14 mai A la marge 1/5 - Nouvelles de demain Mes parents voulaient une fille, alors ils m'ont appelé Claude. Jusqu'à deux ans ils m'ont affublé de robes et de colliers, et à Noël, j'avais droit à des poupées. J'ai survécu. Eux non. Victimes d'un accident de la route. Je me suis retrouvé dans un orphelinat, appelons les choses par leur nom, à cinq ans. Habillé par l'état, je mis mon premier short, mes premières baskets, reçu ma première gifle, rendu mon premier coup de poing : je revivais. A l'époque ça ne rigolait pas, nous faisions une connerie, c'était le cachot, au pain sec et à l'eau. Cela n'était pas aussi caricatural que dans les "choristes" qui ont fait pleurer des milliers de gens dans les chaumières, mais ça y ressemblait. Très vite je me suis mis à écrire, à sept ans j'ai griffonné mon premier poème. Je l'ai toujours, froissé, dans ma poche : Une pomme roulait dans le jardin Un gamin très affamé l'attrapa Surveillant passait par là l'engueula Pomme roula jusqu'au petit matin. Moralité : Si tu veux becqueter Fais-toi pas choper En classe je n'étais jamais près du radiateur. J'avais très vite compris que l'école me servirait plus tard, même si pour gober les leçons, c'était chiant à mourir. Ça m'a valu quelques taloches de cancres durs qui ne pouvaient pas saquer les premiers de la classe. Sauf en gym. Mais je prendrais ma revanche. J'ai obtenu mon bachot à seize ans, haut les mains, ce fut un hold-up, la professeure de sciences naturelles coefficient 4, sortait d'Auschwitz : elle était au-dessus des lois, elle nous a soufflé les sujets. Toutes les portes alors m'étaient ouvertes : Normale Sup, prépa HEC et tout le Toutim. Lorsque j'ai compris que ces écoles conduisaient à exploiter les pauvres, j'ai fui. Ma guitare sous le bras je me suis remis à écrire des poèmes et j'ai tapé le bitume. La première nuit, j'ai dormi sur un banc on m'a taxé mes pompes. Alors, les pauvres étaient aussi salauds que les riches ! J'ai chanté toute la journée ce qui me passait par la tête, même du CloClo, quelle honte ! j'ai gagné de quoi acheter des Converses et bouffer au Mac'do. C'est pas que j'étais un inconditionnel de la malbouffe américaine, mais c'est que c'était pas cher. Et pas loin. Des curés m'ont hébergé sans me demander de prier, heureusement, à l'école je boycottais le catéchisme, ayant senti très tôt l'arnaque. A suivre... demain !
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