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Kammerkonzerte, 1979 : le premier rendez-vous de Telemann et de Musica Antiqua Köln

Publié le 16 mai 2012 par Jeanchristophepucek

Avec ce billet, Passée des arts inaugure une nouvelle rubrique dont le projet est de revenir sur des enregistrements remarquables principalement réalisés dans les années 1980 et 1990, avec quelques incursions ponctuelles dans les décennies 1970 ou 2000. Volontairement plus concises qu’à l’accoutumée, ces contributions se veulent, au moment où le disque demeure plus que jamais menacé de disparition, autant d’actes de gratitude et de mémoire envers ces jalons qui ont contribué à former notre oreille et notre goût, et demeurent d’actualité pour ceux qui découvrent la musique.

 

jean baptiste oudry nature morte au violon
Jean Baptiste Oudry (Paris, 1686-1755),
Nature morte au violon
(dessus de cheminée), sans date

Huile sur toile, 87 x 102 cm, Paris, Musée du Louvre
(cliché © RMN-GP/Droits réservés)

Fondé en 1973 par le violoniste Reinhard Goebel qui en assura la direction jusqu’à sa dissolution en 2006, l’ensemble Musica Antiqua Köln a imprimé une très forte marque à l’interprétation de la musique baroque, en particulier dans les années 1980 et 1990, qui virent l’apogée de son activité. Si ses premiers enregistrements témoignent d’un intérêt soutenu pour la musique italienne et française, où ses réussites furent pourtant assez inégales, la contribution de cette pépinière de talents – la liste des noms figurant sur les pochettes, d’Andreas Staier à Manfredo Kraemer en passant par Michael Schneider ou Léon Berben, donne parfois le vertige – à la réappréciation voire, comme dans le cas de Johann David Heinichen (1683-1729), à la redécouverte de pans entiers du répertoire baroque allemand est inestimable.

Sous contrat exclusif avec le label de Deusche Grammophon – excusez du peu – dédié à la musique ancienne, Archiv, Musica Antiqua Köln choisit, pour son cinquième disque d’aborder un compositeur dont Reinhard Goebel va se faire un des plus ardents défenseurs, Georg Philipp Telemann. Il faut garder à l’esprit qu’à la fin des années 1970, les préventions à l’encontre de ce musicien étaient conséquentes (certaines sont, hélas, toujours de mise de nos jours), en raison d’une intense prolificité jugée suspecte mais aussi, très probablement, de la façon routinière et ennuyeuse dont il était encore majoritairement interprété, avec de gros orchestres jouant de façon « romantique » sur instruments modernes. Goebel, en provocateur dont les foucades étaient toujours sous-tendues par une remarquable intelligence, prend ici l’exact contrepied de ces habitudes. Il choisit des concertos de chambre (Kammerkonzerte) largement méconnus – le Concerto pour deux violons TWV Anh. 42 :A1 n’était alors même pas édité –, mise sur la vivacité du tempo et la clarté des plans sonores, mais aussi sur une finition technique impeccable, battant ainsi en brèche l’idée reçue que les musiciens « baroqueux » joueraient obligatoirement faux. Le résultat, plus de trente ans après, demeure éblouissant, avec une lecture aux arrêtes parfaitement dessinées, dynamisée avec une virtuosité assez ébouriffante, en particulier dans les périlleux Concertos pour quatre violons sans basse, et une foi dans les possibilités expressives des partitions qui, en écartant toute tiédeur, permet aux interprètes de faire montre d’une roborative audace et d’un enthousiasme communicatif. Ces qualités sont mises au service d’une compréhension de l’univers de Telemann dont bien peu peuvent se targuer, y compris aujourd’hui ; Goebel et ses comparses ont parfaitement saisi le caractère composite et cosmopolite de l’inspiration d’un compositeur qui savait se nourrir aux sources italiennes – trois des concertos adoptent ici la forme da chiesa imposée par Corelli, envers lequel il avouait volontiers sa dette – comme françaises, ainsi qu’en attestent les mouvements inspirés de la danse des Concertos TWV Anh. 42 :A1 et TWV 43 :g3, et montrait également un intérêt marqué pour les musiques populaires, patent dans le Double concerto TWV 52 :a1, que ce disque a largement contribué à populariser. Ils parviennent, avec un naturel déconcertant où passe également, ce qui ne sera pas toujours le cas dans certaines de leurs réalisations ultérieures, une tendresse évidente, à fondre tous ces éléments en un tout parfaitement cohérent et équilibré qui rend justice à la verve et à l’inventivité de Telemann.

Sept autres disques consacrés à ce compositeur viendront encore, tous excellents voire exceptionnels, comme une intégrale de la Tafelmusik enregistrée en 1988, dont la hauteur de vue et le jaillissement de vie et de couleurs font toujours figure de référence aujourd’hui ; ils confirmeront les affinités qui apparaissent déjà ici de façon éclatante et ne cesseront de s’affirmer au fil des années. Est-ce d’ailleurs vraiment un hasard si ce qui devait être le dernier disque officiel de Musica Antiqua Köln pour Archiv sera justement dédié à la musique de chambre de Telemann ?

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Georg Philipp Telemann (1681-1767), Kammerkonzerte : Concerto pour deux violons en scordatura et basse continue en la majeur TWV Anh. 42 :A1, Concerto pour quatre violons sans basse en ré majeur TWV 40 :202, Concerto pour flûte à bec, viole de gambe, cordes et basse continue en la mineur TWV 52 :a1, Concerto pour flûte à bec, violons et basse continue en sol mineur TWV 43 :g3, Concerto pour quatre violons sans basse en ut majeur TWV 40 :203

Musica Antiqua Köln
Gudrun Heyens, flûte à bec
Reinhard Goebel, violon & direction

Enregistré en janvier 1979 dans le salon d’Hercule de la Résidence de Munich [durée totale : 52’31”]. Publié par Archiv Produktion et réédité dans sa collection « Blue » sous référence 474 230-2, ce disque, aujourd’hui indisponible, est à rechercher d’occasion ou à écouter et télécharger sur Qobuz.com en suivant ce lien.

Extraits proposés :

1. Concerto en ut majeur TWV 40 :203 : [I] Allegro

2. Concerto en sol mineur TWV 43 :g3 : [II] Siciliana

3. Concerto en la majeur TWV Ahn. 42 :A1 : [IV] Bourrée

Pochette reprise du site justclassical.co.uk


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