2/5
Un film de vampires et de revenants réalisé par Tim Burton, c’était alléchant. Qu’il embarque dans son aventure ses acteurs fétiches, quasiment indéboulonnables (Johnny Depp, Helena Bonham-Carter), des acteurs confirmés qui ont déjà joué pour lui (Michelle Pfeiffer) et la révélation du moment Chloe Moretz ne pouvait que réjouir. On savait aussi Eva Green capable de rayonner dans le rôle d’une sorcière vindicative. De fait, tout, depuis le cadre (une grosse bâtisse néo-gothique de Nouvelle-Angleterre, véritablement impressionnante) jusqu’à l’époque (les années 70) et le traitement volontairement ironique devait permettre au film de séduire les fans comme les simples amateurs de bons films, seuls ou en famille.
De fait, la déception, si elle est intense, doit plus à l’aura du metteur en scène qu’au potentiel intrinsèque du film : plusieurs éléments dans la campagne publicitaire (les affiches teasers notamment) laissaient penser qu’on ne serait pas face à un grand film burtonnien. Mais beaucoup espéraient sans doute un retour aux sources, après plusieurs échecs relatifs dans sa carrière : malgré un très bon Sweeney Todd, le désastreux Alice avait en effet enfoncé le clou dans une filmographie entachée par le calamiteux Planète des singes.
Surtout, l’impression générale est celle d’une œuvre aseptisée, construite artificiellement suivant un cahier des charges irrationnel. Pris séparément, il est difficile de faire la fine bouche sur les éléments de la réalisation : celle-ci est fluide mais sans génie ni éclat particulier ; on y remarquera une propension à l’ostentatoire, surtout dans les très (très) nombreux mouvements de grue pour des travellings et panoramiques aériens. La photographie rend hommage à la fois tant au passé qu’à cette période haute en couleurs où les jeunes évoquent la Guerre du Viêt-Nam au travers des volutes d’un joint qui passe de bouche en bouche. L’accent est porté sur des dialogues ciselés et mordants dans lesquels Eva Green brille véritablement grâce à des expressions faciales exagérées et un sens de la réplique étonnant. Les décors, outre le manoir (dont je suis vraiment tombé amoureux) sont peu nombreux, mais choyés ; on appréciera ce promontoire rocheux en forme de proue de navire dont les aspérités se découpent sur un ciel perpétuellement sombre et les embruns d’une mer agitée.
C’est parfois même drôle, parfois charmant, mais c’est avant tout ennuyeux. Certains personnages sont intéressants mais survolés, générant beaucoup de frustration dans un scénario indigent qui fait la part belle à des dialogues envahissants et pâtit d'un rythme très mou. Si la passion est au cœur du récit, déchaînant la haine millénaire de l’éconduite, elle ne transpire jamais à l’écran, et c’est bien là que le bât blesse, d’autant que la partition de Danny Elfman, phagocytée par de nombreux standards des années 70, reste à la traîne. On assiste à un défilé de personnages qui s’agitent souvent en vain pour construire une histoire sans intérêt autre que s’acheminer vers un finale attendu et sans aucune surprise conséquente en dehors de l’apparition d’un loup-garou (ce dernier élément semble indiquer la volonté de partir dans la loufoquerie, mais tombe cruellement à plat – et la manière dont les protagonistes se rattrapent aux branches est assez pathétique).
Ne parvenant jamais à émouvoir, Burton échoue donc à intéresser, même s’il touchera par moments ses inconditionnels qui retrouveront de très nombreuses références à sa filmographie, autant de clins d’œil à un passé qui semble le hanter à défaut de l’inspirer. Il aurait peut-être suffi d’une orientation plus marquée pour convaincre : insister davantage sur le choc culturel entre Barnabas (très bon Johnny Depp, mais là aussi agaçant par sa manière de jouer de la même façon) et ses descendants ; renforcer l’aspect comique (sans doute le plus réussi) ou au contraire miser sur le fantastique. Une suite est déjà annoncée, on verra bien.
Au Palmarès, le film divise les cinéphiles : il atteint pour l’heure la moyenne de 2,92 pour 12 votes. Ont plutôt apprécié : Boustoune, Niko06 de Filmosphère, 3moopydelfy, Dom de Silence… Action !.
N’ont pas aimé : Bruno de Cinémarium, Cachou.
Je vous invite également à aller parcourir le petit montage comic-book réalisé par Deuz sur Kick-Ass Movies, c’est hilarant.
Dark Shadows
Mise en scène
Tim Burton
Genre
Conte fantastique
Production
Village Roadshow Pictures & Infinitum Nihil Production ; distribué en France et à l’étranger par Warner Bros.
Date de sortie France
9 mai 2012
Scénario
Seth Grahame-Smith & John August d’après l’œuvre de Dan Curtis
Distribution
Johnny Depp, Michelle Pfeiffer, Helena Bonham-Carter, Eva Green & Chloe Moretz
Durée
112 min
Musique
Danny Elfman
Image
1.85 :1 ; 16/9 HDDC
Son
VF DD 5.1
Synopsis : En 1752, Joshua et Naomi Collins quittent Liverpool, en Angleterre, pour prendre la mer avec leur jeune fils Barnabas, et commencer une nouvelle vie en Amérique. Mais même un océan ne parvient pas à les éloigner de la terrible malédiction qui s’est abattue sur leur famille. Vingt années passent et Barnabas a le monde à ses pieds, ou du moins la ville de Collinsport, dans le Maine. Riche et puissant, c’est un séducteur invétéré… jusqu’à ce qu’il commette la grave erreur de briser le cœur d’Angelique Bouchard. C’est une sorcière, dans tous les sens du terme, qui lui jette un sort bien plus maléfique que la mort : celui d’être transformé en vampire et enterré vivant.
Deux siècles plus tard, Barnabas est libéré de sa tombe par inadvertance et débarque en 1972 dans un monde totalement transformé…