
Mais si elles posent des questions, voilà qu’elles deviennent plus riches et attendent une réponse de notre part. L’installation de Roman Opalka le fait d’une façon très délicate, sans aggresser le spectateur (voilà pourquoi elle n’accroche pas tout de suite l’œil).
Il s’agit donc d’une pyramide de chiffres dont le 1 se trouve au sommet et le 8 à la base. Au niveau du chiffre 7 un rayon de lumière dessine une ligne droite blanche.
Oui, je vous l’accorde, il ne s’agit pas d’une œuvre des plus faciles dont on n'a jamais parlé sur ces pages!
Mais vous pouvez sûrement répondre à cette question: pourquoi Opalka a utilisé ici des nombres? La réponse est en partie liée à la station de métro où nous nous trouvons. Si vous sortez d’ici, vous tombez nez-à-nez avec le (très moche) bâtiment de l’Université Paul Sabatier, fréquenté par les étudiants des matières scientifiques, notamment de mathématiques. Et quoi de mieux que des nombres pour nous faire penser aux maths?
Une des toiles de la série Opalka 1965/1-∞
Mais Roman Opalka a toujours travaillé avec les chiffres. Si vous observez les images ci-dessus et ci-dessous, vous pouvez voir son œuvre la plus connue, OPALKA 1965/1-∞, un ensemble de toiles noires où il écrit des nombres en noir qui se succèdent, depuis 1965. Arrivé à 1000000, à chaque nouvelle toile qu’il entame, il ajoute un peu de blanc dans la peinture noire servant au fond, et c’est ainsi que les fonds s’éclairicissent petit à petit, marquant eux aussi une évolution chronologique. Opalka a travaillé à cette seule œuvre, pendant 45 ans, jusqu’à sa mort.
Les nombres qui ne cessent pas de progresser, la peinture qui devient peu à peu plus grise, puis blanche, et finalement les photos de soi qu’il prend dès qu’il termine une toile…. Tout cela marque le temps qui passe, sans qu’on puisse l’arrêter. Le travail de Roman Opalka nous fait donc penser à la fuite du temps. Les chiffres ne sont rien d’autre que la mesure “scientifique” (mais symbolique) du temps qui s’écoule, ainsi que la matérialisation du temps qui, par sa propre nature, est invisible.
Voilà une série d'autoportraits photographiques qui marquent la fin de chaque toile, où on peut remarquer le temps qui passe
Si vous passez devant cette installation tous les jours, ce sera comme croiser un horloge qui montre les minutes, les jours, les ans qui passent. Pour vous, les jeunes, ce n’est pas trop dur de le voir, mais pour nous, les moins jeunes, c’est absolument effrayant!