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Rue des Boutiques obscures

Par Irreguliere

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Nous avons dépassé les jardins et nous nous sommes engagés dans l'avenue de New-York. Là, sous les arbres du quai, j'ai eu l'impression désagréable de rêver. J'avais déjà vécu ma vie et je n'étais plus qu'un revenant qui flottait dans l'air tiède d'un samedi soir. Pourquoi vouloir renouer des liens qui avaient été sectionnés et chercher des passages murés depuis longtemps ? 

Je n'avais jamais lu Modiano. Mais l'autre jour, à l'occasion des oraux blancs, j'ai interrogé des élèves sur son Quartier Perdu, et j'ai véritablement eu un coup de foudre, pour la langue mais surtout sur la richesse existentielle qui se dégageait de ces textes, et je me suis aussitôt lancée à l'assaut des librairies d'Orléans afin de le trouver tout de suite. Làs, si toutes avaient du Modiano, aucune n'avait quartier Perdu, aussi me suis-je rabattue sur celui-ci, dont le résumé me parlait, et qui a eu le prix Goncourt l'année de ma naissance, donc pensez-bien, c'était un signe !

Guy Roland, le narrateur, est un homme sans passé. Dix ans avant les faits qui se déroulent dans le roman, il a été frappé d'amnésie, et n'a d'Etat civil que grâce au baron Hutte, qui dirige une agence de détectives privés où il a engagé notre narrateur. Mais lorsque l'histoire commence, le baron ferme l'agence pour prendre sa retraite. Guy, quant à lui, se lance enfin sur la piste de son passé...

Bien sûr, ce qui m'a tout de suite interpellée, c'est ce thème de la mémoire/amnésie/identité dont j'ai parfois l'impression qu'il me poursuit, et qui fait de ce roman un parcours initiatique : malgré l'idée, plusieurs fois énoncées, qu'il faut vivre au présent et laisser le passé où il est, le narrateur se met en quête de son identité. Sur son chemin, il croise des personnages, qui lui livrent des indices, lui remettent des preuves, des documents, des photos, lui racontent des faits, comme autant de pièces d'un puzzle qu'il faut reconstituer. Et tout cela fait de ce texte plus un conte ou une fable qu'un véritable roman, car il faut bien dire que tous ces personnages qui tombent toujours à pic et délivrent au personnage le renseignement dont il a besoin, bien aimablement en plus, comme s'ils n'attendaient que lui, ne sont guère vraisemblable, même si ce n'est pas important, car de fait, ils permettent au personnage de voir réapparaître des bribes de souvenirs, comme des petites lucioles dans la nuit. De bons souvenirs, mais aussi une peur tenace dont on devine assez vite la raison. De fait, j'ai beaucoup aimé ce roman, dont l'ambiance est très particulière. A nouveau, j'ai noté l'importance de l'espace parisien dans la reconstruction de l'identité, et je pense qu'une étude géocritique du Paris de Modiano serait tout à fait fascinante. En tout cas, j'ai évidemment envie d'en lire d'autres, à commencer bien sûr par Quartier Perdu...

Rue des Boutiques Obscures

Patrick MODIANO

Gallimard, 1978 (Folio, 1982) — Prix Goncourt 1978


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