La perception sociale d’une œuvre cinématographique se décline temporellement en trois périodes. Périodes intégrées ou modelées par le modèle économique du secteur du cinéma, elles constituent le cycle de vie du produit cinématographique. Trivialement, un film en tant que période temporelle fait qu’il y a un "avant", un "pendant" et un "après". Une fois n’est pas coutume, je commencerais par parler de "l’après".
Au niveau de l’industrie, l'après est tout simplement le temps de l'amortissement du film (DVD, produits dérivés...). Il arrive parfois que des films rencontrent un succès populaire important dans l’après, c’est le cas de The Man From Earth (2007) de R. Schenkman rendu célèbre grâce au piratage. L’industrie a immédiatement réagi en sortant une nouvelle édition DVD en 2011 de ce film à petit budget. La veille de l’après pour l’industrie cinématographique est donc une nécessité. Au niveau individuel, il y a des après, plus ou moins long, des films qui ont marqué par leur médiocrité crasse, leur capacité à choquer notre morale petite bourgeoise, l’aspect artistique et avant-gardiste d’un style singulier. Parfois, il ne reste qu’une image, latente, sans qu’on puisse expliquer la raison de l’obsession. D'autre fois, le choc est tel qu’on a du mal s’en remettre et à regarder de nouveau des films (arythmie cinéphilique). Au niveau de la réalisation, gérer l’après, occuper l’esprit de l’après devient aujourd’hui chose commune et délibérément souhaitée chez les réalisateurs. Au point qu’on finisse par ne plus y voir de réelle rupture artistique. On pourra citer dans ce registre : Shutter Island,Inception, π, eXistenZ et il vous sera loisible de compléter la liste. Pour finir sur l'après, force est de constater que, bien souvent, celui-ci est de courte durée.Il ne faut pourtant pas dé-corréler les temps du cinéma. Ainsi, il y a parfois grande influence entre l’avant et l’après. Cette influence est à la base du dynamisme nécessaire à la bonne tenue économique du secteur cinématographique (je pense ici au bouche à oreille). Mais parfois cette influence sert à la construction du ‘culte’ et des ‘mythes’. C’est la lente descente vers l’alchimie forcée du consensus. Cette constitution de dogmes autour d’œuvres sera, pour certain un effet pervers, pour d’autre un effet qui a le mérite de remettre cet art au centre des débats. On sait bien avant qu’un film de Tarantino ne sorte en salle qu’il comportera des scènes cultes. La promotion, les quelques bribes du synopsis et les trop nombreux adeptes-activistes (les acteurs et faits de l’avant) feront le reste. Aucun doute ne plane sur la qualité du film, tout baigne et tout baignera. Ce qui est symptomatique chez Tarantino, c’est que l’après ressemble à l’avant. N’est-ce pas la frustration ultime du cinématographe ? Sur ce registre, on parle de Tarantino comme on aurait pu parler de Von Trier (je vais choquer tout le monde !), le duo Délépine/Kervern (on va croquer les nantis !), etc. Métaphysiquement, le cinéma est confronté aux mêmes questions que les autres médium. N'est pas art, oeuvre qui conforte attentes et préjugés (si tant est que l'on recherche une perspective artistique dans le cinéma). Les moments les plus agréables au cinéma ne sont-ils pas les attentes et préjugés déçus dans le bon sens?On en vient à l’avant.